PRÉSENCE DE LUMIÈRES

Histoire de Claire 5

Le lignage des Beaupré

Maison canadienne comme celles de Beaupré

Claire, je n’ai pas d’information particulière sur la vie des Bonhomme / Beaupré aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.Je sais seulement qu’ils vécurent à Québec jusqu’au début du XXe siècle. En revanche, je connais un peu le mode de vie des Canadiens à cette époque.

Les Habitants possédaient sur une terre qu’ils exploitaient tant bien que mal. Les terres autour de la Ville de Québec étaient de petite superficie, plus ou moins 12 arpents, soit 50 000 mètres carrés. Par comparaison, les terres qu’acquerront les Désorcy à l’Île Saint-Ignace seront sept à huit fois plus vastes. On a vu que, sur le plan du recensement de l’an 1700, on dénombrait sept terres de ce type appartenant aux Beaupré.

Sur leur terre, les Habitants possédaient une maison faite de madriers et montée sur un solage de pierre; des communs qui comprenaient l’écurie, l’étable, la grange, la porcherie et le poulailler entouraient la maison. Ils possédaient tous un cheval et une carriole, une ou deux vaches, une dizaine de porcs, une généreuse basse-cour et les instruments nécessaires à leur travail, charrue, herse, charrette, râteau, faux, hache, etc.

Sur la terre, derrière les bâtiments, on retrouvait en succession le potager, un pâturage, le champ de blé, la prairie de foin et un petit boisé.Moulu au moulin banal, le blé servait à faire le pain et le foin nourrissait le bétail durant l’hiver.

Dans le potager, on faisait pousser des légumes qui se conservaient bien, à savoir des oignons rouges, des choux, des concombres, des carottes, des navets, des pois et des fèves. Les Habitants de Québec pratiquaient le troc avec les Amérindiens de l’Ancienne-Lorette qui, eux, cultivaient ce qu’ils appelaient les ‘trois sœurs’, à savoir le maïs, le haricot et la courge. Les Hurons semaient ensemble les trois sœurs sur un petit monticule; le maïs poussait rapidement, le haricot s’agrippait à la tige du maïs et s’en servait comme tuteur, et, déployant leurs larges feuilles au pied des plants de maïs et de haricot, les courges conservaient l’humidité du sol et empêchaient la prolifération de mauvaises herbes.

Des pommiers entouraient le potager et les fruits sauvages proliféraient le long des fossés.Et la chasse et la pêche complétaient l’ordinaire des Habitants.

Malgré la légendaire fertilité de la terre québécoise, ce lopin n’arrivait pas à nourrir la nombreuse famille canadienne. C’est pourquoi les Habitants s’engageaient. Quelques-uns firent des études, devenaient médecins, notaires, avocats ou prêtres; d’autres apprirent un métier noble comme la menuiserie, la maçonnerie ou les arts du fer; d’autres encore ouvrirent un commerce ou s’embauchèrent comme commis. Mais la plupart devenaient manouvriers l’été, et bûcheron l’hiver. Il convient d’ajouter que les hommes étaient habiles de leurs mains, fabriquaient eux-mêmes la plupart des objets de leur foyer; ils s’entraidaient aussi pour réparer leurs bâtiments ou pour faire les foins. Les femmes travaillaient aussi fort que les hommes. Elles élevaient les enfants, faisaient le train quand les hommes s’absentaient, cultivaient le potager, et arrondissaient les fins de mois avec des travaux d’aiguille.Certaines devenaient religieuses, c’est-à-dire souvent institutrices ou infirmières.

La destinée des Beaupré ressemblait donc à celle de tous les Canadiens. Ils n’étaient pas riches mais vivaient bien. D’ailleurs, la qualité de vie des Habitants en Nouvelle-France ou même après la conquête était bien meilleure que celle des paysans français ou anglais de la même époque.

Je reviens au lignage des Beaupré.On sait que l’ancêtre Nicolas a épousé Catherine Gouget, aux Trois-Rivières, en 1640 : parmi leurs enfants, il y eut Ignace.

Ignace Bonhomme dit Beaupré épousa Agnès Morin, à Québec, en 1670; ils eurent plusieurs enfants et l’un d’eux fut Noël.

Noël Bonhomme dit Beaupré épousa Félicité Hamel, à l’Ancienne-Lorette, en 1707.Ils eurent un fils qu’ils baptisèrent Noël, comme le père.

Au début du 18e siècle, l’Ancienne-Lorette était un établissement agricole jouxtant un village huron, au nord de Sillery.Aujourd’hui, c’est une commune enclavée dans la Ville de Québec.

Noël Beaupré épousa Thérèse Moisan, à l’Ancienne-Lorette, en 1742. L’un de leurs fils s’appela Noël, lui aussi.

Vingt ans plus tard, les Anglais conquirent la Nouvelle-France et les Beaupré, comme les Lincourt et tous les autres Canadiens, devinrent sujets de la Couronne britannique. Ce grand changement eut sur leur vie des effets à la fois positifs et négatifs.Ouvert maintenant aux colonies britanniques, le commerce fit un spectaculaire bond en avant. Quant aux aristocrates français, dont plusieurs n’étaient guère appréciés du peuple, ils prirent le premier bateau en partance pour la France. Par contre, c’est à ce moment que débuta la longue lutte des Canadiens-français pour préserver leur langue, leur culture et leur identité collective.

Ils firent beaucoup d’enfants : ce fut ce que les historiens appelèrent ‘la revanche des berceaux’.

Noël Beaupré épousa Marie-Louise Poitras, à l’Ancienne-Lorette, en 1773. Leur fils s’appela Nicolas, comme l’ancêtre.

Nicolas Beaupré épousa Marie-Anne Julien, à Saint-Augustin-de-Desmaures, en 1814. Leur fils s’appela Louis.

Saint-Augustin-de-Desmaures est un village situé sur la rive du Saint-Laurent, juste en amont de Québec.À l’origine, c’était la seigneurie des frères Jean Juchereau de Maur et Noël Juchereau des Châtelets; elle se développa autour du moulin banal érigé sur la décharge du lac Saint-Augustin dans le fleuve.Le Nicolas Juchereau de Saint-Denis qui s’était illustré lors de l’attaque de Phips contre Québec en 1690 était le fils de Jean.

Louis Beaupré épousa Cécile Martel, à Saint-Augustin-de-Desmaures, en 1849. Leur fils s’appela Henri.

Henri Beaupré épousa Céline Tardif, à l’église Saint-Jean-Baptiste de Québec, en 1881.Ils baptisèrent leur fils Léandre.Léandre Beaupré est le grand-père de ta grand-mère Louise.

On ne sait pas si ce fut Henri ou Léandre qui déménagea à Montréal.

Par ailleurs, je te rappelle que, pour les Canadiens-français, le XIXe siècle fut une période difficile. Depuis 1791, le Canada était composé de deux provinces distinctes : le Haut-Canada (l’Ontario) et le Bas-Canada (le Québec).Malgré cette séparation, les exactions du pouvoir colonial anglais contre les Canadiens-français s’aggravèrent.Excédés, les Canadiens-Français se rebellèrent : ce fut la Rébellion des Patriotes de 1837-1838.Il y eut des combats sanglants à Saint-Denis et à Saint-Charles, sur le Richelieu, et à Saint-Eustache.La répression du pouvoir britannique fut brutale : les Patriotes qui ne réussirent pas à s’enfuir aux États-Unis furent arrêtés, certains pendus, d’autres exilés en Australie.Un aristocrate anglais, Lord Durham, fut mandaté par le Gouvernement britannique pour proposer une solution au problème canadien, qui était essentiellement la cohabitation des Canadiens-français et des Canadiens-anglais. Dans son fameux rapport (Rapport Durham, 1839), il proposa d’assimiler les Canadiens-français aux Anglais du Canada et remplacer les deux provinces canadiennes par un seul état, dirigé par les Anglais.Ce fut l’Acte d’Union de 1840.Cette nouvelle constitution décréta notamment l’interdiction de la langue française dans les affaires publiques, le déséquilibre démocratique en faveur des Anglais et la répartition de la dette du Haut-Canada à tous les habitants du Canada, ce qui eut pour conséquence que les Canadiens-français du Québec payèrent les infrastructures des Canadiens-anglais de l’Ontario.En somme, l’Acte d’Union aggrava l’animosité entre les deux groupes.En 1867, on solutionna le problème en créant le Canada actuel, une confédération de provinces réunies par un Parlement fédéral.

Quant à la situation économique, elle était désastreuse.Quatre facteurs expliquent le problème : la population canadienne-française augmentait rapidement, les terres agricoles étaient toutes exploitées, l’agriculture avait fait le plein d’emplois et l’industrie tardait à s’implanter.Donc, un chômage endémique.En revanche, des filatures de coton s’ouvraient au sud de la frontière et offraient des emplois stables.Des dizaines de milliers de Canadiens-français émigrèrent aux États-Unis.

À la fin du XIXe siècle, la Révolution industrielle gagna finalement le Canada. Des usines s’implantèrent, la plupart à Montréal, quelques-unes à Québec et à Sherbrooke.On construisit le chemin de fer.Montréal devint un important centre financier. Le port de Montréal prit un essor spectaculaire. De nombreux emplois industriels ou commerciaux furent créés, entraînant un fort mouvement migratoire des campagnes vers les villes.Henri Beaupré ou son fils Léandre participa à ce vaste déplacement.Installé à Montréal, Léandre travailla d’abord dans une usine, puis dans un magasin.

Léandre Beaupré épousa Adrienne Gibeau, en la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Montréal, en 1910.Cette paroisse est située au cœur du Plateau Mont-Royal.Ils eurent cinq enfants, Gérard, Marie-Paule, Bernard, Roberte et Roméo. Bernard est le père de ta grand-mère Louise.

Église Saint-Jean-Baptiste de Montréal, 1905

Bernard Beaupré épousa Georgette de Serres, à l’église Sainte-Madeleine d’Outremont (Montréal), le 29 novembre 1941.Ils eurent trois enfants, Pierre, ta grand-mère Louise et Françoise.

Louise Beaupré épousa Michel Lincourt, à Saint-Mathias sur le Richelieu, le 8 mai 1965. Comme tu le sais, tes grands-parents Lincourt eurent deux enfants, ta mère Stéphanie et ton oncle Maximilien.

Stéphanie Lincourt épousa ton père Jean Doat,