PRÉSENCE DE LUMIÈRES
SAQ Sélection dans HoMa

SAQ
Lettre ouverte à monsieur Philippe Duval, PDG, Société des Alcools du Québec
Monsieur le président,
Bonjour.
L’objet de cette lettre est de vous demander de transformer la succursale Classique 23021, située sur la rue Ontario près du boulevard Pie-IX, en une succursale Sélection sur le modèle de celle de la rue Beaubien.
Je ne vous apprends rien si je vous dis que l’offre de la SAQ dans Hochelaga-Maisonneuve (HoMa) se distingue par sa médiocrité. En fait, celle-ci s’étend à tout l’Est de Montréal.
Cette médiocrité est à la fois quantitative et qualitative.
Voyons d’abord le côté quantitatif.
À titre de comparaison, dans l’ouest de Montréal, on trouve quinze succursales Sélection, alors qu’il n’y en a que six dans l’est. Dans l’ouest, il y a aussi plus de succursales Classique que dans l’est.
Bien sûr, vous alléguerez que le nombre de succursales dépend du pouvoir d’achat de la clientèle : s’il y en a moins de succursales SAQ dans l’est de Montréal comparativement à l’ouest, c’est tout simplement parce que les résidants de l’est sont moins riches que ceux de l’ouest. À mon sens, cet argument ne tient pas. Et ce, pour au moins quatre raisons.
D’abord, la SAQ est un monopole d’État, au service de la population québécoise. Sa logique est commerciale, mais pas uniquement. Elle a l’obligation, à la fois légale et morale, d’offrir à toute la population québécoise le même service de qualité. Tous les Québécois, quels qu’ils soient et où qu’ils résident, doivent être traités sur le même pied, sans discrimination. Monsieur le président, relisez votre code de déontologie : il vous oblige d’assumer des responsabilités sociétales, de maintenir pour tous des standards élevés, d’assurer partout un équilibre dans la prestation de vos services et d’offrir une grande variété de produits de qualité à un prix identique sur tout le territoire. Eh bien, je vous soumets qu’à l’heure actuelle l’offre de la SAQ dans l’est de Montréal est déséquilibrée, que les résidants de l’est de la ville sont défavorisés par rapport à ceux de l’ouest, que les produits de la SAQ offerts à Hochelaga-Maisonneuve sont d’un standard moins élevé et en moins grande variété qu’à Dorval, Pointe-Claire, Kirkland ou Pierrefonds, par exemple.
En deuxième lieu, si la SAQ offre un meilleur service aux riches parce qu’ils sont riches, elle devrait dans la même logique moduler le prix de ses produits par rapport à ce même critère de richesse. En d’autres termes, ce que la SAQ dit aux gens de l’est de Montréal, c’est ceci : je tiens compte de votre pauvreté pour justifier la médiocrité de mon offre à votre endroit, mais je n’en tiens pas compte lorsque je fixe mes prix. Renversons l’argument : si les résidants de l’est payent le même prix que ceux de l’ouest, ne sont-ils pas en droit d’exiger le même service et la même accessibilité aux produits de qualité que ceux de l’ouest. Il semble que votre société, monsieur le président, aime bien les privilèges découlant de son statut de monopole mais beaucoup moins les responsabilités. À mon sens, sur ce point aussi, la SAQ contrevient à son code de déontologie.
Troisièmement, si je veux avoir accès à un choix de vins qui me satisfasse, je dois aller dans une succursale Sélection. La plus proche se situe en face du centre commercial Place Versailles, à l’angle de rue Sherbrooke et de l’autoroute 25; quant à la succursale Sélection au 900, rue Beaubien Est, elle est encore plus loin d’Hochelaga. Peu importe celle que je choisis, je dois prendre ma voiture. Le temps de transport aller-retour entre la Place Valois (le centre d’Hochelaga) et la succursale sur la rue Sherbrooke près de l’autoroute 25 est une grosse heure; aller à celle de la rue Beaubien prend encore plus de temps. Ce déplacement qui m’est imposé engendre un accroissement de la pollution atmosphérique et du réchauffement de la planète. Si je consulte votre politique environnementale, monsieur le président, je constate que vous utilisez l’argument de la réduction du temps de transport pour ne pas consigner et recycler vos bouteilles mais, par la médiocrité de votre offre dans HoMa, vous forcez vos clients captifs à augmenter leur temps de transport pour s’approvisionner adéquatement. Ce qui est bon pour vous devrait l’être pour les autres.
En quatrième lieu, si l’on analyse la carte de l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, on s’aperçoit que les succursales sont mal distribuées. Quatre succursales se distribuent le long la rue Sherbrooke, et deux d’entre elles (7550 et 7275 rue Sherbrooke Est) se font face. Il n’y a que deux succursales au sud de la rue Sherbrooke, là où se concentre le plus clair de la population, à savoir celle de la rue Ontario, près du boulevard Pie-IX, et une autre dans Tétreaultville, à l’est de l’autoroute 25.
J’ajoute que la succursale Sélection de la rue Sherbrooke près de l’autoroute 25 est plus petite et moins bien dotée que la succursale de la rue Beaubien.
Toujours en ce qui concerne la médiocrité quantitative de votre offre dans Hochelaga-Maisonneuve, observons un peu votre succursale No. 23021, sur la rue Ontario, juste à l’ouest du boulevard Pie-IX. Ce magasin ne dispose que d’une petite surface, limitant d’autant l’offre. Une partie importante de l’espace-tablette est occupée par les alcools forts, les liqueurs et autres produits de ce genre; ce qui réduit l’espace affecté aux vins. De plus, presque toutes les marques d’alcool fort présentent trois, parfois cinq bouteilles de front sur la tablette. Il en résulte un gaspillage d’espace, qui se fait au détriment de l’offre des vins.
La médiocrité de votre offre est aussi qualitative.
Dans la succursale d’HoMa, on ne trouve qu’un nombre limité de produits, peu de vins de qualité de milieu ou de haut de gamme, et pratiquement pas de produits des États-Unis ou du Canada. Quant à l’offre des produits québécois, elle se résume à quelques bouteilles cachées dans un coin, sur la tablette à ras du plancher. Dans ce magasin comme dans tous les autres, on exhibe toujours des produits en promotion mais pratiquement jamais des vins québécois; en clair, disons que je n’ai jamais vu ceux-ci placés en bout de présentoir, bien en vue devant la porte d’entrée.
La succursale d’HoMa n’organise jamais de dégustations de vins, sauf quelques rares et timides promotions payées par un fournisseur, qui se prennent dans des gobelets de plastique, le samedi après-midi, sur le coin d’une tablette.
La politique et la pratique de la SAQ est d’offrir le minimum au bon peuple (c’est-à-dire environ 90% de la clientèle captive) et de concentrer la totalité de ses activités de promotion ou de valorisation sur la minorité de riches (l’autre 10%). Voyez un peu : toutes les activités du Service Signature s’adressent aux riches (souper au Toqué : 300.$/pers. ; quatre soirées de dégustation de Bordeaux : 945.$/pers. ; voyage en France : 5000.$/pers.; partie de golf : 7500.$/trio de pers.). Avec des lots qui, en moyenne, partent à 3000$, les ventes aux enchères ne s’adressent qu’aux riches. À 300.$ pour quinze heures de cours (5 sessions de trois heures), los cours sur les vins n’intéressent que ceux qui peuvent se le permettre. La Maison du Gouverneur n’ouvre ses portes qu’aux portemonnaies bien garnis : un souper ‘normal’ pour dix personnes coûte entre 1500$ et 2000$. Au fait, de toutes ces activités de valorisation du vin, combien se passent dans l’est de Montréal?
Monsieur le président, comprenez-moi bien : je n’ai rien contre toutes ces activités. Loin de moi l’idée de vouloir les supprimer, ni même de les critiquer. Ce qui est répréhensible, c’est que la SAQ ne fait que ça, s’occuper des nantis. Il y a là comme un snobisme de mauvais aloi, ne trouvez-vous pas?
Entre parenthèses, je me permets de vous faire remarquer que la politique de discrimination de la SAQ à l’encontre de l’est de Montréal est une détestable habitude qui pourrit de nombreux autres domaines de notre vie collective. Depuis toujours, l’ouest de Montréal a été favorisé par rapport à l’est. Par exemple, il y a deux autoroutes à l’ouest de Montréal et une seule à l’est; il y a deux lignes de train de banlieue qui desservent l’ouest alors qu’on attend toujours celle de l’est; il y a plus d’espaces verts à l’ouest qu’à l’est : trois des quatre universités de Montréal sont à l’ouest du boulevard Saint-Laurent; il y deux fois plus de collèges ou de Cégeps à l’ouest qu’à l’est; il y a plus de berges aménagées à l’ouest qu’à l’est; le budget municipal per capita est huit fois plus élevé à Westmount qu’à Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (4000.$ versus 500.$).
Je pourrais développer longtemps cet argumentaire mais je me répéterais. Ce que je vous demande, c’est de remplacer la succursale d’HoMa par une succursale Sélection sur le modèle de celle de la rue Beaubien.
L’autre jour, lors d’une conversation téléphonique, je faisais cette suggestion à monsieur Denis Chayer, votre directeur de la commercialisation. Pour justifier son immobilisme, il m’a répondu qu’il avait de la difficulté à trouver dans HoMa un local adéquat pour loger une succursale Sélection. Je pense que monsieur Chayer n’a pas cherché longtemps. Juste en face de l’actuelle succursale d’HoMa, sur la rue Ontario, il y a un terrain vague. Ce serait un jeu d’enfant pour la SAQ d’acquérir ce terrain et d’y construire un bâtiment pour loger le nouvel établissement. Et ce serait un bâtiment LEED. Si non, il y a des terrains disponibles au Marché Maisonneuve.