PRÉSENCE DE LUMIÈRES
La cacocratie (extraits)
La CACOCRATIE
ou la démocratie assassinée par le mensonge
Michel Lincourt PhD
Chaire UNESCO-UQAM de philosophie
Institut d’études internationales de Montréal
Université du Québec à Montréal
Presses de l’Université Laval
(Extraits)
Qu’est-ce que la cacocratie ?
— C’est la démocratie assassinée par le mensonge.
— Le mensonge?
— Depuis la nuit des temps, il foisonne dans le discours public et infecte le monde ; aujourd’hui, il prolifère sur la Toile informatique, sape notre conscience citoyenne et nourrit la cacocratie.
— Et la cacocratie ?
— C’est une oligarchie financière, informe, amorale, ubiquiste, insidieuse et nocive, qui se cache dans l’assourdissant brouillard informationnel pour siphonner les richesses de la planète.
— Et alors ?
— C’est le régime politique qui nous gouverne aujourd’hui, à notre insu.
— Ne sommes-nous pas en démocratie ?
— Elle n’est plus qu’une façade … elle agonise.
— Ne devons-nous pas réagir ?
— C’est l’objet de cet ouvrage. »
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Je me dis : je vis en démocratie ? Vraiment ? Soudain, je doute. Un malaise s’infiltre dans mon esprit, comme un brouillard malsain sur la ville. Je veux me rassurer : oui, bien sûr, au Canada, je vis en démocratie parce que je vote. Mais est-ce suffisant ?
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Le scrutin, est-il ce qu’il prétend être, c’est-à-dire le moyen de choisir en toute liberté mon représentant au parlement de mon pays, pour administrer la société où je vis selon mes besoins et mes aspirations, et pour adopter des lois en conformité avec mes valeurs ? Ou au contraire le scrutin n’est-il qu’un habile simulacre, qu’un marché de dupes où le mensonge prolifère ?
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Si la vérité est nécessaire pour vivre en paix, à l’inverse le mensonge est le discours toxique qui engendre la zizanie.
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La Toile sert à vendre et acheter à peu près tout ce que nous pouvons imaginer, y compris l’information qui est sa raison d’être. C’est un centre commercial planétaire, virtuel mais bien réel, une arène où la recherche du bien collectif n’est plus sa motivation.
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Non, le seul discours que la Toile nous répète sans cesse, c’est que nos vies sont réglées par une seule et omnipuissante idéologie qui écrase toutes les autres, qui est le culte de l’argent et de rien d’autre, le consumérisme à outrance.
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Les mensonges prémédités et lancés dans le domaine public sont rarement anodins. Sept faux furent particulièrement sanglants : la Genèse, récit plagié de la Bible vers 500 avant Jésus-Christ, les Fausses décrétales, 830-864, le Complot papiste de Titus le Menteur, 1678-1681, le Dépêche d’Ems, 13 juillet 1870, les Protocoles des Sages de Sion, 1901, l’Incident du Golfe du Tonkin, 2 et 4 août 1964, et le Discours du Général Powell à l’ONU, 5 février 2003.
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On le voit, dès les années septante, les élus abandonnent les questions monétaires ou financières aux banquiers et aux fonctionnaires.
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Cet immobilisme s’incruste dans les démocraties libérales. À chaque tournant de l’histoire, les élus détournent le regard, laissent l’histoire se dérouler comme un mauvais film et le bon peuple se retrouve devant un fait accompli. Il n’a qu’à subir les contrecoups d’une évolution qu’il n’a pas choisie. Prenons cinq exemples pour illustrer cette dérive : le néolibéralisme, la mondialisation, la Toile, l’évasion fiscale et le dérèglement climatique.
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Dans notre civilisation médiatique, on distingue quelques domaines d’influence où rugissent les torrents mensongers, à savoir le monde culturel, le monde religieux, le monde des affaires, le monde politique et le monde financier.
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Les Afghanistan Papers s’additionnent aux Pentagon Papers, à la Résolution mensongère du Congrès américain relative à l’incident du Golfe du Tonkin et au faux témoignage du Général Powell devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Quatre mensonges systémiques qui ont engendré des guerres meurtrières.
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Qu’on se le dise haut et fort, le système économique qui régit nos vies n’a jamais fait l’objet de débats démocratiques. Il nous est imposé. Il fait quelques gagnants et beaucoup de perdants.
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Nous ne vivons plus en démocratie, nous vivons en cacocratie.
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La démocratie n’est plus qu’une façade.
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Manipulation. Si les élections sont truquées, la démocratie disparait (Movimento Cinque Stelle, Brexit, Trump 2016).
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Microsoft, Apple, Facebook, Twitter, YouTube, Instagram, les hébergeurs, les distributeurs, les équipementiers, Silicon Valley, aussi Amazon, Alibaba, Uber, Netflix et les autres : c’est cette industrie qui charrie la propagande qui intoxique le bon peuple, qui transforme chaque citoyen en un consommateur de divertissement, qui assure la bonne marche de la cacocratie.
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(citation de Thomas Piketty) « En somme, la tendance lourde du capitalisme néolibéral engendre l’enrichissement des gens d’en haut et l’appauvrissement relatif des gens d’en bas. C’est-à-dire que 99% des Humains sont de moins en moins des citoyens, de plus en plus des esclaves endettés, isolés et gavés. En d’autres termes, la démocratie s’est suicidée sans nous le dire. Nous nous accrochons à un cadavre ambulant. »
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C’est pourquoi nous vivons en cacocratie.
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Pour nous extirper de la cacocratie, je propose un Plan d’action qui comporte trois volets : un changement d’attitude, un grand chantier écologiste et des réformes institutionnelles.
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La philosophie capable d’éradiquer la cacocratie est l’humanisme.
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Pourquoi ai-je écrit ce livre ? Pour une raison simple et terrifiante : la démocratie agonise et je dois faire ma part pour inciter mes concitoyens à réagir. J’aimerais souhaiter que la fin de mon travail annonçât le commencement du dialogue, que la réflexion solitaire se mît au service d’échanges constructifs.
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Depuis la nuit des temps, les mensonges dans le discours public ne cessent de proliférer. Que cachent-ils? Ils dissimulent une superstructure planétaire de banques et de sociétés multinationales qui régimente au-dessus des parlements et des peuples, et qui siphonne vers elle le plus clair de la richesse ; par l’intermédiaire d’une multitude de lobbies et de d’officines idéologiques, elle envoie vers le bas ses conseils de ‘bonne pratique’ néolibérale, répétant jusqu’à la nausée qu’en dehors des voies suggérées par elle, qui vont toujours dans le sens de ses intérêts, il n’y a pas de voies possibles. Bien sûr, c’est là une duperie éhontée. Malgré tout, nos élites opinent, se prosternent et parfois glanent leur petit profit. Le bon peuple, lui, ne comprend plus rien ; drogué par l’assourdissant tumulte informationnel craché par les réseaux sociaux de la Toile, il ne voit son bonheur que dans l’acquisition sans fin de babioles tendance.
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La pandémie a fait des perdants et des gagnants. Les perdants sont ceux qui doivent emprunter pour survivre ; les gagnants sont ceux qui possèdent un magot à prêter. Les perdants sont ceux qui ignorent tout des montages financiers qui plus que jamais conditionnent leur vie ; les gagnants sont ceux qui connaissent les secrets des prêts à intérêt composé. Les perdants sont infiniment plus nombreux que les gagnants ; les gagnants sont infiniment plus riches que les perdants. Comment éradiquer cette déplorable engeance ? Je ne vois qu’une porte de sortie : que des intellectuels sensibles, des universitaires consciencieux et des citoyens éveillés prennent l’initiative de lancer un débat public sur les dérives de notre démocratie, et d’ouvrir quelques fenêtres pour que les Lumières nous inondent de leur radieuse vérité.
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