BOUQUET DE LUMIÈRES

Loger les Québécois

Une proposition pour résoudre la pénurie du logement au Québec

Michel Lincourt PhD, architecte-urbaniste émérite
Montréal, 10 octobre 2023

Le Québec souffre actuellement d’une sévère pénurie de logement. On la déplore sur toutes les tribunes. Mais personne ne présente un plan d’action pour l’abolir. C’est ce que nous proposons de faire.

 Construire et rénover
Depuis au moins une décennie, chaque année, on met en chantier au Québec quelque 50 000 unités d’habitation. Cette année, on peinera à atteindre ce modeste objectif : les plus récentes statistiques prévoient tout au plus 46 000 mises en chantier, ce qui représente un recul de 21% par rapport à 2022 ; c’est la baisse la plus importante depuis trente ans.
L’offre actuelle est donc largement en deçà de la demande.
La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime que pour rattraper le retard il faudrait construire au Québec quelques 100 000 unités additionnelles par année pendant au moins sept ans. Cette appréciation n’est pas insensée.
Mais construire de nouvelles résidences ne suffit pas. Il faut en outre nous assurer que nous prenions soins de celles que nous avons déjà. L’information nous manque pour apprécier la qualité du stock d’habitation existant ; nous ignorons aussi combien de résidences sont rénovées chaque année. En revanche, nous savons que si nous laissions dépérir une part importante du stock existant, nous plomberions l’effort de construire de nouvelles unités.
L’objectif du programme proposé est donc de construire 100 000 nouvelles unités rési­dentielles par année pendant sept ans (en plus des unités construites par les promoteurs privés) et de rénover 100 000 unités existantes par année pendant la même période.
Le calendrier du programme s’étalerait sur dix ans. Les trois premières années serviraient à structurer le programme, voter les législations requises, assurer le financement, acquérir les terrains et faire les plans et devis des projets. Les sept années subséquentes verraient les réalisations.
Toute l’opération se ferait au vu et au su de la population ; des séances de concertation se tiendraient à toutes les étapes du projet.

Projets de qualité, projets verts
D’emblée, il convient de préciser que tous les logements issus de ce programme, autant les nouvelles unités que les résidences rénovées, seraient d’excellente qualité architecturale, bien conçus, bien construits, bien insérés dans leur milieu, beaux, solides et confortables. Le cas échéant, on veillerait à améliorer l’environnement des résidences existantes qui seraient rénovées.
En plus, tous les projets seraient verts. Cela signifie qu’ils seraient respectueux de l’environnement naturel là où ils s’implanteraient et qu’ils apporteraient une contribution positive à la lutte contre le dérèglement climatique. Cela signifie aussi que partout on insérerait des jardins, des parcs, des potagers communautaires, des boisés, des aires de jeu, etc., en somme de généreux espaces verts autour bâtiments proprement dits.
Le programme refuserait tout projet qui proposerait de s’implanter sur un espace vert existant. Il nous apparait absurde de saccager un parc pour construire des résidences comme il nous apparaitrait aberrant que de démolir de bonnes maisons pour aménager une aire de jeu.

Pénurie et responsabilité
Les causes de la pénurie sont bien connues. Nous nous limiterons à n’en énoncer que les principales, à savoir le coût prohibitif du financement, l’avidité des promoteurs, la rareté artificielle des terrains, la spéculation, la décontamination des sols, le coût des infra­structures dont plusieurs sont désuètes, et, dans une moindre mesure, le coût des matériaux, la pénurie de la main d’œuvre dans l’industrie de la construction et l’apathie de la bureaucratie.
À ces causes, il faut noter que, depuis un demi-siècle, la ‘responsabilité’ de construire l’habitat des Québécois a été abandonnée aux promoteurs immobiliers privés. N’est-il pas raisonnable alors de leur poser la question : « Pourquoi n’avez-vous rien fait pour contrer l’actuelle pénurie ? » Nous pensons que leur réponse ne sera qu’un balbutiement navré : à vrai dire, l’actuelle carence en logement, en particulier celle en logement abordable, est un problème social qui se situe hors de leur logique mercantile. Les promoteurs immobiliers ne se préoccupent pas de régler des problèmes sociaux mais uniquement de maximiser leur profits. En fait, si nous examinions de près l’industrie de la construction résidentielle, nous découvririons que les promoteurs ne sont que des parasites qui siphonnent à leur profit particulier la plus-value de projets réalisés par d’autres. Ils ne sont ni les concepteurs, ni les constructeurs des projets. Réfléchissons un peu : seuls sont nécessaires à la réalisation d’un projet architectural le propriétaire d’un terrain (le maître d’ouvrage), sa volonté de construire sur ce site un projet (ici résidentiel), les fonds nécessaires à la réalisation du projet, un architecte (le maître d’œuvre), des ingénieurs et autres professionnels, un constructeur ou entrepreneur général, des sous-traitants, des fournisseurs de matériaux et des fournisseurs de services publics et leurs techniciens. C’est tout.

L’habitat : droit fondamental
Nous réaffirmons haut et fort que l’habitat est un droit prescrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans la Charte québécoise des droits et libertés. C’est aussi une évidence : nous avons tous besoin d’un toit pour loger notre intimité et nous protéger des intempéries.
Par conséquent, le gouvernement devrait endosser le principal corolaire de ce droit, à savoir : « Vu que l’habitat est un droit fondamental, la résidence principale ne peut être un objet spéculatif ». Dit autrement, ce corolaire stipulerait que la résidence principale de chaque Québécois échappe aux règles du marché privé, relève de l’autorité publique, démocratique, comme la justice, la santé, l’éducation ou l’aménagement du territoire.
Nous sommes conscients qu’une telle proclamation provoquera un changement radical dans notre façon de concevoir la gestion, la construction et la rénovation de notre habitat. Mais compte tenu de l’ampleur de la crise actuelle, nous avons la conviction que ce changement de paradigme est nécessaire.

Un programme public
Nous proposons de mettre en œuvre un programme public à la fois pour construire de nouvelles unités d’habitations dans un environnement vert et pour rénover des unités existantes défraichies.
Ce serait un programme chapeauté par le Gouvernement du Québec. Mais les véritables gestionnaires du programme seraient les municipalités du Québec. Elles seraient les maîtres d’ouvrage des projets et en demeureraient les propriétaires et les gestionnaires après leur réalisation. La Fédération québécoise des municipalités pourrait jouer un rôle fondamental dans le bonne gestion du programme, par exemple en négociant des prix raisonnables pour tous les aspects du programme ou en créant un bureau d’experts-aviseurs ou un dispositif de contrôle de qualité.
Le programme comporterait deux volets.
Le premier volet couvrirait la construction des nouvelles unités d’habitation. Celles-ci seraient prioritairement destinées à la classe moyenne ; en d’autres termes, il s’agirait de construire du logement ‘abordable’ pour au moins les deux tiers de nos concitoyens. Il y aurait aussi des unités dédiées aux plus démunis d’entre nous, aux itinérants et aux réfugiés, et à certaines clientèles particulières (i.e., étudiants, artistes, personnes à mobilité réduite, personnes vivant dans des territoires isolés, etc.). A contrario, et nous tenons à le préciser, les résidences issues du programme ne seraient ni pour les investisseurs étrangers ni pour les spéculateurs.
Le programme couvrirait l’achat ou l’expropriation de terrains, s’il y lieu leur déconta­mination, la construction des bâtiments résidentiels, celle des infrastructures afférentes aux projets (voirie, adduction d’eau, drainage/égouts, électricité, gaz, éclairage, communi­cation, etc.), l’aménagement de parcs, de jardins publics ou de potagers communautaires et, selon les besoins, la construction de garderies, de dispensaires, d’édicules de service, de boxes de stationnement et de quelques commerces de première nécessité.
Il couvrirait aussi les honoraires des professionnels (i.e., architectes, notaires, arpenteurs, urbanistes, ingénieurs, architectes du paysage, etc.), et ceux des entrepreneurs, des sous-traitants, des artisans, des aménagistes, des paysagistes et autres fournisseurs.
Les villes définiraient les projets, sélectionneraient, achèteraient ou exproprieraient les terrains, le cas échéant veilleraient à leur décontamination, embaucheraient les architectes pour gérer et concevoir les projets ; ceux-ci mettraient sur pied une équipe regroupant tous les professionnels utiles au projet. Une fois les plans et devis approuvés, les villes lan­ceraient les appels d’offres pour choisir les entrepreneurs et leurs sous-traitants et procé­deraient à la réalisation des projets.
Le second volet du programme serait pour la rénovation d’unités existantes. Il toucherait les résidences principales et les édifices d’appartements en location logeant des Québécois. La municipalité offrirait au propriétaire un prêt ou une subvention pour rénover sa propriété. Si c’était un prêt, il serait à taux d’intérêt ‘quasi-zéro’ (voir plus bas le paragraphe ‘Financement’) et le propriétaire le rembourserait ; si c’était une subvention, en retour de celle-ci, le propriétaire céderait à la municipalité le droit de premier refus lors de la vente de la propriété.

Terrains
La crise climatique exige que nous fleurissions nos villes ; en même temps, la pénurie de logement demande que nous ajoutions de nouveaux bâtiments et de nouvelles voiries. Se pose le choix des terrains à construire.
D’emblée, répétons qu’il serait inadmissible que nous saccagions un espace vert existants pour y construire un projet. Il nous apparaitrait plus sage de choisir des terrains ‘abimés’ par l’usage précédent. Nous suggérons donc que les sites à privilégier pour les projets du programme soient des friches industrielles ou des terrains vagues insérés dans la trame urbaine existante, c’est-à-dire accessibles autant que ce peut aux infrastructures existantes. Il y en a partout, de tels terrains plus ou moins abandonnés. Par exemple, dans l’Est de Montréal, on compte plus de 30 millions de pieds carrés de friches et le terrain de Blue Bonnets, une friche notoire, s’étend sur 4,6 millions de pieds carrés. Bien sûr, tous ces terrains sont pollués. Mais n’est-ce pas là une bonne raison pour les choisir. Le programme les décontaminerait ; du coup, les villes transformeraient une tare écologique en un espace urbain de qualité. Les villes pourraient profiter de ce programme pour acquérir des horreurs environnementales, les libérer de leur usage perturbateur, les décontaminer et construire à leur place des projets à haute valeur écologique. Par exemple, dans l’Est montréalais, la Ville de Montréal pourrait acquérir l’îlot de chaleur extrêmement polluant de Ray-Mont Logistiques, déménager au site du port de Montréal à Contrecoeur l’activité de transbor­dement, désasphalter le sol et y aménager un parc nature bordé de résidences abordables.

Typologie
Plusieurs types de bâtiment résidentiel pourraient être réalisés, selon les besoins et les circonstances locales. Par exemple, à Montréal ou à Québec, nous pourrions envisager des immeubles de six à huit étages pour accueillir une clientèle adulte. Ou des maisons en rangée pour loger des familles. Ou encore des bâtiments R+2 comportant entre huit et douze appartements. Nous pourrions aussi prévoir des maisons de chambres de trois ou quatre étages pour les itinérants, aussi insérer ici et là des ateliers-résidences pour les artistes. Dans l’espace rural, nous pourrions prévoir des maisons individuelles ou des duplex. Dans les zones urbanisées de taille moyenne, le type qui pourrait être privilégié en tant que modèle de base sera celui de ‘la maison en rangée augmentée’, à savoir, un bâtiment formé de tranches successives R+3½, chaque tranche contenant trois logements superposés, au niveau du sol une maison de ville comprenant un rez-de-chaussée et un étage (2000 pi.ca.), au-dessus de celle-ci, un appartement de plein pied (1000 pi.ca.), et sur l’appartement, un autre logement de un étage et demi (1500 pi. ca.). Un bloc logeant l’escalier commun s’intercalerait entre deux tranches de logements (cet espace contiendrait aussi un dépôt pour les poussettes, les vélos, les poubelles, etc.). Chaque résidence s’ouvrirait sur un patio ou sur balcon. Le sous-sol logerait des services des unités haut dessus (chaufferie, panneau électrique, lavoir, rangement, etc.). Par exemple, un site pourrait contenir jusqu’à cinq grappes de trois tranches ou 75 unités.
On aura compris que ce type d’aménagement forme un patrimoine trois fois plus dense qu’une banlieue traditionnelle de bungalows ; c’est une disposition qui rentabilise le coût des infrastructures tout en aménageant une ville à l’échelle humaine.

Mode de construction
Le mode de construction suggéré comporterait une charpente de bois sur un socle de béton, un revêtement extérieur en brique d’argile, une toiture terrasse ou en pente, une isolation thermique selon les règles de l’art, une finition intérieure en planches de gypse peintes, un parquet en bois franc, des fenêtres à vitrage double ou triple, le chauffage électrique, etc. C’est un type de construction connu au Québec, efficace, solide, durable, qui utilise des matériaux et des dispositifs québécois, et qui fait appel à une main d’œuvre locale qualifiée. Ce mode de construction s’appliquerait aux maisons en rangée de divers types, incluant les R+3½ esquissées plus haut, aux duplex et aux maisons individuelles, c’est-à-dire à la majorité des bâtiments qui seraient construits ; il est aussi celui de l’immense majorité des résidences qui seraient rénovées.
Au-delà de la construction proprement dite, tous les artisans veilleraient à la qualité architecturale autant des nouvelles résidences que des résidences rénovées.
Si nécessaire, on amenderait le zonage, les règlements d’urbanisme ou les règlements de construction pour permettre la réalisation aisée des projets. Sans pour autant rogner sur la qualité environnementale et architecturale des projets.

Gestion
Chaque municipalité serait le gestionnaire du programme pour les projets situés sur son territoire. En conséquence, chacune s’appliquerait à bien faire les choses. Chacune serait appelée à réaliser promptement des projets de construction, à aménager des espaces verts, à gérer des prêts ou des subventions pour rénover des résidences, surveiller ces travaux et intervenir en cas de dérapage. Et, par la suite, à gérer un parc de logements abordables. Un défi multitâche important. Mais nous sommes convaincus que toutes les municipalités sauront le relever magnifiquement ; d’ailleurs, dans bien des cas, elles accomplissent déjà de telles missions.

Tenure
Les municipalités deviendraient les propriétaires des terrains acquis dans le cadre de ce programme ; en contrepartie, elles auraient l’obligation d’y construire des projets rési­dentiels à vocation sociale accompagnés d’espaces verts. Les municipalité pourraient aussi acquérir des résidences qui auraient été rénovées par une subvention du programme.
Le résultat de cette opération serait que l’autorité publique québécoise posséderait un important stock de logements abordables, plus de mille unités, serait donc en mesure d’influer sur le prix de vente des résidences et sur le coût des loyers.
En ce qui concerne le mode de tenure des nouvelles constructions, deux options seraient suggérées.
Première option : les municipalités demeureraient propriétaires de l’entièreté des bâtiments issus du programme et les occupants des résidences seraient locataires ; en ce cas, les règlements actuels régissant les immeubles locatifs s’appliqueraient. Le coût des loyers serait basé à la fois sur la capacité de payer du locataire et sur le coût de construction ; il respecterait le principe du 25% maximum du budget du ménage.
Deuxième option : ce seraient des copropriétés et les municipalités en tant que propriétaires du terrain et des équipements collectifs y participeraient ; les occupants des unités en seraient les propriétaires ; il s’agirait donc d’une copropriété classique. Mais il y aurait une clause qui s’appliquerait aux unités résidentielles. Puisque les résidences seraient cons­truites avec des fonds publics et vendues à un prix abordable, la municipalité y conser­veraient une servitude qui serait celle-ci : lorsqu’un copropriétaire désirerait se départir de son unité, il aurait l’obligation de la vendre à la municipalité, à un prix préétabli au début de chaque année par un comité indépendant. On élimine donc la spéculation foncière.
Dans tous les cas, les résidences issues du programme seraient occupées par le vrai loca­taire ou par le vrai propriétaire, c’est-à-dire par les détenteurs du bail ou du titre.

Inflation et contre-inflation
L’actuelle pénurie de logement abordable s’inscrit dans un climat économique perturbé ; les crises s’empilent : une inflation galopante, une lutte à l’inflation toute aussi perturbatrice que l’inflation elle-même et une politique économique mal conçue qui gonfle artificiellement le coût des hypothèques. La conséquence de ce dysfonctionnement est tragique : beaucoup d’entre nous n’ont plus les moyens de se loger dignement, encore moins d’acheter une résidence. Le programme que nous proposons contribuerait à ramener une certaine sagesse dans le domaine de l’habitat.

Nationaliser la ‘business’ des hypothèques
Nous le répétons, actuellement, se loger coûte trop cher. C’est scandaleux et inadmissible. Le principal facteur du surcoût est la finance. Au-delà l’enflure des hypothèques, elle s’infiltre dans toutes les composantes du projet. Il est donc nécessaire de réduire le plus possible son empreinte sur le coût du logement.
En vertu du principe que l’habitat est un droit fondamental, la première intervention gouvernementale serait d’éliminer les hypothèques privées des résidences principales. Ce serait un geste à la fois éminemment concret et hautement symbolique.
En clair, cela signifieraient que la Banque du Canada rapatrierait chez elle les hypothèques de la résidence principale des ménages québécois détenues par des prêteurs privés, et décrèterait que le taux d’intérêt de ces hypothèques ne dépasserait jamais 0,25% de la valeur de l’emprunt (actuellement, il est de l’ordre de 6,5%) ; en somme, ce serait une nationalisation des hypothèques résidentielles. Une réglementation générale serait établie pour éliminer les abus et les arnaques Le mode de remboursement de chacune de ces hypothèques (terme, paiement mensuel, etc.) ferait l’objet d’une nouvelle négociation entre la banque souveraine et l’emprunteur. On réactiverait le principe de prudence qui stipule que le coût du logement ne dépasse pas 25 % du revenu du ménage. Et par le programme esquissé ici on veillerait à offrir des logements qui respecteraient ce principe. La banque souveraine inclurait dans cette politique l’hypothèque d’immeubles à logements locatifs, occupés par des ménages québécois, dans la mesure où les loyers des locataires résidants seraient diminués proportionnellement à la baisse des débours hypothécaires.
Du coup, à peu près tout le monde au Québec respirerait mieux.
Il est à prévoir que les prêteurs hypothécaires protesteraient. Mais pourquoi la société devrait-elle défendre leurs intérêts au détriment de ceux des Québécois? Les banques sont au service de la population, et non l’inverse. D’ailleurs, ce changement n’aurait pas que des impacts négatifs sur les revenus des banques privées. Voici pourquoi : en vertu du «fractional reserve banking system» qui stipule qu’une banque peut prêter à hauteur de dix fois ses fonds de réserve (ou même plus), on constate qu’une part importante de cette capacité est consacrée au marché hypothécaire résidentiel, une opération rodée et à risque minimal (au Canada, la quasi-totalité des détenteurs d’hypothèques résidentielles paient leur dû ‘rubis sur l’ongle’). Sur le court terme, bien sûr, la nationalisation des hypothèques résidentielles réduirait le revenu des banques mais en même temps, sur le moyen terme, elle dégagerait dans leur comptabilité une marge de crédit qui pourrait être comblée par des prêts servant à financer des initiatives pour contrer le dérèglement climatique.
Tous les Québécois auraient droit à l’hypothèque nationalisée pour leur résidence prin­cipale, les bien nantis comme les mal nantis.

Expropriation
Pour construire 100 000 nouvelles unités de logement par année, les municipalités du Québec auront besoin de terrains. Dans certains cas, elles les achèteraient de gré à gré ; dans d’autres cas, elles devraient faire appel à l’expropriation.
Il importe donc que l’Assemblée nationale du Québec amende immédiatement la loi sur l’expropriation (Loi 22) afin de faciliter l’expropriation de terrains pour la construction de résidences abordables et pour l’aménagement d’espaces verts, et pour réduire le coût de l’expropriation en limitant l’indemnisation à la valeur marchande du bien.
En outre, l’amendement de la loi sur l’expropriation ferait en sorte qu’il deviendrait impos­sible à un propriétaire privé récalcitrant de bloquer le transfert de la propriété vers l’autorité publique ; sa seule contestation possible concernerait le montant de l’indemnisation. Le règlement de conflits se réglerait par une décision d’un tribunal administratif.

Financement
Pour financer le programme, le gouvernement du Québec ferait encore appel à la Banque du Canada. Après tout, c’est de ce creuset qu’émerge notre argent. Sur son site, notre banque souveraine affirme qu’elle « veut en premier lieu promouvoir le bien-être écono­mique des citoyens canadiens. » Bien dit. C’est justement ce que le Québec lui demanderait de faire en matière d’habitation. En clair, le Québec demanderait à la banque de prendre une initiative radicale, inédite depuis longtemps, à savoir :
Pour financer le programme, le gouvernement du Québec émettrait des obligations à taux d’intérêt zéro et la Banque du Canada les achèterait en totalité.
La Banque du Canada pourrait-elle refuser cette formule de financement ? À notre avis, elle serait tentée de le faire mais nous maintenons qu’elle n’en a pas le pouvoir consti­tutionnel. Dans sa loi constitutive, la banque n’a pas le mandat de décider ce qui est bon pour nous ; nous seuls possédons ce pouvoir. Mais elle pourrait s’entêter. Si la Banque du Canada refusait d’acheter les obligations québécoises à taux d’intérêt zéro, le Gou­vernement du Québec se verrait alors justifié de créer une Banque populaire québécoise (BPQ) dont la mission principale serait de financer la construction et la rénovation de résidences, de même que l’implantation de projets écologiques pour contrer le dérèglement climatique.
Que ce soit par la Banque du Canada ou par une éventuelle BPQ, les fonds investis dans le cadre de ce programme seraient distribués aux municipalités du Québec au prorata de leurs besoins et, à terme, serviraient à augmenter – et à rafraîchir – le patrimoine québécois. La valeur de ce nouveau patrimoine excéderait l’investissement.
Ce qui serait en jeu ici, ce serait tout simplement un transfert de fonds qui appartiennent déjà aux Québécois : on prendrait une richesse potentielle qui dort à la Banque du Canada et une richesse de privilège qui enrichit les banques privées, et on les transformerait en une richesse réelle, un patrimoine, qui, à terme, appartiendrait aux Québécois, au bénéfice notamment de ceux qui sont exclus de l’accès à la propriété. En plus de loger des Québécois dans le besoin, le transfert corrigerait deux graves injustices induites par le dysfonction­nement du régime économique : la première correction réduirait – un peu – l’inégalité éco­nomique, la seconde contribuerait à contrer le dérèglement climatique.
Il ne faut pas oublier que la totalité des sommes investies dans le cadre de ce programme serait pour des activités hautement nécessaires, à haute valeur sociale, des projets conçus et construits au Québec, par des professionnels et des ouvriers québécois, avec des matériaux faits au Québec, pour loger des Québécois ; pas un sou ne serait perdu, pas un sou ne sortirait du Québec, et une part importante de l’investissement retournerait au trésor public sous forme de taxes ou d’impôt. Ne pas oublier non plus que les fonds de ce financement n’appartiennent pas à la Banque du Canada mais aux Québécois. La banque souveraine serait un instrument qui servirait à faire fructifier notre argent à notre profit.
J’ajoute une évidence : une population bien logée dans des résidences belles, confortables, solides, blotties dans une nature saine, et à coût raisonnable est une population en bonne santé, heureuse et productive. Donc, l’investissement sera plusieurs fois rentable.

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