PRÉSENCE DE LUMIÈRES
Fossé boueux

Petite image captée sur Internet
Personne ne niera qu’il existe un fossé entre les riches et les pauvres. Nul ne contestera non plus que ce fossé se creuse de plus en plus. Ni qu’il existe chez nous comme ailleurs.
Au Canada, entre 1976 et 2004, les 30% des foyers les mieux nantis ont vu leur part de la richesse collective augmenter de 52,8% à 59,5%. En sens inverse, les autres ont vu la leur glisser de 47,2% à 40,5%. En 1977, 55,8% de l’économie canadienne (de l’ordre de 1,4 trillion $) appartenait au travail, le reste, au capital. Trente ans plus tard, la part du travail avait chuté à 50,7%. Et bien sûr, sans sombrer dans le marxisme à la petite semaine, il convient de souligner que ce sont les plus nantis qui détiennent des actions.
Aux USA, 10% des foyers les plus aisés engrangent 30% des revenus du pays, alors que 20% des plus démunis se contentent de 5%. En 1979, les 33% les plus pauvres cumulaient plus de richesse que le 1% le plus riche; aujourd’hui, c’est le contraire.
Sur la planète Terre, à cause de l’émergence de la Chine, de l’Inde et du Brésil, entre autres, le fossé s’est en partie comblé. Néanmoins, il demeure d’une profondeur abyssale. Par exemple, les 20% les plus riches possèdent 75% de la richesse collective, alors que les 40% les plus pauvres ne possèdent que 5% de celle-ci. Une autre façon de présenter cette disparité est celle-ci : le revenu combiné des 25 millions d’Américains les plus riches est égale au revenu combiné de 2 milliards d’êtres humains se situant à l’autre extrémité du spectre. La moitié de la population mondiale vit avec un revenu de 2,50$ US / jour, ou moins.
Ces consternantes statistiques proviennent des sources fiables habituelles : Statistiques Canada, l’ONU et la Banque Mondiale.
Souvent, je me suis demandé quelle pourrait être l’explication de ce phénomène. En d’autres termes, quels sont les mécanismes qui siphonnent l’argent de l’escarcelle des pauvres pour la régurgiter dans le coffre des riches? La réponse est sûrement complexe.
Sont-ce les banques? En partie, je pense. Ces jours-ci, sur les dépôts d’épargne de 500,00$ ou moins, les banques canadiennes nous ‘donnent’ un taux d’intérêt se situant entre 0,00% et 0,05%. Sur les dépôts de plus de 50 000,00$, elles nous ‘consentent’ un taux de 2,00% à 2,50%. Comme il y a mille petits comptes pour chaque gros compte, ce sont ceux-ci qui financent celui-là. Et comme cette pratique ne date pas d’hier, et qu’elle est largement répandue, on peut penser qu’elle contribue à creuser le fossé.
Le second mécanisme concerne, à titre d’exemple, les demandes salariales de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Le président de la FMSQ, le Dr Gaétan Barrette, exige pour lui-même et ses collègues, une augmentation de traitement d’au moins 4% par année. Un ami à moi commentait cette demande qui, selon lui, n’était rien d’autre qu’un moyen de transférer la richesse des pauvres vers les riches. Père de famille et honnête travailleur, ayant un revenu annuel de 60 000 $ pour faire vivre sa famille, cet ami m’a dit : ‘Ce que le bon docteur Barrette me demande, c’est de réduire mon revenu par une hausse de taxes ou de tarifs afin d’augmenter le revenu de médecins qui gagnent déjà cinq fois mon salaire’. Encore le petit qui finance le gros.
Un troisième mécanisme a été divulgué par le journaliste Michel Girard dans La Presse du samedi, 6 mars 2010. Celui-ci explique que, par une déduction d’impôt de 50%, le gouvernement fédéral donne un cadeau de 1,2 milliard $ aux 78 502 détenteurs d’options d’achat d’actions d’entreprises cotées en Bourse (en 2007). Voici donc un transfert de richesse de l’ensemble des contribuables canadiens, dont les moins nantis forment l’écrasante majorité, vers l’infime minorité des mieux nantis de la société.
Un quatrième mécanisme est le ‘old boys’ club’ qui fait en sorte que depuis trente ans, les ‘amis’ siégeant au conseil d’administration des grandes sociétés votent des rémunérations qui sont de plus en plus généreuses pour leurs copains hauts dirigeants. Et, le moment venu, il est entendu que ceux-ci renverront l’ascenseur. Il s’agit d’une tendance mondiale, mais je ne vais que citer les statistiques des USA. En 1980, la rémunération du cadre supérieur était 42 fois supérieure à celle de l’ouvrier. En 1990, elle avait plus que doublé, à 95 fois le salaire de l’ouvrier. Dix ans plus tard, elle était de 525 fois. Et en 2008, elle avait baissé à 319 fois, ce qui reste encore un énorme écart.
Je suis sûr qu’en grattant un peu, on trouvera d’autres stratagèmes du même acabit. Toutes ces combines s’additionnent et déferlent dans le même sens.