PRÉSENCE DE LUMIÈRES

Les GAFA : on doit les brider de toute urgence !

L’oiseau de lumière

Le 4 août dernier, j’ai envoyé ce message à madame Caroline Tait, PDG de CBC, à monsieur Michel Bissonnette, VP de Radio-Canada (français), à madame Renée-Claude Ménard, cheffe de cabinet de monsieur Bissonnette, de même qu’aux adresses collectivestemoin@radio-canada.ca et auditoire@radio-canada.ca ; à ce jour, 10 août 2020, je n’ai reçu aucune réponse.

Les GAFA et la démocratie moribonde.

Il y a quelques jours, les PDG de Google/Alphabet, Apple, Facebook et Amazon furent sermonnés par des élus américains. Sundar Pichai, Tim Cook, Mark Zuckerberg et Jeff Bezos se sont fait dire qu’ils avaient trop de pouvoir et qu’ils en abusaient. On a répété à satiété que leur capitalisation collective, avec Microsoft, frôlait les 4800 milliards $us, plus que deux fois le PIB du Canada.
Radio-Canada a rapporté la comparution des multimilliardaires, a commenté leurs réponses plutôt évasives et a conclu qu’ils disposaient effectivement d’un magot hors de l’entende­ment et que leur pouvoir démesuré mettrait – peut-être ? – en péril notre démocratie. Les reportages se sont tous terminés par une interrogation : que faire pour brider cette oligarchie qui ne dit pas son nom et qui exerce autant d’influence ?
Pour répondre à cette question, Radio-Canada a fait appel à quelques experts qui n’ont rien dit d’utile.
Qu’il me soit permis de vous faire part de quelques suggestions pratiques :

  1. D’abord, que nos élus fédéraux votent une loi qui taxe adéquatement les multinationales du numérique, c’est-à-dire un impôt sur le profit tiré de leurs ventes au Canada (ou sur le volume d’affaire). Les états ont-ils le pouvoir de taxer et de réglementer les multinationales du numérique ? Bien sûr que oui. Trump s’insurge lorsque l’Europe veut réglementer Facebook et Google mais, chez lui, il formule la même menace è l’encontre de la société chinoise ByteDance qui gère TikTok. Car, ne l’oublions pas, depuis plusieurs années, les GAFA abusent de leur position dominante et ne paient pas leur juste part d’impôts. Selon le site asd-int.com du 14 mars 2018, une étude « des députés européens [montre que] l’Union européenne aurait ‘perdu’ 5,4 milliards de dollars d’impôts uniquement par Facebook et Google entre 2013 et 2015. Il semble que ces géants du numérique, dont la plupart des activités sont basées sur des actifs incorporels et des données immatérielles, paieraient en moyenne moins de la moitié des impôts payés par les entreprises traditionnelles. Au Royaume-Uni, par exemple, Amazon paie onze fois moins d’impôts que ses rivaux ; aussi, en Irlande, Apple a payé, en 2014, 0,005% des impôts, contre 12,5% officiellement applicable (déjà l’un des plus bas en Europe). »
  2. Nos élus doivent imiter l’Australie et voter une loi pour forcer les Google et Facebook de ce monde à rémunérer les médias traditionnels lorsqu’ils diffusent leur matériel.
  3. Pour l’ensemble de l’Internet et du WWW, les élus doivent voter une loi qui oblige l’identification des émetteurs et des commentateurs de tous les messages et statuts qui y sont publiés. En d’autres termes, il faut y interdire les messages anonymes, quels qu’ils soient. Par exemple, si Machin Lambda publie un statut sur Facebook ou expédie un gazouillis sur Twitter, il doit afficher son nom véritable (pas un pseudonyme), son adresse IP, et la ville et le pays où il réside. Tout contrevenant sera averti, tout récidiviste sera banni des réseaux sociaux et tout site délictueux sera sévèrement sanctionné.
  4. Il faut faire en sorte que seuls les êtres humains soient habilités à publier sur les réseaux sociaux ; en clair, cela signifie que les messages lancés par des robots seront interdits et les sites qui les permettent sévèrement sanctionnés.
  5. Le commerce en ligne ? Ici, il faut distinguer Amazon et Alibaba des autres plateformes et surtout de tous les commerces locaux qui offrent leurs produits sur Internet. Il faut encourager les commerces locaux – en personne et en ligne – et freiner les deux géants. Sur tous les produits vendus au Canada par Amazon et Alibaba, aux taxes de vente habituelles (TPS et TVQ) il faut ajouter deux taxes spéciales. La première est une Taxe carbone sur la livraison du colis, qui tient compte de la distance parcourue, de la pollution générée par le transport, l’emballage et le recyclage des rebus ; toutes les composantes du produit acheté et de son emballage qui ne sont pas recyclables sont doublement taxés. La seconde taxe est la Taxe de compensation ; il s’agit d’une taxe pour réparer les torts causés aux commerçants locaux par cette compétition déloyale. Le produit de cette dernière taxe aidera les commerçants locaux en difficulté.
  6. Toutes les lois et tous les règlements touchant les multinationales du numérique comportent des mesures sévères pour décourager les dérobades et réprimer les infractions.

Donc, selon moi, oui, les GAFA menacent la démocratie. Oui, il faut les réglementer, de toute urgence. Et il y a des moyens pratiques de le faire.
À n’en pas douter, cet enjeu mérite un vaste débat public. Puis-je souhaiter être interviewé sur les ondes de Radio-Canada afin de discuter de la décrépitude de notre démocratie, causée notamment par les abus des GAFA, et des mesures à prendre pour enrayer le marasme actuel. Cet automne, je publierai aux Presses de l’Université Laval, un essai qui aborde ces questions. Le titre de l’ouvrage est La cacocratie (ou la démocratie assassinée par le mensonge).
Cordialement,
Michel Lincourt PhD
Chercheur sénior,
Chaire UNESCO-UQAM de démocratie,
Institut d’études internationales de Montréal,
Université du Québec à Montréal

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