PRÉSENCE DE LUMIÈRES

Parc nature MHM / Réponse à la mairesse de Montréal

Montréal, 15 avril 2024

Madame Valérie Plante, Mairesse de Montréal,
Hôtel de ville, 275, rue Notre-Dame Est,
Montréal, QC, H2Y 1C6

Objet : pour la réalisation du Parc nature MHM, contre la plateforme de trans­bordement de marchandise en vrac de Ray-Mont Logistiques, contre le projet de prolongement du boulevard de l’Assomption et de l’avenue Souligny.

Madame la mairesse,
Cette lettre est notre réponse à la présentation, le 26 mars dernier, du projet autoroutier pour le prolongement du boulevard de l’Assomption de la rue Hochelaga à la rue Notre-Dame, à travers le boisé Steinberg, et de son raccordement à l’avenue Souligny. La présen­tation a été faite par votre collègue madame Mauzerolle et un haut-fonctionnaire du Service de l’urbanisme et de la mobilité (SUM).
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les participants ont été déçus par la présentation : peu de contenu, peu de détails, aucune donnée probante. On prétendait présenter deux scénarios, alors qu’il n’y en avait véritablement qu’un seul, la construction du prolon­gement Assomption-Souligny avec une variante présentée comme « optionnelle », une ‘rue locale’ dans le boisé Steinberg. On nous a expliqué que c’était un projet d’accès autoroutier sur lequel la Ville aurait planché depuis plus de vingt ans : mais cet immense travail s’est résumé à un simple tracé pointillé sur un plan. Pas un mot d’explication sur la ‘rue locale’ à six voies, ni sur les deux échangeurs multi-paliers de plusieurs mètres de hauteur. On a montré des vélos mais aucun camion, alors que l’enjeu principal du projet est le camion­nage de Ray-Mont Logistiques (RML) et du Port de Montréal. De toute évidence, c’était une tentative pour dissimuler l’ampleur du projet.

Notre opposition
Nous tenons à vous réitérer notre opposition à la fois au projet de RML, à l’invasion du Port dans nos quartiers résidentiels et au projet d’infrastructure routière qui n’est rien de plus qu’une autoroute de camions dédiée principalement aux intérêts de RML et du Port.

Parc nature
Depuis plusieurs années, à la place de la plateforme de RML, nous réclamons un parc nature qui inclura le terrain de RML, les boisés Steinberg et Vimont, d’autres propriétés périphériques ainsi que la totalité de la friche ferroviaire du CN (gare de triage Longue-Pointe). Mais vous vous obstinez à faire la sourde oreille ; plutôt que d’atténuer la grave carence d’espaces verts dans nos quartiers, vous nous proposez une autoroute de camions qui pérennisera l’horreur écologique de RML. La ‘rue locale’ à six voies, en partie surélevée, détruira une bonne partie du boisé Steinberg. Nous sommes très, très loin des demandes citoyennes pour un îlot de fraîcheur, un lieu de quiétude et de ressourcement.

L’horreur écologique de RML
Vous connaissez ce projet qui se construit sous nos yeux, contre notre volonté. C’est le triste résultat d’une aberrante absence de vision politique et bureaucratique sur l’avenir de ce secteur, à la suite du départ de la Canadian Steel Foundries. En effet, dès 2005, le plan d’urbanisme de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve suggérait de modifier le zonage sur le terrain Assomption-Sud pour y interdire l’industrie lourde. Mais rien n’a été fait. Pire encore : les anciens maires de Montréal et de MHM ont proposé la vision d’une ‘cité logistique’ qui accueillerait des activités comme celle de RML. Nous avons défait les maires Coderre et Ménard aux élections de 2017 et 2021 et rejeté leur vision. Mais vous faites ce que vos adversaires politiques préconisaient. Encore une fois c’est nous, les rési­dents de MHM, qui devons subir, et ce pour longtemps, les conséquences de ces inepties.
Le projet de RML, c’est une aire à ciel ouvert de manipulation de marchandise en vrac, des grains et des céréales principalement, une aire augmentée d’une cour de triage, une exploi­tation destinée à fonctionner 24 heures sur 24, dotée de ponts roulants et d’autres machi­neries lourdes et bruyantes, générant un aller-retour quotidien de cent wagons du CN et une circulation quotidienne de plus de mille camions lourds. C’est une exploitation hyper polluante, générant des nuages de poussières fines, une insupportable prolifération de ver­mine, des vibrations et des bruits assourdissants, engorgeant la plomberie souterraine et provoquant une sévère dégradation des voiries avoisinantes. C’est un générateur de pol­lution lumineuse. C’est enfin un gigantesque îlot de chaleur, 2 500 000 pieds carrés asphaltés sur lesquels s’empilent des centaines de conteneurs métalliques, en d’autres termes, un colossal calorifère urbain qui amplifie celui du Port.
Aucun travail n’a été fait en amont pour quantifier les trop nombreuses nuisances déjà présentes dans le secteur. En 2023, votre administration a refusé d’installer une station du Réseau de surveillance de la qualité de l’air sur le territoire de l’Assomption-Sud. Savez-vous, madame Plante, que pour absorber les GES produits par le camionnage de RML, il vous faudrait planter dans nos quartiers plus de 60 000 arbres ?
Ce mauvais projet est rejeté massivement par les gens d’Hochelaga-Maisonneuve qui appréhendent la détérioration de leur santé et la dégradation de leur milieu de vie. L’ensemble des développements proposés est condamné par l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, par l’Association québécoise pour la santé publique, par la Fondation David Suzuki, par Nature Québec et par le Conseil régional en environnement de Montréal qui ont tous qualifié le secteur Assomption-Sud de ‘poumon noir’ de Montréal. Une prolifération de cas d’asthme, de cancer pulmonaire et d’autres maladies chroniques est à prévoir, des morts prématurées sont à craindre.

Rejet du chantier autoroutier pour l’Assomption-Sud
À la rencontre d’information du 26 mars dernier, il y avait plus de 150 citoyens en salle et environ 250 en ligne. La première question posée par les participants fut celle-ci : quelles sont les données probantes qui justifient un tel projet, un tel investissement? Le repré­sentant de la Ville a éludé la question. En réalité, madame Plante, votre administration n’a pas présenté un ensemble de données pour appuyer le  projet d’infrastructures auto­routières. Parlant de données probantes, RML n’a jamais justifié son projet, n’a jamais précisé les mesures de mitigation qu’il avait promis d’installer, et le Port n’a jamais expliqué sa relation avec RML.
À vrai dire, le Port n’est préoccupé que de deux choses, sa productivité et sa croissance ; pour atteindre ces objectifs, il doit réussir à sortir les camions qui congestionnent ses terminaux de conteneurs. C’est ce qui justifie le viaduc au-dessus de la rue Notre-Dame et son raccordement en écoulement libre vers l’autoroute 25 ; cette infrastructure lourde profitera à ses partenaires d’affaires et provoquera une augmentation du camionnage dans le secteur. Dans cette mauvaise comédie, nous déplorons aussi la position ambiguë de votre administration, et le silence du CN, et ceux aussi du ministère des Transports du Québec, du ministère de l’Environnement du Québec, du ministère fédéral des Transport et du ministère fédéral de l’Environnement. Plutôt que d’œuvrer à améliorer notre environ­nement, tous ces organismes complotent avec votre administration, derrière des portes closes, pour réaliser un projet qui empoisonnera notre vie pour le prochain siècle.
N’oublions pas, madame Plante, que la plateforme de transbordement de RML est un projet dont tous les profits vont au promoteur et tous les sévices, à nous, et que tous les avantages du projet de construction d’accès autoroutier iront aux entreprises privées comme RML, et l’ensemble des inconvénients seront subis par nous. Socialisation des coûts et privatisation des profits !

Les besoins raisonnables des gens de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve
Nos exigences en matière d’environnement et de qualité de vie ne sont pas frivoles. Sur ce point, nous vous invitons à lire les rapports de recherches de l’Observatoire des milieux de vie urbains de l’UQAM, commandés et financés par la Ville de Montréal. Vous y verrez que le secteur Assomption-Sud/Longue Pointe est le pire exemple de cohabitation résidentielle / industrielle parmi les 134 sites étudiés. Publiés en novembre 2023, les rap­ports sont clairs : les aménagements proposés sont incompatibles avec les objectifs raison­nables de réduction des nuisances et d’amélioration des milieux de vie.

L’engagement de Montréal à la COP 15, 13 décembre 2022
Vous vous souvenez sûrement de votre discours devant cet aéropage planétaire. Formidable plan d’action pour sauvegarder la biodiversité, intitulé l’Engagement de Montréal ; quarante-sept pays y ont adhéré. Parmi les actions prescrites, vous nous permettrez de n’en citer qu’une, la 12e, qui se lit comme suit : « Augmenter la superficie des espaces verts et bleus, et améliorer l’accès équitable à ces espaces. » En vertu de cet engagement devant la communauté internationale, ne sentez-vous pas l’obligation de nous expliquer en quoi le projet d’infrastructure routière qui saccage le boisé Steinberg rencontre cet objectif ?

Port de Montréal : mauvais citoyen corporatif
Nul ne conteste que le Port de Montréal soit utile à l’ensemble des Canadiens ; mais vous devez admettre aussi que tous les inconvénients de son activité frappent exclusivement ceux de l’Est montréalais.
Depuis toujours, il y a un contrat moral entre la Ville et le Port, une entente qui stipule que l’activité portuaire se cantonne du côté sud-est de la rue Notre-Dame, du côté du fleuve ; et celle de la ville, là où résident les gens, du côté nord-ouest. Au cours des 50 dernières années, pour nourrir sa croissance, le Port a élargi les berges et colonisé le plus clair de ses accès au fleuve pour y installer ses terminaux de conteneurs. On ne doit pas oublier que ce fut à la suite d’une longue lutte citoyenne qu’on a sauvé trois kilomètres de berges et qu’on y a créé la promenade Bellerive, un rare joyau de notre arrondissement. Récemment, sans consulter qui que ce soit, sans mandat démocratique mais avec l’aval informel de votre administration, le Port a envahi le territoire urbain habité. Cette invasion intempestive, polluante et bruyante, nous porte préjudice ; elle doit stopper immédiatement. Le Port doit retraiter sur son territoire et l’administration municipale doit assurer que cette stratégie d’étalement perpétuel du Port aux dépens de la ville ne se répète pas. Le Port doit mettre fin à sa complicité avec RML. En vertu de son mandat démocratique, la Ville doit défendre nos intérêts auprès du Port.
Si vous aviez assisté à la rencontre du 26 mars, madame Plante, vous auriez rencontré les gens qui vivent les conséquences de l’incurie du Port et de l’indifférence de la Ville ; parmi d’autres, vous auriez entendu ceux de Guybourg qui s’inquiètent de cette invasion : ils craignent que leur milieu de vie soit le prochain quartier qui soit sacrifié à l’appétit insatiable du Port et de ses partenaires.

Boulevard de l’Assomption et avenue Souligny : projet nuisible
Le prolongement vers le sud du boulevard de l’Assomption et son raccordement à l’avenue Souligny est un projet non seulement inutile pour nous mais aussi nuisible. C’est une infrastructure routière lourde, avec des échangeurs à paliers multiples, une autoroute de camions qui saccagera le boisé Steinberg, c’est le genre d’infrastructure envahissante comme celles qu’on construisait en 1950 et qu’on détruit aujourd’hui, avec raison.
Jamais ce projet n’a été abordé lors de la campagne électorale 2021. Jamais la population ne l’a réclamé : même plus, elle s’y oppose farouchement. À la rencontre du 26 mars dernier, une forte majorité des participants vous ont signifié leur opposition.
Alors que fait votre administration ? Continuant de clamer qu’elle est sensible à nos pré­occupations, en complicité avec le Port de Montréal, le CN, les ministères des Transports et de l’Environnement du Québec, sous le regard complice du Gouvernement du Canada, elle puise sans vergogne dans nos taxes et propose la construction d’une infrastructure routière qui servira principalement les besoins du Port et de RML. Par cet investissement que vous voulez nous imposer, vous pérennisez l’horreur écologique de RML. En clair, vous nous demandez de défrayer notre propre empoisonnement.
Ce projet augmentera la pollution dans tout le quadrilatère bordé par le fleuve, la rue Viau, la rue Sherbrooke et l’autoroute 25. Ce que les citoyens réclament pour ce secteur, ce n’est pas plus d’industries polluantes, c’est plutôt plus de logements abordables, plus d’espaces verts et plus d’équipements communautaires. Mais la construction de l’accès autoroutier pour des camions interdira à tout jamais l’implantation de ces usages, elle favorisera plutôt la venue d’usages encore plus générateurs de camionnage perturbateur.
Pour défendre ce mauvais projet, votre administration avance l’argument que cette voie réduira le volume de la circulation de camions lourds dans nos quartiers. Cet argument ne résiste pas à l’analyse la plus élémentaire. Tous les designers urbains, tous les urbanistes, tous les planificateurs de réseaux routiers vous l’affirmeront : la création d’une infra­structure de transport entraîne inévitablement une augmentation du volume de trafic ; c’est ce que l’on appelle le ‘trafic induit’. À n’en pas douter, le prolongement du boulevard de l’Assomption et son raccordement à l’avenue Souligny engendrera plus de camions, plus de bouchons qui, à leur tour, entraîneront des débordements dans les rues résidentielles voisines.
Il serait plus utile d’améliorer le réseau routier existant ; d’ailleurs, vous proposez cette idée pour la rue Hochelaga.

Crise climatique planétaire
La très grave crise climatique planétaire est causée par des activités humaines comme celles du Port de Montréal et de Ray-Mont Logistiques, et comme la dense circulation véhiculaire qu’ils occasionnent. Dans ce contexte, proposer une autoroute de camions avec des échan­geurs étagés pour pérenniser l’horreur écologique de RML, c’est tout simplement irresponsable.

Violation votre politique d’aménagement pour l’Assomption-Sud/Longue-Pointe
En juin 2023, votre administration a rejeté la stratégie industrielle pour l’Assomption-Sud / Longue-Pointe et a adopté une nouvelle approche. Vous avez affirmé alors, solennel­lement, que « vous tourniez la page d’un développement industriel et que vous favorisiez désormais un aménagement du territoire visant à améliorer la qualité de vie des résidentes et des résidents par la diminution des impacts des activités industrielles et l’augmentation du verdissement ». Votre collègue, le maire de notre arrondissement, monsieur Lessard-Blais, a ajouté que « la priorité est désormais la création d’un milieu de vie convivial pour les personnes qui y habitent et y travaillent ; cette priorité sera atteinte par l’augmentation de la canopée, la lutte contre les îlots de chaleur et la réduction des nuisances ».
Nous sommes d’accord avec cette nouvelle politique. Mais vos actions, vos projets et votre financement vont à l’encontre de cette entente. En favorisant Ray-Mont Logistiques, le Port et le CN et, en construisant une autoroute à camions qu’aucun résidant ne réclame, en saccageant le boisé Steinberg, en augmentant le nombre de camions lourds dans le secteur, vous ne créez pas « un milieu de vie convivial pour les personnes qui y habitent », vous créez un environnement infernal où seules des industries polluantes pourront s’installer. Votre projet viole vos engagements, vous devez le reléguer aux oubliettes.

Sabotage de la transition écologique
Dans votre Plan stratégique Montréal 2030, vous vous engagez à « accélérer la transition écologique, en posant des gestes concrets pour réduire les GES, limiter l’ampleur des changements climatiques … » Force est de constater que Ray-Mont Logistiques, le Port, le CN et le chantier autoroutier qui vous planifiez accroissent plutôt le dérèglement clima­tique. Vous ajoutez que « la transition écologique nous invite à explorer de nouvelles façons de consommer, de produire, de travailler et de vivre ensemble pour répondre aux grands enjeux environnementaux et sociaux. » Plutôt que d’être innovateur et conçu avec la participation active des résidents, votre projet, élaboré en secret, est non seulement une solution périmée à l’avance mais aussi une façon éculée de procéder. Vous dites encore que « dans un contexte de transition écologique, la Ville s’engage à [entreprendre des actions qui] doivent également contribuer à réduire les GES, verdir la ville et augmenter la biodiversité » On peine à comprendre comment la plateforme de transbordement de RML et l’autoroute de camions ‘verdissent la ville’.
Madame, avec ce projet, vous faites exactement le contraire de votre politique environ­nementale. D’ailleurs, lors de la réunion du 26 mars dernier, les citoyens vous l’ont reproché.

Réalisez le Parc nature MHM
Le seul aspect positif de tout ce débat est l’admission que vous êtes prête à dépenser au moins 300 millions $ pour le secteur de l’Assomption-Sud. C’est donc dire que vous avez suffisamment d’argent pour réaliser le parc nature MHM.

Cordialement,

Mobilisation 6600
Élisabeth Greene, Josée Desmeules, Cassandre Charbonneau, Anaïs Houle, Joris Maillo­chon, Luc Gallant, Paule Dufour, Marie-Claude du Perron, Estelle Grandbois-Bernard, Julia Bodryzlova, Michel Lincourt et beaucoup d’autres

Prenons la ville
Donald Cuccioletta, Jason Prince, Eric Shragge, France Levert, Cloé Beaulieu, Bertrand Guibord, Bruce Merlo et beaucoup d’autres

Ronald Daignault, citoyen
Claude Champagne, citoyen

Cc
Sophie Mauzerolle, conseillère municipale, responsable des transports et de la mobilité durable, Ville de Montréal
Émilie Thullier, conseillère municipale, responsable des infrastructures, Ville de Montréal
Pierre Lessard-Blais, maire de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Ville de Montréal
Pierre Fitzgibbon, ministre de la Métropole, Gouvernement du Québec
Geneviève Guilbeault, ministre des Transports, Gouvernement du Québec
Pablo Rodriguez, ministre des Transports, Gouvernement du Canada
Soraya Martinez-Ferrada, députée d’Hochelaga, Gouvernement du Canada
Alexandre Leduc, député d’Hochelaga-Maisonneuve, Québec
Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti Québécois et député de Camille-Laurin, Québec
Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire et député de Gouin, Québec

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