PRÉSENCE DE LUMIÈRES

La banque qui contrôle les banques qui contrôlent les banques: PLAINTE AUPRÈS DU CONSEIL PRIVÉ

Montréal, le 24 septembre 2016

Monsieur Michael Wernick, greffier

Conseil privé, Canada

Objet : Plaintes contre la Banque du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada et l’Agence de la consommation en matière financière du Canada

Monsieur,

Je vous écris pour porter plainte contre trois agences du Gouvernement du Canada, agences qui œuvrent dans les domaines liés de la politique monétaire de notre pays, du système bancaire canadien et international, du contrôle des institutions financières et de la procédure de plaintes du public à l’encontre des banques. Ces agences sont la Banque du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada et l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Avant de préciser l’objet de mes plaintes, permettez-moi quelques remarques.

a. Actuellement, force est de constater que la politique monétaire échappe au débat démocratique. D’aussi longtemps que je me souvienne (j’ai 75 ans), je n’ai jamais vu un véritable débat public sur notre politique monétaire, encore moins sur les politiques et les pratiques de la Banque du Canada et des banques privées. Je constate que les financiers qui se réunissent à Bâle se sont autoproclamés gardiens du système monétaire canadien et international. Ces financiers œuvrent en secret, ne rendent des compte qu’à eux-mêmes et définissent à notre place notre politique monétaire. De quel droit? En vertu de quel mandat démocratique?

b. Je constate que nos élus ne prennent guère d’initiatives sur cet enjeu. Croyez bien que je le déplore. Il conviendrait, je pense, de nous interroger sur le rôle du Conseil privé dans cette apathie systémique.

c. Et nous, les citoyens, sommes-nous constamment en dehors du coup? Si nous voulons discuter de notre politique monétaire, à qui devrions-nous nous adresser? Mon expérience m’enseigne qu’il n’existe actuellement aucun interlocuteur valable au sein des institutions financières. Ça aussi, je le déplore.

d. Les conséquences de ce laxisme sont extrêmement graves. Je suis sûr que vous les connaissez. Ce sont d’ahurissantes inégalités économiques, un endettement généralisé et hors contrôle, des pratiques abusives de la part de banques et d’institutions financières, des conflits d’intérêts systémiques, des dispositifs de contrôle complaisants, des infractions aux codes d’éthique, de la collusion institutionnalisée, une absence de reddition de comptes, une impunité généralisée des financiers, des spéculations stériles encouragées par les banques centrales, des crimes économiques à répétition largement impunis, des banqueroutes de pays aggravées par les inepties des banquiers internationaux, le dévoiement de la bourse, la financiarisation de l’économie, des traités internationaux qui favorisent les multinationales au détriment des citoyens, une justice parallèle, une crise économique mondiale (2008) qui en annonce une autre . . .

e. Si on nous refuse de débattre de notre politique monétaire et nos institutions financières, est-ce à dire que notre démocratie n’est plus qu’un jeu de dupes? Qu’en pense le Conseil privé?

Voici les plaintes :

a. Il conviendrait de régler le conflit d’intérêts systémique entre, d’une part, les activités bancaires privées de la Banque des règlements internationaux (Bank for International Settlements) et, d’autre part, ses fonctions de contrôle du système bancaire mondial? Ne serions-nous pas en droit de penser qu’elle édicte des règles qui vont dans le sens de ses intérêts commerciaux et non dans celui des populations?

b. Autre conflit d’intérêts à régler. Le gouverneur de la Banque du Canada se met en conflit d’intérêts lorsqu’il siège au Conseil d’administration de la Banque des règlements internationaux. Où est sa loyauté? Œuvre-t-il pour le Canada ou pour une banque étrangère? Je vous rappelle que le Code de conduite de la Banque du Canada interdit une telle activité lorsqu’il stipule à l’article 6.2 que «vous ne pouvez faire partie du conseil d’administration d’une entité sujette à restriction ou d’une institution financière».

c. Autre plainte. Sur son site, le Surintendant des institutions financières nous indique que son bureau ne traite pas les plaintes du public concernant les banques ou autres institutions financières, et nous renvoie à une autre agence du Gouvernement fédéral, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC). Effectivement, cette agence traite les plaintes. Mais lorsque que l’on poursuit la lecture de la procédure de traitement des plaintes de l’ACFC, on apprend que celle-ci «ne traite pas les plaintes relatives au coût des produits (à titre d’exemples, les primes d’assurance, les frais de service et les frais de cartes de crédit), à la qualité du service, aux politiques régissant l’octroi d’un prêt ou de crédit, aux erreurs de facturation, [et] aux autres questions générales concernant le service». En somme, au Canada, il est pratiquement impossible pour un citoyen de se plaindre d’une banque parce qu’à peu près toutes les activités bancaires affectant le public tombent sous la rubrique des ‘autres questions générales concernant le service’. Le plus étonnant, c’est qu’il semble ne pas avoir de textes législatifs qui autoriseraient ces exclusions. Je demande que ces exclusions soient biffées.

d. Encore une plainte reliée à un conflit d’intérêt. Le Surintendant des institutions financières est constamment en conflit d’intérêts parce qu’il est payé par les institutions financières canadiennes qu’il est censé superviser? Dans un tel dispositif circulaire, la supervision ne peut être que complaisante.Le silence du Surintendant sur l’ineptie de l’Agence de la consommation en matière financière à propos des plaintes du public est une démonstration probante de cette complaisance?

e. La Commissaire de l’Agence de la consommation en matière financière est, elle aussi, en conflit d’intérêts parce qu’elle aussi est financée par les institutions financières qu’elle est censée contrôler. La mollesse de ses interventions, le blocage systémique dans le traitement des plaintes et l’opacité de ses rapports illustrent sa complaisance.

f. Au sein de la Banque du Canada, il y a un comité qui se nomme le Comité canadien du marché des changes (Canadian Foreign Exchange Committee). Il est composé «de cadres supérieurs provenant d’institutions financières participant activement au marché canadien des changes et au marché international du dollar canadien, d’établissements de courtage intermédiaire, de la Banque du Canada et du Ministère des finances». Le président et le secrétaire de ce comité sont des cadres de la Banque du Canada, laquelle assure aussi la logistique et le secrétariat du comité; un représentant du Ministère des finances du Canada y siège aussi.Les autres membres du comité sont des représentants de banques ou de sociétés financières, à savoir BMO Capital Market, Citigroup, State Street Global Market, HSBC Bank Canada, Bank of America/Merrill-Lynch, Toronto Dominion Bank, National Bank Financial, Deutsche Bank. Thompson-Reuters America, CIBC World Markets, EBS-Dealing Ressources, RBC Capital Markets et Scotia Bank. Ces treize sociétés privées sont toutes des ‘opérateurs’ financiers qui spéculent sur le marché des devises. Pourquoi tous ces financiers siègent-ils sur ce comité, si non pour partager une information privilégiée ou pour ‘organiser’ le marché dans le sens de leurs intérêts? Pourtant, le code de conduite de la Banque du Canada stipule qu’il est interdit aux cadres de la banque de «divulguer ‘sans autorisation’ des renseignements confidentiels obtenus dans l’exercice de [leurs] fonctions à la banque». Est-ce à dire qu’à la Banque du Canada la collusion ‘autorisée’ serait permise? Le comité publie le procès-verbal de ses rencontres. Lisez ces documents : vous verrez qu’ils sont édulcorés. On y apprend aussi qu’à chaque séance, on fait un ‘tour de table’ : cependant, ce qui est discuté lors de ce tour de table n’est pas consigné.

g. Autre motif de plainte concernant ce même comité. On voit que la Deutsche Bank y siège.Au cours des dernières années, cette banque a été condamnée plus d’une fois pour crime économique. Par exemple, dans la foulée du scandale du LIBOR, ses deux PDG durent démissionner; deux nouvelles affaires viennent d’éclater : le scandale de 10 milliards $ relié à la pratique frauduleuse du ‘mirror trading’ et poursuite de 14 milliards $ du Ministère américain de la Justice. Pourquoi la Banque du Canada accepte-t-elle de collaborer avec cette banque qui multiplie les affaires douteuses?

h. Encore un autre motif : Ce sont les financiers qui ont décrétés en 1971 que les devises devaient flotter, donc ce sont eux qui ont engendré la spéculation sur les devises. Depuis, les contrôleurs de la IS, les banquiers centraux et le surintendants nationaux ont perpétué ce régime. Mais qui a décrété que la spéculation était une bonne chose? Et qu’elle méritait d’être encouragée par le concours actif de la Banque du Canada? Je n’ai jamais vu une résolution du Parlement canadien autorisant ou même valorisant la spéculation.

 

En guise de conclusion, je souhaiterais faire deux propositions :

 

1.                  En gros, la Banque du Canada nous répète que sa politique monétaire vise deux objectifs : lutter contre l’inflation et maintenir le huard flottant.  Ne serait-il pas temps de modifier ce modus operandi et de remplacer les objectifs actuels par trois objectifs. Le nouvel ordre de mission de la Banque du Canada serait alors de réduire les inégalités économiques, de réduire l’endettement et, en troisième place, de lutter contre l’inflation.  Quant à la politique des devises flottantes, qui date des années soixante-dix, il serait grand temps de la réviser à la lumière du contexte économique actuel.

 

2.                  Tout ça est très compliqué, j’en conviens.  Alors pourquoi ne pas mettre sur pied une Commission royale d’enquête sur la politique monétaire canadienne et nous inviter à donner notre avis.

 

Cordialement,

 

Michel Lincourt PhD

 

www.michellincourt.com