PRÉSENCE DE LUMIÈRES

Résister et Fleurir MOB 6600 Réponse à la réponse

Montréal, 6 juillet 2024
Madame Valérie Plante, Mairesse de Montréal,
Madame Sophie Mauzerolle, Conseillère municipale, Responsable des transports et de la mobilité,
Cabinet de la mairesse et du Comité exécutif, Ville de Montréal,
Hôtel de ville, 275, rue Notre-Dame Est, Montréal, QC, H2Y 1C6

Objet : pour la réalisation du parc nature MHM, contre la plateforme de transbor­dement de marchandise en vrac de Ray-Mont Logistiques, contre le projet de pro­longement du boulevard de l’Assomption et de l’avenue Souligny

Madame la mairesse, madame la conseillère,

Je vous remercie de votre lettre du 29 mai dernier adressée aux gens de la Mobilisation 6600 Parc nature MHM dont je fais partie. Dans cette lettre, vous leur faites comprendre que votre projet ‘d’autoroute de camions’ se réalisera en dépit de leur oppo­sition. Il va de soi que cette prise de position de votre part est inacceptable, comme d’ailleurs l’est le projet de Ray-Mont Logistiques, la prolifération de camions lourds dans nos rues et l’envahissement de nos quartiers par le Port de Montréal.
Ce projet routier au profit exclusif du Port et de RML est insensé ; dans leur lettre datée du 15 avril dernier, les gens de la MOB 6600 vous ont expliqué pourquoi. Pour ma part, je déplore que votre missive ne réponde à aucune de leurs objections. En outre, je me permets de vous signaler une évidence : les militantes et les militants de la MOB 6600 ne sont pas les seuls à s’opposer à votre projet routier, une large majorité des résidentes et des résidents de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve est du même avis. Je vous rappelle que l’objectif est de créer sur ce site un parc nature digne de ce nom. Il n’est pas de négocier une portion congrue du site sur la base de la promesse d’une éventuelle entente avec le gouvernement fédéral concernant l’achat de la cour de triage abandonnée du CN ; à date, aucun document public n’appuie l’imminence de cette entente. L’objectif n’est pas non plus de pérenniser l’horreur écologique de Ray-Mont Logistiques.

Nos impératifs
         Vous ouvrez votre lettre en lançant une déclaration douteuse, à savoir que « la Ville de Montréal doit composer avec des contraintes qui vont au-delà de son champ de compétences et qui sont dictées par des impératifs d’autres acteurs gouvernementaux ou institutionnels. » Cette surprenante admission aurait mérité une bonne explication : vous avez choisi de ne pas le faire. Cette opacité n’est rien de plus qu’une morgue qui vous autorisera toutes les déclarations oiseuses ou les actions abusives.

Ici, permettez-moi un petit rappel. À coup sûr, vous conviendrez que notre régime politique est la démocratie. Or, en démocratie, le peuple est souverain. Le peuple, c’est nous. C’est nous qui possédons le droit de vote. C’est nous qui vous élisons. Les autres acteurs que vous mentionnez, les industries, les commerces ou les organismes gouverne­mentaux, ne votent pas. Nous seuls avons le pouvoir, à la prochaine élection, de vous maintenir dans vos fonctions (si vous posiez à nouveau votre candidature) ou de vous remercier. Pour l’heure, vous êtes à notre service, exclusivement. Ce n’est pas aux autres acteurs que vous devez rendre des comptes mais à nous, exclusivement. Bien sûr, le cas échéant, vous pourriez prendre soin de l’un ou l’autre des autres acteurs mais jamais contre nous.

En tant que nos représentants, vous avez non seulement l’obligation d’écouter nos doléances mais aussi de mettre en oeuvre nos projets quand ils sont raisonnables ; de toute évidence, c’est le cas du parc nature MHM.

Sachez que nous aussi avons des ‘impératifs’ ; lorsque nous vous les signifions, vous avez le devoir d’en tenir compte. Sachez en outre qu’en démocratie, les impératifs du peuple ont priorité sur ceux des autres acteurs. Des arrangements secrets pour servir des intérêts particuliers au détriment de nos intérêts collectifs sont à proscrire.

Votre prétention de répondre aux impératifs des ‘autres acteurs’ contre les nôtres viole le contrat moral et politique conclu avec nous lors de votre élection.

La Ville, c’est nous

Autre petite clarification : à tout bout de champ, vous confondez ‘la Ville’ et ‘l’administration municipale’. Vous vous attribuez le label ‘Ville’ et vous nous reléguez hors de celle-ci’. Ce discours est fort déplaisant parce qu’il est mensonger. Sachez que ‘la Ville’, c’est nous, les êtres humains qui l’habitent ; vous, en tant qu’élus, vous n’êtes que des administrateurs temporaires à notre service.

Dépense inutile

Votre lettre n’est pas recevable parce qu’elle est truffée de phrases équivoques. Par exemple, à l’alinéa 4.a de votre lettre, vous nous dites que pour « l’option incluant un lien local passant par le boisé Steinberg, nous avons bien compris votre position et l’importance de cet espace naturel pour les résidentes et les résidents. Nous considé­rerons le tout dans les prochaines étapes de l’étude. » Est-ce à dire que, sur ce point précis, vous avez compris et vous agirez dans la sens de nos besoins mais que, sur tous les autres points du projet, vous ferez le contraire de notre ‘impératif’ ? Est-ce à dire aussi que vous avez ‘compris notre position’ mais que, après l’avoir considérée, vous l’écarterez au profit des impératifs des autres acteur ? Je vous répète que vous n’avez pas le mandat d’agir contre nos intérêts.

Vous dites aussi : « dans les prochaines étapes de l’étude » : prochaines étapes? Il n’y aura pas de ‘prochaines étapes’ puisque nous vous signifions clairement que vous devez jeter aux oubliettes ce mauvais projet routier qui pérennise l’horreur écologique de Ray-Mont Logistiques. Je vous le répète, là réside notre impératif.

Ne mentez-vous pas quand vous utilisez l’euphémisme ‘lien local’ pour décrire l’autoroute de camions dans le boisé Steinberg ? Au mieux, cette voie sera un boulevard presque toujours congestionné, la principale voie d’accès à l’autoroute 25 et au pont tunnel LH Lafontaine, bruyante et polluante qui rendra inutilisable le résidu du boisé et empoison­nera tout le voisinage.

Vous dites encore « nous considérerons le tout dans les prochaines étapes » : que comprendre ? Qu’aujourd’hui, vous nous demandez d’adhérer à votre projet routier alors que vous nous en livrez qu’une partie ? Pourquoi ne pas considérer le ‘tout’ maintenant ? Pourquoi attendre d’aléatoires ‘prochaines étapes ?

Si vous acceptiez loyalement notre impératif de faire le parc nature et si vous mettiez fin à votre projet routier devenu inutile, vous respecteriez les principes de la démocratie, vous créeriez un espace vert là où il en manque cruellement, vous contri­bueriez à la solution de la crise climatique planétaire et vous feriez l’économie d’un investissement toxique, une somme considérable, 300 millions $, qui nous appartient.

Expropriation

En première page de votre lettre, vous dites qu’un projet de parc nature qui inclurait le terrain de Ray-Mont Logistiques « n’est pas possible pour la Ville de Montréal. Les démarches en ce sens se sont soldées par une jugement de la Cour supérieure contre la Ville et au bénéfice de RML, en date du 14 janvier 2021. ».

À mon sens, sur ce point particulier, vous avez tout faux.

D’abord, le jugement « en date du 14 janvier 2021 » n’est pas celui de la Cour supérieure mais celui de la Cour d’appel.

Quoiqu’il en soit, c’est deux jugements (du 29 juin 2018 et du 14 janvier 2021) n’avaient rien à voir avec une soi-disant démarche de la Ville en faveur d’un parc nature. Ils ne répondaient qu’à une seule question technique : est-ce que le projet de RML, projet qui s’apparente à une cour de triage, est conforme à l’usage prescrit au règlement de zonage. La Ville prétendait que ‘non’, les tribunaux dirent le contraire.

Ce qu’il y a de bizarre, pour ne pas dire odieux, dans ces jugements, c’est tout ce qu’ils occultent. Par exemple, alors qu’ils affirment d’emblée « que le terrain [de RML] est situé en zone industrielle », ils n’ajoutent pas qu’il est aussi adjacent à des quartiers résidentiels. Même plus, les jugements et les plaidoyers afférents passent sous silence des dimensions fondamentales de la problématique : ils taisent le fait que des êtres humains vivent à proximité du projet et qu’ils en subissent les contre-coups, pas un mot non plus sur la pollution engendrée par ce projet, pas un mot sur son impact sur la santé des gens qui le côtoient, pas un mot sur la crise climatique planétaire créée par des projets semblables à celui de RML, pas un mot sur l’effet délétère de l’immense îlot de chaleur que constitue ce projet, pas un mot sur les mille passages de camions lourds qu’il dégorge quotidiennement, pas un mot sur la non-acceptabilité sociale du projet, pas un mot sur la pénurie d’espaces verts dans MHM …

Peut-être serait-il opportun de demander à vos procureurs de vous fournir l’explication de toutes ces omissions ? Peut-être serait-il utile au débat que vous rendiez public les opinions et autres documents juridiques qui justifieraient cette prétendue im­pos­sibilité d’acheter ou d’exproprier le terrain de RML pour en faire un parc nature ?

En somme, je pense dire le vrai quand j’affirme que, contrairement à votre asser­tion, il n’est pas impossible d’inclure dans le projet du parc nature le terrain de RML. Il vous suffit de le vouloir et de le faire.

Disparition bizarre.

Autre remarque : vous savez aussi bien que moi que l’un des enjeux fondamentaux de votre projet routier est la prolifération de camions lourds dans nos quartiers. Or, ni dans votre présentation du 26 mars dernier ni dans votre lettre, vous ne mentionnez le mot ‘camion’. À mon sens, cette omission volontaire, fort déplaisante, n’est rien de plus que de la désinformation.

Reverdir plutôt que bétonner

Vous écrivez ceci : « L’objectif serait de préserver le maximum d’espaces verts existants … la Ville de Montréal est en bonne posture pour l’acquisition des terrains ciblés … nous planifions un investissement d’environ 60 millions $ pour préserver et optimiser les espaces verts … » À propos de cette phrase, d’abord ceci : saccager le boisé Steinberg pour faire passer votre autoroute de camions ne nous apparait pas compatible avec l’objectif de « préserver le maximum d’espaces vert» ? Ça nous apparait plutôt com­me la bétonisation d’un espace vert. Par contre, faire le parc nature sur le site de RML augmentera considérablement la canopée dans nos quartiers. Et diminuera l’afflux de camions. Vous vous rendez compte, avec le départ de RML, on fera l’économie de 1000 passages de camions lourds par jour.

Autre point : quand vous dites ‘l’acquisition des terrains ciblés’, est-ce que vous incluez dans la cible le terrain de RML ? Si non, pourquoi ?

Vous avancez le montant de 60 millions $ pour des espaces verts, est-ce pour financer l’achat du terrain de RML et y faire le parc nature ? Pendant des années, pour justifier votre inaction à propos du parc nature, vous nous avez répété que vous n’aviez pas d’argent. Puis subitement, vous tirez 60 millions $ de votre chapeau. Encore ici, une petite explication de votre part s’impose. Par ailleurs, je ne peux m’empêcher de compa­rer ces 60 millions avec les 300 millions pour les espaces bétonnés.

Violation de votre politique d’aménagement pour l’Assomption-Sud

J’aimerais vous réitérer l’une des plus importantes raisons qui appuient notre rejet à la fois de votre projet routier et de la plateforme de RML, il s’agit de la violation de votre propre engagement à ce propos. Dans leur lettre du 15 avril dernier, les gens de la MOB 6600 vous rappelaient qu’en juin 2023 votre administration avait rejeté la stratégie indus­trielle pour l’Assomption-Sud / Longue-Pointe et avait adopté une nouvelle approche. À cette occasion, vous aviez affirmé solennellement que « vous tourniez la page d’un développement industriel et que vous favorisiez désormais un aménagement du territoire visant à améliorer la qualité de vie des résidentes et des résidents par la diminution des impacts des activités industrielles et l’augmentation du verdissement ». Votre collègue, le maire de notre arrondissement, monsieur Lessard-Blais, avait ajouté que « la priorité est désormais la création d’un milieu de vie convivial pour les personnes qui y habitent et y travaillent ; cette priorité sera atteinte par l’augmentation de la canopée, la lutte contre les îlots de chaleur et la réduction des nuisances ».

Les gens de la MOB 6600 vous avaient dit qu’ils étaient d’accord avec cette nouvelle politique. Mais, avaient-ils ajouté, vos actions, vos projets et votre financement allaient à l’encontre de cette entente. En favorisant Ray-Mont Logistiques, le Port et le CN, en construisant une autoroute de camions qu’aucun résidant ne réclame, en saccageant le boisé Steinberg, en augmentant le nombre de camions lourds dans le secteur, vous ne créez pas « un milieu de vie convivial pour les personnes qui y habitent », vous créez un environ­nement infernal où seules des industries polluantes pourront s’installer. Votre projet viole vos engagements ; vous devez le reléguer aux oubliettes.

Question

Depuis quelques années, une question m’agace. Elle est celle-ci ? Pourquoi ? Oui, pourquoi tenez-vous tant à ce projet routier ? Pourquoi cette complicité secrète avec le Port de Montréal et cet antagonisme envers les citoyens ? Pourquoi protégez-vous Ray-Mont Logistiques, au point d’investir 300 millions $ d’argent public pour pérenniser son projet ? Pourquoi tant d’argent pour le béton et si peu pour la verdure ?

Impératif citoyen

          Dernier point. Depuis 2016, notamment par la voix de la Mobilisation 6600, des milliers de résidentes et de résidents de l’Est montréalais vous signifient leur opposition au projet de RML et réclament sur ce site la création d’un parc nature. Lors des deux dernières élections municipales, en 2017 et 2021, elles et ils confirmèrent leur choix politique en rejetant la candidature de messieurs Denis Coderre et Réal Ménard qui refusaient d’endosser le projet du parc nature et prônaient pour l’Assomption-Sud le concept de ‘cité logistique’, une stratégie qui faisait bonne place à la plateforme de transbordement de RML. L’an dernier, les députés Soraya Martinez Ferrada et Alexandre Leduc se prononçaient contre le projet de RML parce que trop polluant. Récemment monsieur Leduc est remonté aux créneaux pour vous exprimer son refus de votre projet autoroutier parce qu’il saccageait le boisé Steinberg et pérennisait le projet perturbateur de RML. Le 18 juin dernier, monsieur Paul Saint-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois, rejetait lui aussi votre projet autoroutier. N’est-ce pas là l’expression claire d’un impératif démocratique ?

Cordialement vôtre,

Michel Lincourt PhD, architecte urbaniste émérite, militant de la Mobilisation 6600 Parc nature MHM

Cc :

Pierre Lessard-Blais, maire de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Ville de Montréal

Pierre Fitzgibbon, ministre de la Métropole, Gouvernement du Québec

Geneviève Guilbeault, ministre des Transports, Gouvernement du Québec

Pablo Rodriguez, ministre des Transports, Gouvernement du Canada

Soraya Martinez-Ferrada, députée d’Hochelaga, Gouvernement du Canada

Alexandre Leduc, député d’Hochelaga-Maisonneuve, Québec

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti Québécois et député de Camille-Laurin, Québec

Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire et député de Gouin, Québec

Émilie Thullier, conseillère municipale, responsable des infrastructures, Ville de Montréal

 

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