MÉMOIRES DE LUMIÈRES
Simulacre
L’abbé des Veaux et le père de la Tour Noire gagnent la table des juges, le premier investit le fauteuil du centre, le second, celui de droite, manœuvre qui relègue monsieur le curé au rang de troisième juge. Il ne manque que la princesse Sophia pour que le spectacle commence. L’abbé lève un bras.
— Que le Seigneur nous bénisse et que l’Esprit-Saint illumine nos travaux, clame-t-il de sa voix haut-perchée. Je déclare le tribunal de la Sainte Inquisition ouvert. Asseyez-vous.
L’abbé expose les règles du procès. Il présidera les débats, aucune indiscipline ne sera tolérée, les autres juges et l’avocat s’en référeront à lui pour prendre la parole, et l’accusée se contentera de répondre aux questions. Il précise que le père de la Tour Noire, tout en conservant son statut de juge, agira en tant que procureur ; c’est lui qui instruira les preuves. Il souligne que la présence d’un avocat de la défense constitue une mesure d’exception car non prévue à la procédure inquisitoriale, ajoute que les chefs d’accusation seront dévoilés, pratique ex gratia pour la même raison ; voilà qui témoigne de la mansuétude de notre Sainte Mère l’Église, lance-t-il comme un fanion.
— Bonté qui exige de la part du tribunal une rigueur sans faille, dit-il en pointant le doigt vers le plafond. Car le Malin rôde dans ce salon.
Il fait un signe, un assesseur se lève, va à une crédence et rapporte à la table des juges un calice et autres ustensiles sacerdotaux. L’abbé et le dominicain disent la messe. Monsieur Lustrier recule de trois pas pour ne pas s’associer à cette cérémonie rendue obscène par les circonstances. Une fois l’hostie avalée par les officiants, le père de la Tour Noire s’autorise un sermon. Il commence par mentionner la justice de Dieu, la foi qui règle la vie sur terre, la doctrine de notre Sainte Mère l’Église que l’on doit défendre parce que dictée par Dieu.
— Le plus grand crime sur terre, s’enflamme-t-il tout à coup, est de contester cette doctrine. C’est le crime d’hérésie. Il est du devoir des inquisiteurs d’éradiquer l’hérésie ! Afin d’obéir à Dieu ! Devoir d’occire les hérétiques ! Afin d’assurer la pérennité de l’Église ! Devoir de traquer les renégats jusqu’aux portes de l’enfer ! Pour la gloire de Dieu ! Devoir de les pourfendre sans relâche, de les empaler sans hésitation, de les bousculer dans la fournaise infernale ! Pour l’éternité ! L’hérétique est traître à Dieu ! Mort à l’hérétique !
Les incantations s’abattent sur le prétoire comme une massue. Le dominicain reprend son souffle, s’essuie la bouche, pose la main gauche sur son cœur et relance sa diatribe.
— Parce qu’il est l’œuvre du Malin, le crime de sorcellerie, n’est pas moindre que celui d’hérésie. Mort aux sorcières ! Le crime de sodomie ne mérite pas mieux que les deux autres parce qu’il est inspiré de Satan et contraires aux préceptes de notre Sainte Mère l’Église. Sus aux sodomites !
Il prend un respire et crie que lui, Conrad de la Tour Noire, humble moine de l’Ordre des Prêcheurs mais inquisiteur extraordinaire, oint du Seigneur, saura se montrer rigide dans ses sandales, infatigable et impitoyable. Nulle menace, nulle intimidation, nulle cajolerie, nulle imploration, nulle prière non précédée d’aveux, nulle simonie suggérée, nulle tentative de corruption n’auront de prise sur lui. Il se réclame de ses illustres prédécesseurs, Domingo de Guzman, fondateur de l’Ordre, Bernard de Caux, Bernard Gui, Nicolau Eymerich, Henrich Institoris et Jacques Sprenger, les marteleurs des sorcières, le consulteur du Saint-Office Francisco Pena, Jean Bodin, Nicolas Rémy, Pierre de Lancre, Giulio Santori, Roberto Bellarmin, et Tomas de Torquemada. Comme eux, il est l’instrument de Dieu et le serviteur de Sa Sainteté Benoît XIV.
Content de lui et feignant une grande lassitude, il s’assied. Le notaire se dit que pour des inquisiteurs pressés, ceux-ci multiplient les manœuvres dilatoires. Du coin de l’œil, il remarque la princesse qui attend dans la galerie, spectacle navrant d’une innocente enchaînée, aveuglée et entourée de soldats. Sans doute le sermon lui était-il destiné, à elle aussi : reste à savoir si elle en fut édifiée. L’abbé fait un geste et les gardes poussent Sophia devant la chaise de l’accusée. Monsieur Lustrier demande la parole et la prend avant même qu’on la lui donne.
— Monsieur l’abbé, dit-il d’une voix qui dissimule mal sa colère, pourquoi ce bandeau, pourquoi ces chaînes ?
§
La séance d’après-dîner du procès d’inquisition n’est qu’un interminable et fastidieux interrogatoire qui se terminera d’une façon inattendue. En gros, disons que le père de la Tour Noire questionne, que Sophia répond, et que les assesseurs consignent. Parfois, le princesse répond à une question par une question et bien malgré lui le dominicain se surprend à répondre. Quelques fois, le notaire Jagoury veut intervenir mais se voit toujours rabroué par l’abbé des Veaux.
Après le serment, l’interrogatoire débute par les questions d’usage.
— Qui es-tu ? demande le dominicain.
— Vous connaissez mon nom, répond l’accusée.
— Je te le demande.
Elle décline son patronyme et ses titres, et ajoute qu’elle est une femme comme lui, l’inquisiteur, est un homme.
— Que signifie cette remarque ?
— Elle signifie qu’en dépit de toutes les affirmations du contraire, faites entre les murs de ce prétoire ou ailleurs, je ne suis rien d’autre qu’une femme.
De la Tour Noire ricane.
— Ta complice affirme que tu es un ange. Est-ce qu’elle ment ? Ou est-ce toi qui te parjures en ce moment ? Prétends-tu que tu sois un ange ? N’est-ce pas blasphématoire ?
— Est-ce qu’une femme peut être un ange ?
L’inquisiteur n’insiste pas. Un débat sur le sexe des anges ne l’intéresse pas. Il préfère questionner Sophia sur sa vie et sur celle de son amie.
— Es-tu chrétienne ? Appartiens-tu à l’Église catholique ? demande-t-il à brûle pourpoint.
Elle répond que madame Zhang et elle ont été baptisées. À ce moment, et en dépit des objections de l’abbé des Veaux, le notaire Jagoury produit les lettres du cardinal de Fleury, de la duchesse de Maurent-Luxemberg et de dom Gabriel d’Eutuquière, qui toutes recommandent les dames.
Il fait chaud dans le prétoire. Les religieux suent sous leur soutane, les assesseurs se massent les doigts, monsieur Jagoury tambourine la table, Agathe et Margot agitent leur éventail, les soldats se sont assis sur le plancher, le fusil entre les jambes. Seules Sophia et Ya Ming semblent indifférentes à l’ambiance lourde et moite de cette aberrante fin d’après-dîner d’été.
— Accusée, sais-tu pourquoi tu es ici ?
— On me retient contre mon gré. Je ne peux savoir ce que l’on me reproche avant que vous me le révéliez.
Le dominicain dit que ça viendra, puis interroge Sophia sur les personnes qu’elle a fréquentées depuis son arrivée en France.
— Le cardinal de Fleury, le contrôleur-général des finances Orry, le marquis de la Clareté, aujourd’hui décédé, dom Gabriel d’Eu . . .
— . . . crois-tu en Dieu ? coupe l’inquisiteur.
Il pense surprendre l’accusée par des questions posées à brûle pourpoint.
— Croire est facile mais difficile est de cerner l’objet de sa foi, répond Sophia. Qui est Dieu ?
— Ne tergiverse pas. Tu le sais bien : Dieu est Dieu, le seul vrai Dieu, le Dieu de l’Église catholique et romaine, le Dieu des Saintes Écriture.
— Le Dieu de l’Ancien Testament est Unique, celui du nouveau Testament est Trinité. Quoi qu’il puisse être, je me soumets à sa volonté.
— Blasphème !
— Monsieur le procureur, ne nous enseigne-t-on pas que Dieu est immanent à lui-même et ses desseins, insondables. Devant ce mystère qui me subjugue, je ne puis qu’affirmer mon obéissance à Dieu.
— Obéir à Dieu est ton devoir.
— Je n’en disconviens pas. C’est pourquoi Dieu m’apporte sa grâce . . .
— . . . grâce ? Toi, suppôt du Démon, comment oses-tu parler de grâce ?
— Monsieur le procureur, je me demande : m’est-il possible d’obéir à Dieu sans le secours de la grâce ? Et si la grâce se présente, ai-je le loisir de la refuser ? Peut-on me condamner si, par ignorance, je ne reconnaîtrais pas la grâce offerte et si, toujours par ignorance, à cause justement de l’absence de la grâce, j’aurais péché ?
— Le tribunal tranchera si tu as péché ou non.
— Pour rendre une sentence juste et éclairée, le tribunal ne doit-il pas, lui aussi, être habité par la grâce divine ?
— Cela va de soi.
— En conséquence, la grâce n’habite-t-elle pas tous les hommes qui, tous, furent rachetés par le sacrifice de Jésus sur la croix. Si, moi, l’humble créature de Dieu, je possède comme tous les autres la grâce divine à la fois suffisante et efficace[1], ne suis-je pas alors blottie dans les bras du Seigneur tout-puissant, compatissant et infiniment bon ? Dans ces conditions, comment puis-je commettre le mal ? Comment peut-on me juger pour une faute que je serais incapable de commettre ?
— Est-ce à dire que tu ne reconnaitrais pas l’autorité divine du tribunal de l’Inquisition ?
Sophia se recueille un moment.
— Si vous affirmez que la grâce divine nous habite tous, alors elle m’habite aussi et fait en sorte que je suis aussi pure et innocente que la Vierge Marie. En conséquence, le tribunal ne peut que m’innocenter.
— Tu divagues : le tribunal te condamnera si tu es trouvée coupable des crimes dont il t’accusera. Je te répète la question : reconnais-tu l’autorité de ce tribunal ?
Nouveau silence. Dans le prétoire, tout le monde est sorti de sa torpeur pour essayer de comprendre cette étrange dispute.
— Monsieur le procureur, je réponds à votre question. Pour agir en femme honnête, j’ai besoin de la grâce. Et Dieu la donne à tous. Ai-je le pouvoir de la refuser ? Assurément non car il serait blasphématoire d’affirmer que Dieu, qui est infiniment plus puissant que moi, ne puisse me transmettre sa grâce. Dans ce divin combat entre Dieu et moi, Dieu sort toujours vainqueur, et j’en suis fort aise. Donc, ayant la grâce, je répète que je ne puis faire le mal parce que je suis prisonnière de cette divine béatitude. Étant dépourvue du libre arbitre, je ne puis être reconnue coupable . . .
— Tu as l’esprit tortueux du Malin. Où veux-tu en venir ?
— . . . en revanche, si Dieu me refusait la grâce, son tribunal n’aurait plus le droit de me condamner ni de me punir, car ainsi abandonnée par Dieu, je n’aurais pas le choix de pécher ou de ne pas pécher.
— Mais, idiote, tu devrais savoir que Dieu accorde sa grâce aux honnêtes gens et la refuse aux mécréants. L’Inquisition qui est d’inspiration divine est la preuve irréfutable de ce que j’avance.
— Vous affirmez, monsieur, que Dieu choisit à qui il donne sa grâce. Cette affirmation signifie que Jésus n’est pas mort pour tous les hommes mais uniquement pour ceux à qui Dieu octroie sa grâce. Les premiers sont prédestinés à faire le bien, les autres sont les mécréants. Ai-je bien saisi votre pensée ?
— Assurément.
— Voilà une assertion qui me surprend. Car si je la faisais mienne pour reconnaitre l’autorité de ce tribunal, j’endosserais la doctrine de monsieur Jansénius. En effet, la position que vous venez d’énoncer fut présentée dans l’opuscule de l’oratorien Pasquier Quesnel, ‘Réflexions morales’. Or, en septembre 1713, cette thèse fut condamnée comme fausse et hérétique par la bulle Unigenitus Dei Filius de Sa Sainteté Clément XI. Par la suite et pour éliminer toute ambigüité, à l’instigation de Son Éminence le cardinal de Fleury, la condamnation papale fut ratifiée par Sa Majesté sur son lit de justice, le 24 mars 1730.[2]
La consternation s’abat l’inquisiteur qui n’arrive pas à démêler ce qu’il vient d’entendre mais qui réalise qu’il vient de s’enferrer. Plus érudit, le notaire Jagoury comprend la manœuvre de la princesse et ajoute son grain de sel.
— Je note que cet échange a été consigné verbatim par nos minutieux greffiers. Son Éminence sera ravie d’apprendre que des jansénistes hérétiques se réclamant de Sa Sainteté et de Sa Majesté pour persécuter de nobles et pieuses dames qui jouissent de sa protection.
La première journée du procès se termine dans cette curieuse confusion.
§
Même dimanche matin. Il pleut sur le duché de Luxemberg. De cette pluie qui enchante le paysan. Il fait chaud aussi, surtout dans l’église bondée jusqu’au jubé. D’emblée, précisons qu’à Pyrois comme dans tout pays catholique qui se respecte, la messe dominicale prime la répression, même inquisitoriale ; aussi, la lugubre comédie ne reprendra-t-elle qu’en après-dîner. À dix heures donc, toute la paroisse s’entasse dans la nef, sauf les hommes de faction dans la halle et sur les baricades entourant le palais Ducal. Monsieur Lustrier officie à l’autel, les vicaires et les volutes d’encens voltigent dans le chœur, au premier rang de la nef madame Zhang et les notables ressassent leur inquiétude et derrière eux la masse des fidèles s’engourdit dans une moite torpeur. Comme à son habitude, monsieur Lustrier lancera l’Ite missa est du haut de la chaire, en conclusion de son sermon. Mais aujourd’hui et pour la première fois de sa vie, il se sent vieux. Néanmoins, le moment venu, il grimpe au perchoir situé à mi-distance entre le chœur et le narthex. Il se promet de ne prononcer que quelques mots d’encouragement. Pourquoi remâcher l’indignation que tous partagent ? Il pose les mains sur la rambarde, parcourt du regard les visages levés vers lui et du coup se sent envahi d’une indicible tendresse. Là sont ses enfants, si bons, si confiants, si vulnérables aussi, ses enfants qu‘il doit protéger. En est-il capable ? Les larmes lui brouillent la vue et bien s’il ne veuille dire qu’une phrase, il ne souhaite pas la jeter dans le vague. Il prend un grand respire, sort son mouchoir, s’éponge les yeux, s’essuie le visage, se mouche, se racle la gorge. En bas, on patiente avec déférence. Il lève la main, ouvre la bouche mais, distrait par un mouvement tout au fond de l’église, la referme. Six soutanes et autant de casaques viennent d’entrer et s’alignent contre le mur arrière. Ce sont les inquisiteurs et leur escorte. Que viennent-ils faire ici ? Les occupants des derniers rangs se retournent, s’étonnent, chuchotent. Le murmure bondit d’une rangée à une autre, s’alourdit en chemin, et c’est un grognement qui atteint le premier rang. Bernard Brillant et Antoine Jagoury quittent leur banc et se dirigent à grands pas vers l’arrière. Interprétant ce mouvement de leurs chefs comme un appel aux armes, tous les hommes se lèvent. Aussitôt imités par les femmes et les enfants. Trois paysans qui occupaient la dernière rangée se déplacent et bloquent la porte du baptistère qui mène à extérieur. Réalisant tout à coup le piège dans lequel ils se sont fourrés, les inquisiteurs sortent une dague de dessous leur bure, les mousquetaires tirent leur pistolet de leur ceinture. Du haut de la chaire, monsieur Lustrier a tout vu. Une tuerie s’annonce, avec des victimes des deux côtés. Il doit faire quelque chose. Et vite. Il lève les deux mains.
— Mes enfants, crie-t-il de toutes ses forces, je vous en conjure, soyons fidèles à nous-mêmes et accueillons nos visiteurs avec douceur.
L’intendant et le notaire s’immobilisent au pied de la chaire et lèvent la tête vers le curé, Celui-ci leur fait une mimique qui signifie que les inquisiteurs sont de véritables crapules, c’est entendu, qu’ils ne cherchent qu’à provoquer, ça va de soi, mais que ce n’est pas une raison pour s’abaisser à leur niveau. D’un geste de la main, il les invite à retourner à leur place. Après une courte hésitation et un échange de regards, ils obtempèrent.
— Asseyez-vous, ordonne monsieur Lustrier à toute la nef, j’ai à vous parler. Et vous, messieurs, ajoute-t-il à l’attention des inquisiteurs, rengainez vos armes. La paix règne dans la maison du Seigneur.
Remontant à leur place, l’intendant et le notaire appuient l’ordre du curé de gestes de la main. L’assemblée obéit mais en grommelant. À l’arrière, ils sont maintenant une dizaine à bloquer la porte. L’un d’eux est Louis Girguet.
— Monsieur le curé, crie celui-ci d’une voix qui fait sursauter tout le monde, on ne bouge pas d’ici à moins que vous nous en donniez l’ordre.
— Très bien, Louis, mais conservons notre calme.
Curieusement, monsieur Lustrier ne ressent plus la fatigue. Ici, c’est lui le Pasteur, donc c’est lui qui parle. Et il dira ce qu’il a sur le cœur, autant pour calmer ses ouailles que pour sermonner les crapules.
— Mes enfants, amorce-t-il, le Seigneur prêche la bonté et réclame la justice. Le Seigneur honnit les querelles. Surtout lorsqu’elles sont fausses. Le Seigneur hait les procès. Surtout lorsqu’ils reposent sur la vase. Le Seigneur ne juge pas. Le Seigneur ne condamne pas. Le Seigneur pardonne. Que chacun de nous suive l’exemple du Seigneur.
Mes enfants, défions-nous des arguties tracassières. Méfions-nous des sophismes obscurs. L’esprit ne peut acquiescer qu’à ce qui lui parait vrai, le cœur ne peut aimer que ce qui lui semble bon. Refusons la menace car elle fera de nous des hypocrites si nous sommes faibles, et des martyrs si nous somme courageux. Et moi, je n’hésite pas à l’avouer : je suis faible. Oh oui, je suis le dernier des pleutres et le Seigneur le sait. Aussi ne requiert-il pas que je sois mensonger. Il ne me demande que d’être bon. Comme lui. Mais faible ou fort, face à la terreur de la persécution, nous sentirons l’injustice et, à juste titre, nous nous en indignerons. Mais pourquoi faut-il qu’on nous enfonce l’indignation dans la gorge ? Ne serait-il pas plus chrétien de nous offrir l’allégresse et le contentement ?
Mes enfants, il est impie de vouloir imposer des entraves à la conscience. Moi, et vous, (il pointe le doigt vers le fond de la nef) qui sommes prêtres du Seigneur et serviteurs des hommes, nous avons la responsabilité de l’éclairer, cette conscience, et non de l’emprisonner. Il se peut qu’un bon chrétien se trompe de bonne foi, il se peut même qu’un prêtre trompe de bonne foi, mais alors nous devons les plaindre, jamais les punir. Nous devons discuter loyalement, jamais invectiver. Nous devons chercher à faire surgir la vérité par la parole et non par l’épée. Nous devons même accepter de diverger, mais toujours dans le respect mutuel. Le Seigneur nous enseigne que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre, que celui qui ne s’est jamais égaré impose la première censure. La censure est un fer rougi au feu qu’il vaut mieux ne pas saisir. Car il pourrait brûler celui qui le brandit, pourrait même embraser l’univers entier. La conflagration n’est bonne qu’à engendrer des pleurs. Je préfère des rires. Le Seigneur aussi.
Mes enfants, si nous pouvons arracher un cheveu à celui, ou à celle, qui ne pense pas comme nous, nous pourrons disposer de sa tête parce qu’il n’y a point de limite à l’injustice. Qu’est-ce que le Seigneur a recommandé à ses disciples en les envoyant chez les nations ? Est-ce de mourir ou de tuer ? Est-ce de souffrir ou de persécuter ? Comment est-ce possible que nos opinions, à nous prêtres, nous autorisent à haïr et à supplicier ? Ne sommes-nous point prêtres pour aimer nos ouailles ? S’il est peu chrétien de juger celui, celle qui ne pense pas comme nous, que dire de la condamnation de celui, de celle qui partage notre point de vue. Qui a-t-il de plus abjecte que l’anathème contre les siens ?
Monsieur le curé se repose un moment sans cesser de fixer les inquisiteurs.
— Mes enfants, reprend-il sur le même ton de fermeté, qu’est-ce que commettre un péché ? Je vous réponds que pécher, c’est faire du tort à son prochain, alors qu’aimer, c’est lui faire du bien. Gardons-nous de punir l’amour. Le Seigneur qui aime les gens n’entre pas dans leur maison, ne grimpe pas dans leur lit. Au contraire, du haut du ciel, il veille sur leur repos et se réjouit qu’ils soient en train d’aimer plutôt que d’haïr, de goûter à leur morceau de bonheur plutôt que de faire la guerre.
N’employons jamais la contrainte ; plutôt la raison. N’employons jamais la force ; plutôt la douceur. Raison vaut mieux que superstition, lumière vaut mieux qu’ignorance, et douceur vaut mieux que contrainte. Ne craignons pas la tolérance. Elle n’a jamais excité la guerre. Au contraire, c’est l’intolérance qui répand la terreur et le carnage. Soyons fermes devant l’injustice mais raisonnables, soyons ouverts aux idées des autres sans laisser les autres nous flageller des leurs. La raison inspire l’indulgence, affermit la vertu, et nous rend aimables. Je vais vous dire une chose importante : si vous aviez à choisir entre la conformité à vos dogmes et la bonne entente avec vos voisins, prenez la seconde. Car il est déraisonnable, impie même, de s’accrocher à un dogme qui provoque la discorde, qui engendre l’affrontement. Nous avons plus de mille traités sur les subtilités doctrinales que personne n’entend, plus de cent volumes de jurisprudence sur la manière de distinguer les vrais faux sorciers des faux vrais magiciens, maintes bulles sur la manière de distinguer la grâce suffisante de la grâce efficace, sur la façon de trancher entre le pouvoir prochain ou le pouvoir lointain de la grâce, sur l’arbitre plus ou moins libre, et sur les caresses que peuvent se faire ou ne peuvent pas se faire deux êtres qui s’aiment. Pourquoi tant d’ardeur dans la dispute, pourquoi tant d’enthousiasme dans la dragonnade ? Pourquoi ne pas simplement consulter le livre de notre intelligence, de notre conscience, de notre cœur ?
Voyez où mène l’intolérance : il n’y a pas si longtemps, certains prêtres célébrèrent les pourfendeurs de protestants. Le plus grand titre de gloire, comme gage d’accès au paradis, fut attribué à celui qui avait égorgé vingt-quatre huguenotes enceintes. Mais alors, dans la même logique perverse, doit-on attribuer le même titre de gloire au fanatique des Cévennes qui avait éventré vingt-quatre dames catholiques, elles aussi enceintes ? Y a-t-il une terreur qui soit bonne, et une autre qui soit mauvaise ?
Mes enfants, je vous soumets que la bonne entente, l’honnêteté, le travail honnête et honnêtement rétribué, la saine satisfaction à la fin de la journée, les innocentes plaisanteries, les caresses échangées entre les époux ou entre les amants, les rires des enfants, les espiègleries des jeunes gens et des jeunes filles, les petits services rendus sans compter, toute cette règle de vie raisonnable, joyeuse et, ma foi, parfumée d’esprit, vaut mieux que les querelles stériles, les invectives gratuites ou les interdits sans fondement. Aimons-nous les uns les autres, c’est la seule grâce que je nous souhaite mais elle nous suffit.[3]
Un tonnerre d’applaudissement secoue l’église. Monsieur le curé fait un geste. Louis Girguet et ses amis se déplacent, ce qui permet aux inquisiteurs de s’éclipser.
§
Le troisième jour du procès est consacré à la sorcellerie. Pédagogue de l’horreur, le père de la Tour Noire passe l’avant-dîner à discourir sur le sordide crime de sorcellerie, comme il le qualifie lui-même. Qu’est-ce que la sorcellerie ? demande-t-il au prétoire. Et il s’empresse de répondre que c’est le commerce avec le Diable. Ce sont surtout les femmes qui s’adonnent à cette monstruosité, explique-t-il avec une évidente satisfaction. Pourquoi ? Parce que, comme chacun sait, elles sont plus vicieuses que les hommes. Depuis Ève qui copula avec le serpent infernal, la femme entraîne l’homme dans son filet comme l’araignée, la mouche.
Comment reconnait-on la sorcière ? demande-t-il encore. Je pourrais vous répondre que nous n’avons qu’à observer l’accusée et sa complice. Belles, souriantes, aimables, elles vous apparaissent. Méfiez-vous ! Cette beauté n’est qu’un masque trompeur qui dissimule l’hydre gluant du Malin. Arrachez ce masque et vous découvrirez la sorcière sous son vrai jour, dans toute son horreur. Sa peau se fripera et prendra la couleur de cendre, et ses yeux s’injecteront de sang. Sachez que les sorcières ne pleurent pas, du moins jamais plus de trois larmes et uniquement de l’œil droit. Si elles fondaient en larmes sous la torture, ce ne serait que dissimulation. La femme devient sorcière en signant un pacte avec le Diable. Vous m’objecterez que ne sachant ni lire ni écrire, plusieurs sorcières ne pouvaient signer leur nom. Je vous répondrez que cette objection ne tient pas : la signature diabolique est le coït. Et personne ne niera que la femme, naturellement inculte, imbécile et inférieure à l’homme en tout sauf en malice, sait copuler. Ah oui, ça, elle le sait, et ne s’en prive pas. Puisque la sorcière concocte des philtres pour répandre ses maléfices, toute femme qui se perd en forêt pour cueillir des herbes, des champignons et des simples pratique la sorcellerie. Toute femme qui murmure des charmes, qui agite des talismans, des amulettes, des osselets ou tout autre fétiche pratique la sorcellerie. La nuit de pleine lune, la donneuse de mauvais sort enfourche son balai et rejoint ses complices au cœur de la forêt. Là, les sorcières célèbrent le sabbat diabolique . . .
Il prend un grand respire et s’octroie une gorgée d’eau. Dans la demi-obscurité moite et surchauffée du grand salon éclairé de cierges fumants et dégoulinants, le sermon de l’inquisiteur s’abat comme une bouse, molle et puante. Étant donné que tout le monde connait d’avance l’issue de la journée, tout le monde espère que l’inquisiteur ne s’éternisera pas. Mais lui n’en a cure car il dispose de l’éternité de l’Église, et de l’assurance du détenteur de la vérité perpétuelle.
. . . le sabbat du Diable, oui, le sabbat du Diable, répète-t-il. Un jour, dans l’exercice de mon ministère, j’ai assisté à cette effroyable cérémonie. (il prend un ton de conspirateur) Figurez-vous une trentaine de sorcière, des vieilles grimaçantes, des veuves en chaleur, des jeunes aussi à la beauté aguichante. Certaines de ces démones arrivaient sur leur balai, d’autres chevauchaient un sanglier. Sitôt assemblées, elles jetèrent bas leurs vêtements et, exhibant des chaires frémissantes qui luisaient sous la lune, formèrent un cercle autour d’un feu. Après des incantations et des appels à Belzébuth, elles dressèrent à côté du brasier trois autels en pierres grossières et y enchaînèrent de jeunes enfants déjà abrutis de drogue. Pendant qu’elles vaquaient, des boucs rouges, velus et puants sortirent de l’obscurité et virent rôder autour d’elles ; parfois, une bête reniflait le cul d’une sorcière ; alors celle-ci la flattait en riant, et ses compagnes criaient : Azazel ! Azazel ! Azazel !
Tout à coup, dans un fracas de tonnerre, apparurent les démons en nombre égal aux sorcières. Dans ma cachette, je fus presque terrassé par l’odeur de souffre qui me prit à la gorge. Imaginez si vous le pouvez des êtres grimaçants, hirsutes, noirs, nus, avec des yeux de feu, des cornes acérées, une queue fourchue et le priape brandi, des monstres qui sautillaient autour des sorcières qui ne semblaient pas apeurées. Au contraire, pour les aguicher, elles se tortillaient, tiraient la langue et lançaient des ricanements lubriques.
Formant un second cercle autour des sorcières, les démons se lancèrent dans une ronde frénétique ponctuée de hurlements. Tout à coup, ils s’immobilisèrent et présentèrent leur cul aux sorcières ; aussitôt, celles-ci s’agenouillèrent et chacune baisa, lécha avec délectation l’organe offert, comme la plus avide des goinfres, comme la plus vicieuse des putains. Un grand cri salua cette consécration. Ainsi ointes, encouragées par les incantations des Démons, elles égorgèrent les enfants, s’abreuvèrent de leur sang, découpèrent leurs chaires encore fumantes, en firent un onguent et s’en enduire le corps. Pendant cette macabre opération, les diables encourageaient les sorcières de leurs obscènes simagrées. Et les boucs retroussaient les narines, bêlant à la lune. Dans mon buisson, j’étais mort de peur. Mais Dieu me protégeait . . .
Humide d’émotion, l’inquisiteur s’essuie.
. . . les sorcières et les démons s’enivrèrent de danses de plus en plus effrénées, de plus en plus lascives, qui se transformèrent en une hallucinante orgie, les diables sautant d’une sorcière à une autre, les pénétrant de toutes les façons, elles, jamais satisfaites, en demandant et redemandant toujours. Et pendant que les diables tisonnaient les sorcières, les boucs sodomisaient indistinctement les uns et les autres. L’aube se levait : je m’enfuis et passai le reste de la journée à genoux dans ma cellule, en proie à la plus grande excitation . . . (nouveau silence) . . . c’est alors qu’une voix douce se fit entendre. Tout de suite, je sus que cette voix appartenait à Saint-Dominique, le plus zélé des inquisiteurs. ‘Conrad, me dit le Béni d’entre les saints, c’est Dieu qui a guidé tes pas vers cette cérémonie démoniaque. Pour que tu en saches toute l’horreur. Maintenant, ta voie est tracée. Va, parcours le monde, traque, débusque et brûle les possédées du Malin.’ Je fis alors le vœu de consacrer ma vie à cette mission divine.
Nouveau silence dans le prétoire. Le notaire Jagoury se lève.
— Monsieur l’abbé, dit-il, la fable du procureur n’intéresse que lui. Pouvons-nous en venir au fait ?
— Monsieur le notaire, répond l’abbé, laissez parler le bon père. Il nous inspire.
§
Des bruits insolites réveillent Sophia. Elle se lève dans le noir absolu et s’approche à tâtons de la porte de son cachot. Posant son oreille sur le panneau, elle essaie de deviner ce qui se passe. Des bruits étouffés, une porte semble-t-il qui se ferme. Puis le silence à nouveau s’installe. Elle revient dans son coin, s’assied sur le sol et s’adosse au mur. Depuis le viol de petite-sœur, des images troubles ne cessent de l’assaillir, des souvenirs qui remontent de loin percutent les malheurs présents. . son enfance heureuse, Ya Ming, l’orpheline adoptée par ses parents, Ya Ming si mignonne, si discrète, si intelligente, qui devint petite-sœur, son alter ego, sa meilleure amie . . . puis le drame éclate, brutal, inattendu, sa mère violée et assassinée sous ses yeux, elle-même violée, son père qui ne s’en remit jamais, son amant qui la rejette, puis se suicide, sa phobie du crime sexuel qu’elle pensait avoir guérie à l’abbaye des Nuées lorsqu’avec Gabriel elle a raccommodé Honorine et Alban, puis, vlan ! les lâches se déchaînent sur petite-sœur, quatre fois, quatre fois, ils l’outragent de la plus abjecte façon . . . elle se force à penser à Gabriel mais aussitôt soupire, Gabriel qu’elle aime mais qu‘elle ne verra plus jamais . . . le souvenir de son amour chasse à peine l’image de petite-sœur crucifiée sur le plancher et en plus la fait pleurer.
Elle se secoue. Pour ne pas s’apitoyer, elle concentre son esprit sur les gens biens qu’elle a rencontrés au cours de ce voyage, à Joseph, au cardinal de Fleury, au marquis de la Clareté, au capitaine de La Radieuse, au balilla, à Simona d’Istanbul qui dégobilla d’avoir vu une lapidation et à qui elle a fait une promesse qu’elle ne pourra peut-être pas tenir, à Jacques qui est devenu son ami, à Marie qui hérite d’une fastueuse destinée, ces deux-là trouverons sûrement le bonheur . . . sa pensée revient à l’insensé procès qu’elle doit endurer . . . elle jure tout haut . . . jurer l’empêche de pleurer, oui, elle doit subir cette sordide comédie sans regimber . . . oh, qu’elle aimerait leur botter le cul, à ces petits voyous ! . . . mais le monde n’est pas peuplé que de voyous, Diderot, par exemple . . . oui, Diderot, qui est à l’origine de tout, qui mérite qu’on se sacrifie pour lui et qu’il faut protéger à tout prix . . . ne jamais oublier : sauver Diderot est l’unique objectif de ce voyage déjà trop long qui se terminera bientôt . . . du moins, elle l’espère . . . sa pensée glisse vers les dangers qui s’accumulent sur sa tête, elle voudrait les supputer mais bien sûr n’y arrive pas, car elle ne sait rien des éventuels agresseurs de Diderot . . . elle doit se montrer forte, rester aux aguets . . . demain soir, petite-sœur montera à l’assaut de cette absurde prison, si elle y arrive, ce sera la fin de cet internement . . . et le début du vrai combat . . . petite-sœur ne doit pas faillir . . . non, se dit-elle, j’ai tort de penser ainsi, je n’ai pas le droit de douter de Ya Ming . . . jamais elle n’a trébuché . . .
Elle s’allonge sur le pavage de brique, pose sa tête sur son bras replié. Dormir, il faut dormir.
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Le procès reprend à trois heures. Le père de la Tour Noire poursuit l’accusation en lisant un long témoignage signé des policiers parisiens, l’Auvergnat et le Navarrais. Ceux-ci narrent dans le détail la partie de campagne du Cours-la-Reine. À ce pique-nique de libres penseurs, la femme Timur Yisuan et la femme Zhang ont affiché leur opposition à la foi lorsqu’elles ont érigé sur le même piédestal que l’Église catholique trois cultes païens venant de Chine, des croyances impies qui rejettent Dieu. Cette position est contraire au dogme de l’Église tel que décrété au Concile de Nicée, en 325. Rappelons qu’en vertu de ce dogme, tout comme Dieu est unique en sa Trinité, l’Église est une, œcuménique, romaine et universelle. D’ailleurs, n’est-ce pas l’apôtre Jean qui nous enseigne que Jésus lui-même ordonna l’unité et l’universalité de l’Église en prêchant : ‘Que tous soient un, comme toi, Père . . .’
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Un deuxième témoignage corrobore cette accusation. Il provient du valet du cardinal de Fleury, Barjac le Jeune, qui affirme sous serment qu’une personne de qualité, monsieur Le Normant d’Étioles, lui a confié que les étrangères ont prêché un culte contraire à la religion et que, depuis cette funeste partie de campagne, son épouse si douce et si timide, en est toute troublée.
La troisième accusation d’hérésie est couchée sur un somptueux parchemin rehaussé d’un blason et alourdi d’un sceau. C’est le témoignage de monsieur le comte de Fayard-Brillant. Monsieur le comte affirme sous serment que lors d’une réception chez Son Éminence le cardinal de Fleury, la femme Timur Yisuan a énoncé une position qui sape à la fois le royaume de France et l’Église de Rome. Souvenons-nous que la France est la fille aînée de l’Église et que ces deux institutions, l’Église et la France, reposent sur le même socle. Tout Français c’est-à-dire tout chrétien, se doit d’afficher sa loyauté indistinctement au Pape et au Roi. Or, devant Son Éminence, la femme Timur Yisuan questionna le fondement du royaume de France, mettant en cause les trois ordres qui le constituent, à savoir la noblesse, le clergé et le tiers-état. Donc, qui sape le royaume de France sape l’Église, qui questionne le Roi questionne le Pape, qui va à l’encontre de la Royauté s’oppose à l’Église, et qui s’oppose à l’Église renie sa foi et commet le crime d’hérésie.
Un long silence suit cette dernière accusation du procès. À elle seule, elle pèse plus que toutes les autres accusations car elle fait référence à des faits que le cardinal ne pourra nier et parce qu’elle va dans le droit fil des intérêts de caste de la noblesse et du clergé français. Sophia et Ya Ming sont coincées.
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[1] Voir les Provinciales de Pascal pour tenter de comprendre la querelle entre les jésuites et les jansénistes. Entre autres, on aborde l’absurde différence entre la grâce dite ‘suffisante’ et celle qualifiée ‘d’efficace’.
[2] Au XXIe siècle et dans les siècles subséquents, il devint très difficile de comprendre les subtilités des querelles religieuses européennes des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Catholicisme, jansénisme, calvinisme, luthérisme, anglicanisme, augustinisme, ultramontanisme, gallicanisme, port-royalisme, absolutisme, pélagianisme, molinisme et autres richerismes s’affrontaient dans une étrange cacophonie. Derrière les arguties doctrinales se profilaient, comme toujours, de sombres luttes de pouvoir. En ces temps-là, il devenait facile d’adopter une position hérétique sans le savoir.
[3] Quelques jours plus tard, Diderot entendra parler de ce sermon. Il le relatera à Voltaire et à beaucoup d’autres philosophes. Et tous s’en souviendront.