BOUQUET DE LUMIÈRES

Programme culturel pour le Canada

Un programme culturel pour le Canada

Michel Lincourt PhD

Ce petit essai propose un programme culturel pour un Gouvernement canadien qui souhaiterait maintenir le Québec au sein du Canada. L’argument de cet essai s’appuie sur l’hypothèse que le Québec peut s’épanouir au sein du Canada dans la mesure cependant où celui-ci ne l’asphyxie pas.

Flexibilité du Fédéralisme canadien

Un petit retour sur le contexte institutionnel m’apparait utile.

Sur le plan de ses institutions politiques, le Canada est à la fois une démocratie, une monarchie constitutionnelle de type britannique, et une fédération.

La Constitution canadienne date de 1867. S’interrogeant alors sur le meilleur système de gouvernement pour accommoder la complexité, la diversité et l’immensité du Canada, les parlementaires d’alors, ceux que l’Histoire désignera comme les Pères de la Confédération canadienne, conclurent que ce système était une fédération. Ainsi naquit l’Acte de l’Amérique du nord britannique, c’est-à-dire la Loi constitutionnelle de 1867.

La Constitution canadienne est une recherche jamais complétée d’un équilibre entre les rêves, les aspirations et les besoins d’une population variée, désireuse de vivre en paix et d’œuvrer à une prospérité collective qui bénéficiera à tous. Ce qui caractérise les Canadiens, les Québécois inclus, c’est leur adhésion profonde aux valeurs de justice sociale, de compassion et de fair-play; c’est aussi le partage librement consenti des revenus gouvernementaux, et l’universalité de la couverture sociale. 

La Fédération canadienne n’a pas été conçue pour être immuable. En 1919, son caractère évolutif fut confirmé dans le célèbre jugement du Conseil privé de Londres qui renversa un jugement de la Cour Suprême du Canada et décréta que les femmes du Canada étaient des citoyennes à part entière, à l’égal des hommes : c’était l’affaire Persons. Dans son jugement, le président du Conseil privé d’alors, Lord Sankey, affirma que « l’Acte de l’Amérique du Nord britannique avait planté au Canada un arbre vivant capable de croître et de s’épanouir . . . ». Autrement dit, il est dans la nature du Canada de s’adapter aux conditions changeantes de sa réalité sociale et culturelle. Le changement raisonné s’inscrit dans l’essence même de la Fédération canadienne. Loin de heurter son esprit, il en est la condition indispensable de son épanouissement.

La flexibilité institutionnelle ponctue l’histoire du Canada. Au cours des ans, l’évolution politique de notre pays s’est appuyée sur une coopération bien comprise entre le Fédéral et les provinces. Comme exemple de bonne collaboration, on peut citer l’amendement de l’article 93 de la Constitution pour permettre la déconfessionnalisation du système scolaire québécois, sans pour autant modifier le caractère confessionnel des écoles séparées des autres provinces. Ça se passait en 1998.

Mais depuis quelques années, cette politique de bon sens semble avoir été abandonnée. Autant du côté fédéral que de celui des provinces, on adopte souvent une rigidité de mauvais aloi. On favorise l’action unilatérale, laquelle engendre la discorde et dégrade le climat politique. Dans l’opinion publique, on cherche plus à blâmer qu’à solutionner. Certains indépendantistes ne cessent d’accuser le ‘Rest-of-Canada’ de tous les maux, et des leaders d’opinion du Canada anglais se délectent dans le ‘Quebec bashing’. Il en résulte une ambiance délétère qui empoisonne, dénature et sclérose le fédéralisme canadien. À juste titre, de nombreux Québécois se sentent rejetés. Il devient urgent de dénouer l’impasse.

Culture et communications

Je suggère que la solution à ce blocage est une politique culturelle audacieuse qui ferait une belle place au Québec. À cet égard, il convient de préciser ce que l’on entend par ‘culture’ et par ‘communications’.

Culture. Ce substantif recouvre au moins deux réalités.

D’abord, il y a la culture en tant que mode de vie, à savoir les us et coutumes d’une société. C’est là la définition de l’UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization / Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture). « La culture, affirme cette agence de l’ONU, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. » [i] C’est en se basant sur cette définition du phénomène culturel que l’on peut affirmer que le Québec constitue, en partie, une société distincte du reste du Canada. Cette particularité fut reconnue par le Parlement fédéral en 2006.

Ensuite, on désigne comme culture l’ensemble des entreprises et des organismes de formation ou de loisirs intellectuels. Par exemple, l’Orchestre Symphonique de Montréal, le Musée de la civilisation, les stations de radio privées, l’industrie du disque, le numérique, Céline Dion, Arcade Fire, la Canadian Opera Company de Toronto, le Ballet Royal de Winnipeg et le Cirque du Soleil appartiennent à cette définition de la culture. À la fois publique et privée, cette industrie est disparate, parfois immensément lucrative et d’autres fois rampant sous le seuil de la pauvreté, parfois institutionnalisée comme les bibliothèques publiques mais la plupart du temps se fractionnant en une multitude d’éphémères PME [ii].

Souvent, on associe les ‘arts’ à la culture. Le vocable ‘arts’ comprend notamment la musique et le chant, la danse et les autres formes d’expression corporelle, la littérature et la poésie, le cinéma et la télévision, les arts numériques, le théâtre et le cirque, l’architecture incluant le design urbain et le paysagisme, la peinture et toutes les autres variantes des arts graphiques, la sculpture, etc. Communications. Toujours au pluriel, ce terme désigne à la fois les réseaux électroniques et mécaniques de transmission de messages, et le contenu des messages.

En ce qui concerne les réseaux, les ‘communications’ comprennent les messageries, l’imprimerie, l’édition et la librairie, les disques, CD et autres supports similaires, la radio, la télévision, la téléphonie avec fil ou satellitaire, la téléphonie sans fil, l’informatique, le numérique, le Web et l’Internet.

Quant aux contenus qui circulent sur les réseaux de communication, ils sont innombrables et infiniment variés. Ils sont portés par les journaux, les magazines, les livres, et toutes les autres formes de publication, papier et électroniques, ils sont portés aussi par les émissions de radio et de télévision, les clips sur le Web et les courriels. On les retrouve notamment sur Facebook et Twitter.

Ajoutons que le numérique est un domaine culturel en émergence qui appartient à la fois à la culture et aux communications.

Langue française

Personne ne contestera que la langue constitue une composante fondamentale de la culture d’un peuple, qu’elle en est même son principal vecteur de cohésion et d’épanouissement.

Dans sa Constitution et ses institutions, le Canada est un pays bilingue, anglais et français. Mais en ce qui concerne l’usage de la langue, sauf au Québec, c’est l’anglais qui domine. Totalement! N’oublions pas que l’Amérique du Nord comprend quelque 325 millions d’anglophones, 150 millions d’hispanophones et 8 millions de francophones. Sur la scène internationale, l’anglais constitue la principale langue des échanges commerciaux, de la science, de la technologie, des réseaux électroniques de communication et du divertissement de masse. En somme, au Canada, au Québec, c’est le français qui est menacé, et qui nécessite une attention particulière.

Culture et communications dans la Constitution canadienne

Puisque notre propos est de suggérer une politique culturelle pour le Canada, il nous apparait utile de nous interroger sur la place de ces deux domaines d’activités dans le Constitution.

La culture n’est pas mentionnée dans la constitution. Cependant, au cours des années, le Gouvernement fédéral et les Provinces ont pris plusieurs initiatives en ce domaine si bien qu’aujourd’hui, on peut dire que la culture est de facto un domaine de juridiction partagée.

Les principaux organismes fédéraux qui œuvrent dans le domaine de la culture sont le ministère Patrimoine Canada, qui gère plusieurs programmes, le Conseil des arts du Canada, la Société Radio Canada, Téléfilm Canada, l’Office National du Film et les musées fédéraux. Au Québec, le pendant de Patrimoine Canada est le Ministère de la Culture et des Communications : il touche le patrimoine, les arts, les lettres et les industries culturelles, de même que les bibliothèques publiques et le Fonds du patrimoine québécois. Le vis-à-vis québécois du Conseil des Arts du Canada est le Conseil des arts et des lettres du Québec. Il y a aussi le Conseil des Arts de Montréal.

Les réseaux de communication relèvent du Fédéral. Rappelons que la Loi constitutionnelle de 1867 stipule que le télégraphe et le transport interprovincial ou international sont de juridiction fédérale.

Quant aux contenus des communications, ils appartiennent aussi au Fédéral. Mais on y remarque des exceptions. Par exemple, le contrôle du contenu des réseaux de radio et de télévision tombe sous la juridiction fédérale (le CRTC); en revanche, on retrouve un autre réseau, celui des bibliothèques, avec des entités autant fédérales que provinciales ou municipales; et le CRTC n’intervient pas au niveau du contenu des livres.

Au Fédéral, les organismes de gestion et de contrôle des communications sont la Direction de la Gestion du spectre du ministère Industrie Canada, le CRTC / Conseil de la Radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, et le CPRST / Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunication. Au Québec, sauf l’Office de protection du consommateur pour l’encadrement des contrats entre un utilisateur de téléphonie et un fournisseur de services, il n’y a aucun organisme de gestion ou de contrôle des communications. [iii]

Historique

Depuis la Révolution tranquille, les gouvernements successifs du Québec ont réitéré leur demande de « rapatrier au Québec la culture et les communications ». Mais une analyse plus fine de cette réclamation récurrente indique que qu’elle se situait plus au niveau du discours qu’à celui de l’action concrète. En effet, cette prise de position s’appuyait toujours sur un postulat éloigné de la réalité, à savoir que la culture et les communications étaient de juridiction exclusive des provinces, et que le Fédéral, invoquant son pouvoir de dépenser, les avait investi de façon intempestive; or, on a vu que cette prétention ne s’appuie sur aucun texte constitutionnel. Et lorsque que cette demande était faite, elle contenait toujours des exceptions; par exemple, jamais le Québec n’a réclamé la fermeture de la Société Radio-Canada ou de l’Office National du Film.

En ce qui concerne les communications, en janvier 1977, la Cour d’appel du Québec débouta le Gouvernement du Québec dans ses intentions d’émettre des permis de câblodistribution; en décembre de la même année, la Cour Suprême confirma cette décision. Et en août 1989, la Cour Suprême statua que l’entièreté et l’exclusivité de la compétence en ce domaine appartenaient au Parlement fédéral.

Pour la culture, les initiatives prises par le Fédéral et les provinces ne firent jamais l’objet de contestations juridiques.

Au cours des années, diverses conférences ou rencontres des premiers Ministres ont tenté de clarifier les compétences constitutionnelles touchant la culture et les communications. Mentionnons notamment les ententes de Charlottetown, de Victoria et du Lac Meech. Toutes se sont soldées par des échecs, et le statu quo s’est maintenu.

Valeur économique

Au Canada, l’industrie de la culture représente une valeur économique considérable. En 2012, ce secteur engendrait des activités de 51 milliards $, soit 3,3% du PIB canadien (1 545 milliards $), et soutenait plus d’un demi-million d’emplois. Cette statistique ne tient pas compte de la téléphonie sans fil; à elle seule, en 2011, celle-ci a généré quelque 50,2 milliards $. À propos de la téléphonie sans fil, rappelons que la récente enchère pour distribuer des blocs de fréquence de 700MHz a rapporté quelque 5,7 milliards $ au Gouvernement canadien.

Financement fédéral de la culture

En 2009, le financement de la culture par les gouvernements s’élevait à 9,7 milliards se répartissant comme suit : 4,0 milliards $ (41%) par le Fédéral, 3,0 milliards $ par les provinces et territoires (31%) et 2,7 milliards $ par les municipalités (28%). La contribution fédérale de 4,0 milliards $ correspond à 0,26% du PIB canadien (4 / 1545).

Environ la moitié de la contribution du Gouvernement canadien va aux secteurs de la radiodiffusion et de la télévision, et l’autre moitié, au soutien des activités culturelles. De cette somme, quelque 33% vient au Québec, c’est à dire une contribution annuelle de l’ordre de 1,32 milliards $. [iv]

Règles de gouvernance

Pour passer du stade de l’intention théorique à celui de la mise en œuvre de politiques concrètes, il convient d’adopter cinq règles de gouvernance.

La première est la règle de subsidiarité. Déjà adoptée par l’Union Européenne, cette règle dit qu’une responsabilité doit être prise par le plus petit niveau d’autorité publique compétent pour résoudre le problème. Dit autrement, au Canada, cette règle propose de ne pas faire au palier fédéral ce qui peut être fait avec la même efficacité au palier provincial ou territorial, le palier fédéral n’intervenant que si le problème excède les capacités de la province ou du territoire.

La deuxième règle est le corolaire de la première. Il s’agit de la règle de suppléance. Elle stipule que lorsqu’un problème de responsabilité publique dépasse les capacités d’une petite entité à le résoudre, le palier le plus large a le devoir de le prendre en charge. Autrement dit, aucun secteur de l’activité publique ne doit rester orphelin.

L’objectif de l’association des règles de subsidiarité et de suppléance est de trouver, pour l’action publique, le palier le plus efficient.

Bien sûr, ces deux règles stipulent clairement que l’action conjointe des deux paliers de gouvernement est tout à fait souhaitable.

Précédant les règles de subsidiarité et de suppléance dans l’ordre des décisions, il y a la règle d’attribution. Cette règle dit deux choses. D’abord, elle affirme que les compétences sont attribuées au palier le plus en mesure de les assumer adéquatement. Ce fut la logique derrière le partage des pouvoirs de la Constitution canadienne. Ensuite, elle proclame que chaque niveau ne peut intervenir que dans les limites des compétences qui lui sont attribuées par la Constitution.

Suivant les règles d’attribution, de subsidiarité et de suppléance, il y a la règle de proportionnalité. Cette règle dit que l’encadrement législatif et réglementaire, l’administration et le financement doivent être proportionnés à la tâche à accomplir. C’est cette même règle de proportionnalité qui dicte le partage de la taxation entre le Fédéral et les Provinces. Bien compris et appliqué avec sagesse, cette règle encadre, restreint, discipline le pouvoir de dépenser autant du Parlement fédéral que des Assemblées provinciales ou territoriales.

Enfin, encadrant le tout, il y a la règle de partage. Pour que les institutions soient véritablement au service des citoyens, il importe que les responsables politiques, autant les élus que les fonctionnaires, acceptent de collaborer. Les administrations se doivent de partager l’information pertinente, mettre en commun de l’analyse des problèmes, faire preuve de bonne foi, rechercher le consensus lors de la définition des besoins et de l’élaboration des solutions, et gérer les programmes dans un esprit de collaboration. Sans oublier l’implication de la population.

Asymétrie et coopération administratives.

Il convient de préciser que, dans une très large mesure, il est possible de mettre en œuvre un fédéralisme asymétrique et coopératif sans amender la constitution. Il suffit de procéder par accord fédéral-provincial, ou par partage ou transfert budgétaire, ou simplement par mesures administratives. C’est le cas des propositions qui suivent.

Proposition 1, Fonds dédié à la culture

La culture est un puissant vecteur de civilisation. L’art pictural, la musique ou la poésie, par exemple, ont pour habitude de glorifier la paix, la tolérance et le bonheur sur terre. Et de honnir les massacres, l’intolérance et la souffrance. En plus, c’est la culture qui définit l’identité d’un peuple, permettant à la fois le développement individuel et l’expression collective. Enfin, la culture est l’un des plus importants moteurs de prospérité économique.

En conséquence, il est proposé de créer un important fonds pour financer des créations culturelles de valeur internationale. Ce fonds viendrait compléter les programmes de subventions actuels. Selon les projets, le secteur privé pourrait s’y associer. La dotation annuelle du Fédéral au fonds s’appuierait sur une formule objective vérifiable (par exemple, fixer la contribution du Fédéral à un % du PIB). Trois critères présideraient au choix des projets, à savoir l’excellence de sa création, son potentiel de diffusion à travers le Canada et dans le monde, et la diversité de l’origine et des participants du projet. Le fonds serait géré par un Conseil d’administration formé de représentants du Fédéral, des provinces, des territoires et des communautés autochtones. De façon systématique, ce Conseil d’administration se réunirait dans toutes les régions du pays, rencontrerait les créateurs culturels sur leur lieu habituel de travail, et instituerait un mode décentralisé d’administration dans lequel les provinces et les territoires joueraient un rôle important.

Proposition 2, Pipe-line culturel

Le Fonds dédié à la culture (Proposition 1,) et les programmes actuels seraient accompagnés d’un organisme de diffusion pancanadien qui donnerait une belle part à la création culturelle québécoise.

L’un des facteurs qui contribuent à la force et la prospérité du Canada est la complémentarité de ses activités économiques. En schématisant, on pourrait affirmer par exemple qu’en Alberta, les principaux générateurs de richesses sont le pétrole et le bœuf, en Saskatchewan, la potasse et le blé, en Colombie-Britannique, la foresterie, les vergers et les vignes, en Ontario, les automobiles et la finance, dans les Provinces de l’Atlantique, les pêcheries et le pétrole off-shore, et au Québec, c’est notamment la création culturelle. Au cours des ans, pour vendre ces richesses, le Gouvernement du Canada a soutenu financièrement ou construit des réseaux de transport et de communication, des chemins de fer, des autoroutes, des aéroports, des ports, des réseaux téléphoniques, des satellites, des canaux, la Voie maritime du Saint-Laurent et des pipe-lines. Ces infrastructures fédérales constituent de magnifiques exemples de gestion responsable et diversifiée des richesses canadiennes. En effet, les avantages découlant de ces infrastructures payées par tous les Canadiens varient grandement d’une province à une autre. Par exemple, l’Alberta est le grand bénéficiaire des oléoducs, le secteur manufacturier de l’Ontario et les producteurs de blé des Prairies sont les grands bénéficiaires de la Voie maritime du Saint-Laurent, etc. Bien qu’une part des revenus provinciaux soit distribuée dans tout le pays (péréquation, transferts divers), cette solidarité n’appauvrit pas les bénéficiaires. Ainsi, grâce à son pétrole, l’Alberta contribue largement à la péréquation sans cesser d’être la province la plus riche du pays. La proposition de créer un pipe-line culturel au service principalement du Québec s’inscrit dans cette logique. Comme il est raisonnable que l’Ontario et les provinces des Prairies soient les grands bénéficiaires de la Voie maritime du Saint-Laurent, il ne serait que raisonnable que l’industrie culturelle québécoise, étonnement créative et dynamique, soit la principale bénéficiaire du pipe-line culturel. L’enrichissement du Québec par la culture ne peut que bénéficier à l’ensemble du Canada. Comme le furent en leur temps celui de l’Alberta, de Terre-Neuve, ou de la Saskatchewan par le pétrole ou la potasse. .

En conséquence, il est proposé de créer d’un bout à l’autre du Canada un pipe-line culturel, c’est-à-dire un organisme de promotion et de diffusion de la création culturelle québécoise auprès du Reste-du-Canada. Il favoriserait en outre l’échange d’étudiants, de travailleurs de l’industrie culturelle et d’artistes, de même que le transport et l’accueil de Canadiens désireux de participer aux activités culturelles québécoises. C’est le Fédéral qui financerait ce pipe-line culturel comme il a financé les autres infrastructures interprovinciales. Le pipe-line culturel serait géré par un Conseil d’administration paritaire Ottawa-Québec.

Proposition 3, Patrimoine Canada

La culture n’étant pas mentionnée dans la Constitution, les deux paliers de gouvernement prirent des initiatives rarement coordonnées et presque jamais répondant à un consensus national (fédéral-provincial). Souvent aussi, les gouvernements ont mis de l’avant des politiques culturelles non pas pour appuyer la créativité artistique ou la diffusion de l’art, ou encore pour valoriser la citoyenneté ou renforcer l’unité nationale, mais pour promouvoir leurs visées partisanes. Au niveau du Gouvernement du Canada, le principal instrument d’intervention politique est le ministère Patrimoine Canada.

Le ministère Patrimoine Canada dispose d’un budget annuel de quelque 1 230 millions $. Son activité se subdivise en trois grands secteurs, à savoir :

Le secteur Expressions artistiques qui comprend l’appui aux Arts (5 programmes, 123,7 millions $), aux Industries culturelles (11 programmes, 322,5 millions $) et au Patrimoine (5 programmes, 39,4 millions $), pour une enveloppe budgétaire de 485,7 millions $.

Le secteur Identité canadienne qui inclut le soutien à l’Appartenance au Canada (7 programmes, 82,4 millions $), à la Participation communautaire (3 programmes, 90,0 millions $) et aux Langues officielles (3 programmes, 355,0 millions $), pour une enveloppe budgétaire de 527,4 millions $.

Et le secteur des Sports qui finance diverses activités pour une enveloppe budgétaire de 217,7 millions $.

Plusieurs de ces programmes portent flanc à des critiques. D’abord, trop souvent, l’idéologie partisane interfère dans le choix des projets. À titre d’exemples de ce biais arbitraire et unilatéral, on peut mentionner l’importance incompréhensible donnée à la commémoration de la Guerre de 1812 et au jubilé de diamant de la reine Élizabeth II. De toute évidence, cette apologie de la guerre et de la monarchie n’est pas une priorité pour la majorité des Canadiens, en particulier des Québécois. Autres critiques : En ce qui concerne la définition des programmes et l’attribution des budgets, ce ministère ne consulte jamais les provinces, encore moins la population. Pour ce qui est de l’unité nationale, on peut rappeler que la seule ‘menace’ à l’endroit du Canada provient du mouvement séparatiste du Québec : or, sur ce plan, on ne peut pas dire que les programmes dédiés à la réconciliation de ces citoyens désabusés est en voie d’atteindre son objectif. Même plus, ce ministère ne prend aucune initiative pour contrer le Québec bashing ou pour baliser le multiculturalisme qui ne génère pas que des effets positifs. Pour le Québec, ce sont là deux des irritants les plus évidents. Aussi, plusieurs programmes de subventions du ministère sont du même ordre que ceux du Conseil des Arts, nécessitant une inutile bureaucratie. Par exemple, les deux organismes appuient la musique, les livres et l’édition. On ne comprend pas pourquoi il en est ainsi. Une clarification des rôles s’impose donc. Le ministère Patrimoine Canada qui trop souvent donne l’impression d’être un instrument de propagande au service du parti au pouvoir doit remplacer cette partisannerie stérile par un esprit de collaboration avec notamment les provinces. Enfin, Patrimoine Canada doit s’ouvrir aux préoccupations culturelles de toute la population canadienne.

En conséquence, il est proposé de réformer fondamentalement ce ministère. La réflexion sur les programmes de ce ministère pourrait se faire en Commission parlementaire du Parlement, avec participation du public. Ceci étant dit, d’emblée, certaines orientations pourraient être avancées. D’abord, on pourrait transférer au Conseil des Arts du Canada les programmes de subventions Arts, Industries culturelles et Musées (voir Proposition 4, ci-après). Quant aux autres programmes, on pourrait assurer qu’ils répondent mieux aux besoins non seulement des créateurs culturels mais aussi de l’ensemble de la population. En plus, on pourrait envisager de créer au sein du ministère un Comité de coordination formé de représentants du Fédéral, des provinces, des territoires et des communautés autochtones.

Proposition 4, Conseil des Arts du Canada

Distribuant annuellement quelque 160 millions $ dans une vingtaine de programmes, le Conseil des Arts du Canada jouit d’une bonne réputation dans la communauté artistique canadienne ou même québécoise. Ceci étant dit, le Conseil des Arts n’est pas sans reproche. Sa principale lacune se situe au niveau de sa haute direction. On y constate une opacité intempestive, une absence d’imputabilité démocratique et une grave carence de représentativité. Actuellement, le Conseil des Arts lui-même (le Conseil d’administration) regroupe onze personnalités nommées par le Gouverneur général en conseil (en clair, par le Premier Ministre du Canada). Ce conseil siège dans la plus grande discrétion. Ses membres ne représentent qu’eux-mêmes, et ne rendent des comptes au Parlement que par le biais d’un rapport rédigé par eux-mêmes. Jamais, l’opinion publique ne voit une analyse critique de son fonctionnement. Jamais le modus operandi du Conseil des Arts ne fait l’objet d’un véritable débat public, sauf lors de conversations feutrées au sein de cercles soigneusement choisis. On discute de soi entre soi.

Dans chacune des disciplines, les subventions sont octroyées par un comité de ‘pairs’, assistés de fonctionnaires. Ainsi, par exemple, ce sont quelques peintres qui décident du sort des peintres qui sollicitent un appui. De tout temps, ce mode de fonctionnement a soulevé des problèmes qui sont bien connus : hyperspécialisation des membres du comité, indifférence au contexte socio-culturel, copinage, renvoi d’ascenseur, chapelle doctrinale, etc. À ces difficultés s’ajoute le problème bien canadien de la langue : comment un artiste unilingue anglophone, siégeant sur un tel comité, peut-il adéquatement apprécier une requête rédigée en français, c’est-à-dire dans une langue qu’il ne maîtrise pas, avec des références culturelles qui lui sont étrangères? Et dans ce comité comportant un unilingue anglophone, la délibération se fait-elle en français ou en anglais?

Le Conseil des Arts doit modifier son modus operandi pour devenir le symbole de l’équilibre culturel canadien, c’est-à-dire d’un fédéralisme asymétrique et coopératif bien compris. Il doit cesser d’être un organisme fédéral pour devenir une institution nationale.

En conséquence, il est proposé de maintenir la dotation annuelle du Conseil des Arts, de l’indexer au coût de la vie et de l’augmenter des budgets impartis aux programmes transférés du ministère Patrimoine Canada (voir la proposition précédente). Le mode de nomination des membres du Conseil d’administration devrait être modifié de la façon suivante : le nombre de ses membres passerait de onze à vingt-un, comprenant quatre membres nommés par le Fédéral, dont le Président, trois membres respectivement du Québec et de l’Ontario, deux membres pour le Colombie-Britannique, un membre par province pour chacune des sept autres provinces, un membres pour les territoires et un autres représentant les communautés autochtones. Les membres du Fédéral seraient désignés par le Parlement sur recommandation du Ministre du Patrimoine, ceux des provinces, des territoires et des communautés autochtones par leurs assemblées respectives. Il est proposé en outre d’inscrire dans le mode normal de fonctionnement du Conseil des Arts que les programmes puissent s’appliquer différemment d’une province à une autre.

Proposition 5, Promotion du français

Au Canada, même au Québec, la langue française est en péril. C’est là une indubitable réalité. En 2012, le ministère Patrimoine Canada a investi 355 millions $ en appui aux langues officielles. Le plus clair de ces subventions va à la promotion de l’anglais au Québec et du français dans le Reste-du-Canada. En d’autres termes, l’esprit de ce programme est de soutenir les petites communautés linguistiques en situation minoritaire, et l’une et l’autre des langues officielles en tant que langues seconde. Tout ça est louable et doit être maintenu. Mais ce n’est pas suffisant.

En conséquence, il est proposé de d’ajouter une importante dotation pour la défense et à l’illustration de la langue française, la langue officielle du Canada qui est menacée d’extinction. Ce programme serait géré par le Gouvernement du Québec. En fait, il s’agirait d’un transfert bilatéral dédié au français. Le contenu de ce programme et son modus operandi ferait l’objet d’une Loi de l’Assemblée Nationale du Québec, endossée par une Loi du Parlement fédéral. Ce serait là le fédéralisme asymétrique et coopératif à son meilleur.

Proposition 6, Affichage et marques de commerce

La propriété intellectuelle (en partie) et les marques de commerce sont de juridiction fédérale. Depuis plusieurs années, les sociétés commerciales prennent avantage de la réglementation actuelle pour enregistrer en langue anglaise des marques, des sous-marques et des sous-sous-marques d’un produit. Pour illustrer ce point, donnons des exemples fictifs mais décrivant des produits bien réels : le shampoing Smith / Citrus / Pure Orange ou le savon Hercules / Perfectly Strong / Oak & Maple Water / Clean Soul & Body. Se multipliant sur les tablettes des magasins, tous ces labels donnent un visage anglais à l’étalage tout entier. Dans ces exemples, en plus de l’affichage des marques, les inscriptions additionnelles en anglais sont de même taille et précèdent les inscriptions en français (Normal Hair / Cheveux normaux); et souvent la liste des ingrédients est en anglais seulement. Sans contredit, cette pratique va à l’encontre de l’esprit de la Loi 101. Va aussi à l’encontre de la responsabilité fédérale en matière de protection des langues officielles.

En conséquence, il est proposé d’amender la loi fédérale sur les marques de commerce pour assujettir son application aux diverses réglementations provinciales; en clair, en ce qui concerne le Québec, cet amendement ferait en sorte que la langue de l’affichage sur le contenant ou l’emballage des produits serait d’abord le français, le tout en conformité avec la Loi 101.

Proposition 7, Sociétés fédérales et la Loi 101

À l’heure actuelle, les sociétés parapubliques fédérales (i.e., les ports, les aéroports) et certaines sociétés privées à charte fédérale (i.e., les banques, les sociétés de transport), même lorsqu’elles opèrent au Québec, ne sont pas assujetties à la Loi 101. Il s’en suit que dans ces milieux de travail, au Québec, de très nombreux travailleurs sont forcés de travailler en anglais, et que les usagers voulant être servis en français par ces sociétés ne reçoivent pas pleine satisfaction.

En conséquence, il est proposé d’amender la législation fédérale pour faire en sorte que toutes ces sociétés soient assujetties à une réglementation linguistique similaire à celle de la Loi 101, partout au Canada.

Proposition 8, Sommets culturels

Quelles soient constitutionnelles ou pas, les négociations fédérale-provinciales sont compliquées, et mobilisent toujours des moyens onéreux. Les risques d’aboutir à un échec sont importants. Le résultat de cette lourdeur est que le Canada s’enlise de plus en plus dans une ankylose néfaste à la bonne gouvernance du pays. Notamment en matière de culture et de communications.

En conséquence, il est proposé de tenir tous les dix ans un Sommet culturel regroupant des élus du Parlement fédéral, des Assemblées provinciales et territoriales, et des communautés autochtones. L’objet premier de cette rencontre statutaire serait de dresser un bilan des politiques et des programmes culturels et de communications, et de proposer des améliorations pour la décade subséquente. En plus, il serait souhaitable que ces Sommets abordent d’autres questions qui touchent la culture des Canadiennes et des Canadiens, prise dans son sens le plus large, à savoir par exemple, la citoyenneté, les langues officielles, le multiculturalisme et l’interculturalisme, la charte des droits, et la laïcité.

Proposition 9, Soustraire la culture des traités commerciaux internationaux

Tout comme l’éducation, la culture appartient à l’identité d’un peuple. Elle définit sa personnalité collective, ce qui le cimente, autant dans son uniformité que dans sa diversité. Elle n’est pas une marchandise. Elle n’est pas négociable.

En conséquence, et avec l’assentiment des provinces, des territoires et des communautés autochtones, il serait proposé d’exempter la culture et l’éducation des champs des négociations commerciales internationales; et en même temps, d’adhérer aux ententes internationales directement orientées vers la promotion de la culture.

Proposition 10, Bibliothèques et médiathèques

Les bibliothèques et les médiathèques sont indispensables à l’épanouissement de la culture. Elles constituent de rares lieux de socialisation et d’épanouissement. Elles doivent avoir pignon sur rues dans toutes les communautés du pays, dans tous les villages et dans tous les quartiers urbains. Il y a déjà la Bibliothèque Nationale et les Archives, qui sont basés à Ottawa. Ce sont là des institutions indispensables qui doivent être valorisées. Mais leur rayonnement à travers le pays, plutôt limité

En conséquence, et en concertation avec les provinces, les territoires et les communautés autochtones, il est proposé de créer un fonds fédéral d’aide aux bibliothèques et médiathèques publiques. En plus des personnes nommées par le Fédéral, le Conseil d’administration de ce fonds regrouperait des représentants des provinces, des territoires et des communautés autochtones. La dotation fédérale annuelle de ce fonds serait en sus du budget actuel de la Bibliothèque Nationale et des Archives. Il est proposé en outre d’introduire le principe de l’asymétrie dans les règles d’attribution des subventions.

Proposition 11, Bibliothèque virtuelle

Pour la sauvegarde et la diffusion de sa littérature, il serait important que le Canada emboîte le pas des autres grandes nations et, en concertation avec les provinces, les territoires et les communautés autochtones, crée sa propre bibliothèque publique virtuelle / nationale. Cette institution serait le pendant canadien de Gallica, ou d’Europeana, par exemple.

En conséquence, il est proposé de créer, en concertation avec les provinces, les territoires et les communautés autochtones, une bibliothèque virtuelle canadienne. Cette bibliothèque serait financée par le Gouvernement du Canada. Tout en étant intégrée à la Bibliothèque Nationale, la bibliothèque virtuelle disposerait de son propre Comité de direction, sur lequel siégeront des représentants du Fédéral, des provinces, des territoires et des communautés autochtones. Au démarrage, la Bibliothèque virtuelle offrirait le libre accès à Notre Mémoire en ligne / Early Canadiana Online. Par la suite, elle offrirait en version électronique la plus vaste collection possible d’ouvrages littéraires canadiens, incluant la production québécoise, en français et en anglais, des romans, des essais, des œuvres poétiques, des documents scientifiques, des documents de références, photos, vidéos, etc.

Proposition 12, Téléphonie sans fil et CRTC

Au Canada, les communications par téléphone filaire ou sans fil (autant pour les données que pour la transmission de la voix), relèvent du Fédéral. La téléphonie est aussi un oligopole. Plus de 90% de ce lucratif marché est contrôlé par trois sociétés privées : Bell, Rogers et Telus. Et les organismes de contrôle, notamment la Direction de la Gestion du spectre d’Industrie Canada et le CRTC, appliquent une politique de complaisance à l’endroit de cette industrie. Cette concentration et la mollesse du Gouvernement fédéral engendrent de nombreux abus : le service est inégal d’un coin du pays à l’autre; pour le téléphone fixe, la fibre optique et autres infrastructures de transmission à haute vitesse ne sont pas disponibles partout; pour certains services, les Canadiens paient plus cher que les autres collectivités; en téléphonie sans fil, ils se voient imposer des contrats abusifs; la possibilité de porter plainte est limitée; les appareils sont ‘bloqués’ sur un seul fournisseur; souvent le service est déficient; de vastes régions du pays sont très mal desservies par les réseaux de téléphonie sans fil (par exemple, les abonnés de Vidéotron se voient privés de service en Gaspésie ou en Abitibi).

En conséquence, il est proposé d’imposer à tous les fournisseurs de service de téléphonie filaire d’implanter à travers le pays les infrastructures de transmission à haute vitesse. Le principe en jeu ici est que tous les Canadiens, où qu’ils se trouvent sur le territoire, soient branchés de la même façon sur les infrastructures et puissent avoir accès au même service.

Pour la téléphonie sans fil, il est proposé d’imposer l’interconnexion universelle des réseaux. L’objectif est d’assurer que chaque détenteur d’un téléphone cellulaire, ou qu’il se trouve au pays et peu importe son fournisseur de services, puisse en tout temps communiquer avec n’importe quel autre détenteur d’un téléphone cellulaire. Cette universalité s’appliquerait aussi à la transmissions des données (films, vidéos, documents, musique).

Il est proposé aussi de casser l’oligopole actuel de l’industrie de la téléphonie sans fil afin de créer une saine compétition entre les fournisseurs et, du coup, afin à la fois afin de réduire le prix du service et de rehausser sa qualité.

Il est proposé en outre de modifier les « conseillers régionaux » du CRTC nommés par le Fédéral par des conseillers nommés par les provinces, les territoires et les communautés autochtones. 

À ces quatre propositions, il est ajouté celle d’améliorer les mécanismes de traitement des plaintes dans le sens de l’intérêt public.

Proposition 13, ONF / Laboratoire de création numérique

Le ‘numérique’ (en anglais, digital) se réfère à l’application de l’informatique à la communication. Le site futura-sciences.com nous explique que dans les systèmes traditionnels de communication à distance, les signaux (radio, télévision, téléphone, etc.) sont véhiculés sous la forme d’ondes électriques continues. Avec la numérisation, ces signaux sont codés comme des suites de nombres, eux-mêmes souvent transcrits en système binaire de 0 et de 1. Le signal se compose alors d’un ensemble discontinu de nombres : il est devenu un fichier informatique.

Le potentiel de cette révolution technologique est immense. Les applications du numérique sont sans fin, touchent tous les arts (musique, arts visuels, cinéma, etc.) et de très nombreux domaines scientifiques (intelligence artificielle, robotique, nanoscience, médecine, etc.).

En conséquence, il est proposé de créer un Laboratoire de création numérique et de le doter d’un budget en sus des budgets actuels de recherche en ce domaine, comme par exemple, les Chaires de recherche ou la Fondation canadienne pour l’innovation. Ce laboratoire regroupera des scientifiques et des créateurs nommés en collaboration par le Fédéral, les provinces, les territoires, les communautés autochtones et le secteur privé. Il aura une triple mission : mener des projets de recherche, faciliter le partage des informations entre les chercheurs et observer l’évolution de ce domaine en pleine effervescence.

Financement

Avec ce programme, la contribution fédérale à la culture passera de 4,0 milliards$ à 6,2 milliards $, c’est-à-dire une augmentation de l’ordre de 50%.

Par exemple, la répartition serait la suivante :
Budget actuel (2013) : 4 000 millions $
Fonds dédiés à la culture : 1 050 millions $
Pipe-line culturel : 500 millions $
Protection de la langue française : 100 millions $
Appui aux bibliothèques : 300 millions $
Bibliothèque virtuelle : 50 millions $
ONF-Laboratoire de création numérique : 200 millions $
Total, Budget proposé : 6 200 millions $

À 4,0 milliards $, l’effort actuel du Gouvernement du Canada en matière de culture correspond à 0,26% du PIB canadien. Cette dotation devrait-elle peut-être passer à 0,4% du PIB. Ne serait-ce pas là un objectif politique à proposer aux Canadiennes et aux Canadiens?

À titre de comparaison, à 21,0 milliards $, le budget de la Défense nationale correspond à 1,36% du PIB. Entre 2005-2006 et 2010-2011, il a augmenté de 54%. Cette augmentation nous apparait exagérée. D’autant plus que la gestion de ces milliards $ est pour le moins déficiente, entraînant un énorme gaspillage. À l’appui de cette assertion, il suffit de citer l’escalade ahurissante des coûts d’achat des avions de chasse F-35 et, au printemps 2013, le rapport du Contrôleur Général qui signale la disparition comptable de 3,1 milliards $ au Ministère de la Défense. Un autre rapport (juillet 2013) indique qu’au cours de la dernière année fiscale, le Ministère de la Défense a été incapable de dépenser 10% de son budget, c’est-à-dire 2,3 milliards $. Depuis 2006-2007, les sommes non dépensées s’élèvent à 9,7 milliards $. En somme, il y a trop d’argent à la Défense Nationale et il est mal utilisé.

Dans la mesure où l’on oriente la politique étrangère du Canada vers des missions de paix plutôt que des opérations de guerre, vers la collaboration multipartite plutôt que l’affrontement idéologique stérile, vers une défense intelligente du territoire canadien, et vers une lutte efficace au terrorisme international, on pourrait sans créer de perturbations significatives réduire le budget militaire et transférer à la culture les sommes dégagées.

En conséquence, les mesures préconisées ici pourraient être mises en œuvre sans augmenter le fardeau fiscal des contribuables canadiens.

Radio-Canada

Mon essai ne touche pas la Société Radio-Canada. Ce n’est pas un oubli de ma part. Mon point de vue sur cette vénérable institution est le suivant: il faut la préserver mais la réformer de fond en comble. L’espace et les moyens manquent pour en faire ici une analyse adéquate.

Conclusion

En somme, le fédéralisme flexible m’apparait la meilleure façon de gérer le Canada, pour le bonheur de tous, y compris des Québécoises et des Québécois.


Notes[i] Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet – 6 août 1982.
[ii] PME : Petites et Moyennes Entreprises
[iii] Bien que les propositions qui suivent peuvent être mises en œuvre sans amendement constitutionnel, nous sommes conscients qu’il perdure, pour les Québécois, des irritants culturels qui ne pourront trouver leur solution que par des modifications de la Constitution. Rappelons quelques-uns de ces irritants. Il y a la nécessité d’actualiser le partage des juridictions entre le Fédéral et les Provinces, notamment dans le domaine des nouvelles technologies de communication. Il y a aussi l’éventuelle insertion du principe collectif de la laïcité dans la Charte canadienne des droits; il y a encore l’élimination de la bizarrerie que constitue la contradiction entre, d’une part, la référence à Dieu dans le Préambule de la même charte et, d’autre part, l’affirmation du droit à la liberté de conscience. Enfin, il ne faut pas passer sous silence le problème du multiculturalisme perçu par une grande majorité de Québécoises et de Québécois comme un instrument d’appauvrissement de leur culture.

[iv] Rappelons par ailleurs que la population québécoise représente 23,1% de la population canadienne.