PRÉSENCE DE LUMIÈRES

Laïcité à visage découvert

Femmes souriantes

En toute liberté, les citoyens d’une société démocratique et civilisée comme la nôtre se donnent des lois ou des règlements pour assurer la paix, l’harmonie sociale, la prospérité et la justice. Dans le cadre de l’actuel débat sur la laïcité au Québec, une double question se pose : Devons-nous passer une loi pour obliger tout le monde à circuler à visage découvert dans l’espace public québécois? Et, si oui, devons-nous le faire au nom de la laïcité?

Bien sûr, on aura compris que la prescription de ‘circuler à visage découvert’ entraîne l’interdiction de porter un masque dans l’espace public, ce qui signifie entre autres mesures, l’interdiction de porter le voile intégral islamique.

Première réponse
D’emblée, je suggère qu’il m’apparait peu souhaitable que, chez nous, certains citoyens portent un masque dans l’espace public. Même lors de manifestations. Bien sûr, cette prescription comporte quelques exceptions facilement compréhensibles comme le masque des gardiens de hockey, le masque médical, celui de l’Halloween, le foulard en cas de grand froid, le casque du motocycliste, etc.
J’apporte cette première réponse parce que notre société valorise l’égalité des citoyens devant la loi, et le fait de porter un masque donne un privilège à celui, à celle qui le porte, le privilège de voir sans être vu. Notre société en est une de droits et de responsabilités, non de privilèges.
J’ajoute que la paix sociale exige une communication ‘cordiale’ entre tous les citoyens, ce qui devient impossible si certains déambulent masqués. Même affublé d’une étiquette religieuse, le port d’un masque engendre la méfiance.
En somme, je n’ai trouvé aucune raison positive justifiant le port d’un masque en public.

Est-ce que ces femmes peuvent nous sourire?

Symbole religieux
Mais alors, que faire lorsque nous sommes confrontés à un masque qui se prétend un symbole religieux.
Le voile intégral est-il un symbole religieux? Sur ce point, les avis sont partagés.
Sur son site, la Grande Mosquée de Strasbourg écrit que le Coran ne dit mot à propos du voile intégral, que la majorité des exégètes musulmans disent que le port du voile intégral n’est pas recommandé (pas interdit non plus !), mais que la minorité d’entre eux qui affirment le contraire apportent surtout des arguments relevant de la tradition. En plus, la Grande Mosquée recommande aux femmes qui travaillent en public de ne pas porter le voile intégral. Elle espère enfin que l’État français ne se mêle pas de la question du port du voile intégral en public (on sait que l’État français a ignoré ce souhait et a légiféré pour l’interdire).
En Égypte, la Haute Cour, appuyée par le Grand Mufti du Centre de recherches islamiques, a décrété que « le niqab n’est pas une obligation religieuse mais une simple pratique coutumière. » N’empêche, le niqab est porté en Égypte.
Ceci étant dit, une chose est sûre : le voile intégral est un vêtement porté au nom d’Allah.
Il est porté principalement dans des pays musulmans ultra-conservateurs gérés par la charia. Il est porté aussi un peu partout dans le monde par une minorité musulmane plus ou moins importante, plus ou moins agissante.
On retrouve la burqa principalement en Afghanistan et au Pakistan, le niqab principalement dans les pays du Golfe.
Donc, en fin de compte, le voile intégral est un symbole religieux qui appartient à la faction la plus traditionaliste et la plus rigide l’Islam.

Mode
Je ne le pense pas que le port du voile intégral soit une mode. Dans la mesure où une mode est éphémère et dans la mesure où la mode précédente apparaît toujours ridicule aux yeux de la mode subséquente, le port du voile intégral n’est qu’une pratique qui remonte à la nuit des temps et qui se perpétue de siècle en siècle.

Tradition
En revanche, sans contredit, le port du voile intégral relève de la tradition. Mais toutes les traditions ne sont pas pour autant respectables et dignes d’être maintenues.
Par exemple, le droit de cuissage était une tradition. Heureusement abandonnée.
Par exemple encore, le Coran dit ceci : [Si tu es marié,] il ne t’est plus permis désormais de prendre d’autres femmes, ni de changer d’épouses, même si leur beauté te plait; à l’exceptions des esclaves que tu possèdes. Et Allah observe toutes choses (33, 52).
En somme, le Coran autorise la polygamie, l’esclavage et de prendre des femmes contre leur volonté. Sont-ce des pratiques traditionnelles? Sans doute. Elles ne sont pas pour autant admissibles. Chez nous, aujourd’hui; de telles traditions religieuses sont carrément interdites par la loi

Pratique orientale
Le port du voile intégral est une pratique importée qui ne répond à aucun impératif ou souhait de la société québécoise.
Rappelons que personne n’a vocation à imposer une tradition et personne n’a l’obligation d’adopter une tradition. Aussi loin que l’on se souvienne, notre culture favorise le vivre-ensemble à visage découvert. Les Grecs, les Romains, les Gaulois, les Français d’avant et d’après la Révolution, les colons de la Nouvelle-Française, les Amérindiens, tous circulaient à visage découvert. Les femmes comme les hommes. Telle est notre tradition.

Amérindiennes non voilées qui nous sourient

Pratique sexiste
À sa face même, le port du voile est une pratique sexiste, tout simplement parce qu’il s’agit d’une prescription qui ne s’adresse qu’aux femmes.
Même plus, il s’agit d’une pratique sexiste qui est imposée. Il ne faut pas oublier qu’à part quelques infimes exceptions, la quasi-totalité des femmes qui portent le voile intégral le font sous la contrainte.
Cette pratique est condamnée par les conventions internationales.
La Convention pour l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes (CEDEF), de l’ONU. Entérinée par quelque 150 pays dont le Canada (incluant le Québec), elle date des années 1980. L’article 5.a de cette convention dit que les États signataires prennent l’engagement d’éliminer toute pratique coutumière discriminatoire. Encore plus pour une coutume qui menace l’intégrité et la santé physique et mentale de la femme.

Intégrité sociale et santé des femmes
Il ne faut pas chercher longtemps pour comprendre que le port du voile intégral porte atteinte à l’intégrité sociale et à la santé des femmes. Voici pourquoi.
Étant donné que les femmes voilées intégralement n’ont plus d’identité reconnaissable, elles ne peuvent pas intervenir dans la sphère publique, peuvent difficilement trouver du travail, ne peuvent pratiquement pas développer des relations sociales franches en dehors des cercles familiaux ou religieux, encore moins jouer un rôle social valorisant et utile ? Elles circulent comme des fantômes, des ombres, des oubliées de la société.
Le voile intégral hypothèque aussi la santé de celles qui le portent. Sous cette chape, l’oxygénation diminue, la résistance physique à l’effort s’amoindrit, la fatigue arrive plus rapidement; et chez des personnes présentant des maladies respiratoires comme l’asthme ou la bronchite, les risques de crises augmentent. Bloquant l’exposition de la peau aux rayonnements UV-B de la lumière, le voile intégral provoque une carence de la vitamine D essentielle à la santé. Par temps chaud, un tel vêtement devient carrément handicapant (sudation excessive, faiblesse, étourdissement…).

Dignité des femmes
De toute évidence, le voile intégral porte atteinte à la dignité des femmes.
Dans son Préambule et dans l’article premier, la Déclaration Universelle des droits de l’homme affirme ceci :
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde
(Art. 1) Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.

Le port du voile intégral, pratique contraignante qui ne concerne que les femmes, m’apparaît en contradiction avec cet article.

De même, le premier article de la CEDEF affirme le même principe :
Aux fins de la présente Convention, l’expression «discrimination à l’égard des femmes» vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine
Forcer une femme à porter un voile intégral est un déni de ses droits fondamentaux. La femme voilée intégralement voit sa féminité réprimée jusqu’à la honte. Au mieux, le voile intégral est un linceul; au pire, il est un instrument de torture.

Visage découvert
Posons la question sans camouflage : dans l’espace public, doit-on prescrire l’obligation de circuler à visage découvert? Ce qui signifie, on l’aura compris, interdire le port d’un masque, incluant le voile intégral.
Quatre raisons sont avancées pour appuyer cette prescription.
Premièrement, le voile intégral doit être interdit parce qu’il nie l’identité de la personne qui le porte. La femme voilée intégralement ne peut interagir adéquatement avec les autres citoyens. Par exemple, elle ne peut leur sourire.
Deuxièmement, le voile intégral doit être interdit pour des motifs de sécurité publique. Par exemple, à la sortie d’une garderie, une inconnue dissimulée sous une burqa pourrait se faire passer pour la mère d’un bébé, et le kidnapper. Par exemple encore, un individu voilé intégralement pourrait commettre un assassinat en plein jour, sur la rue, et s’en tirer parce que personne ne pourrait le reconnaître. Avec le voile intégral, les caméras de sécurité deviennent inopérantes.
Troisièmement, le voile intégral doit être interdit parce qu’il réduit la femme au niveau d’une proie sexuelle. Précisons : il s’agit d’une proie sexuelle qui appartient aux hommes qui la possèdent; en dérobant cette proie aux yeux des autres hommes, les ‘propriétaires’ de la femme (le père, le mari, l’oncle, le fils, l’imam, les notables du village) décrètent que cet objet leur appartient en exclusivité. Cette pratique est répugnante pour les femmes d’abord, mais aussi pour tous les autres hommes qui se voient affublés de l’odieux qualificatif de prédateur sexuel.
Ici, nous avons affaire au faux argument de la modestie pour justifier le port du voile en général, et celui du voile intégral en particulier. La femme qui montre ses cheveux, ses bras, ses chevilles, son visage, est ipso facto qualifiée d’immodeste et de provocante.
Aucune évidence scientifique ou sociologique n’appuie cette assertion. À travers les âges et dans toutes les civilisations, la quasi-totalité des femmes se comportent en public normalement, avec civilité, politesse et retenue. Et interagissent normalement avec les hommes. Et ces femmes normales ne portent pas de masque. Remarquons en passant que dans cette logique, c’est toujours la femme qui porte l’opprobre, jamais l’homme.
Quatrièmement, le voile intégral doit être interdit parce qu’il transforme les femmes en esclaves. Les femmes voilées intégralement n’ont aucun droit : elles sont des esclaves dont les trois seuls rôles sont d’assouvir les fantasmes sexuels de leurs maîtres, de leur faire des enfants (de préférence des fils) et de faire le ménage. Le port du voile est répugnant parce que l’esclavage l’est aussi.
Sur ce point, on a affaire au faux argument de l’ostracisme : les défenseurs du hijab, de la burqa et du niqab disent qu’on ne doit pas l’interdire parce qu’alors on condamnerait les musulmanes à l’ostracisme. En conséquence, disent-ils, au nom de l’intégration des immigrantes, il faut accueillir favorablement leurs demandes d’accommodement à motif religieux, comme le port du voile, intégral ou pas. (Et on balaie du revers de la main la suggestion que ces mêmes femmes s’intégreraient plus facilement si elles laissaient leur hijab à la maison lorsqu’elles vont travailler).
On ajoute que si l’on interdisait le port du voile intégral dans l’espace public, on condamnerait les femmes à rester cloîtrées chez elles. Mais pourquoi cela? Si elles sont libres de se voiler ou pas, alors elles sont libres de sortir ou pas. Mais peut-être ne sont-elles pas libres? On aurait alors la preuve que le port du voile intégral est imposé. Quoi qu’il en soit, je pense qu’au bout d’un certain temps, le geôlier se fatiguera de faire les courses domestiques de sa femme et finira par permettre à celle-ci de sortir à visage découvert.
J’insiste sur ce point: l’argument de l’ostracisme appréhendé devient absurde lorsqu’il est question du voile intégral. Comment est-ce possible à une femme masquée de s’intégrer à la collectivité formée d’hommes et de femmes circulant à visage découvert, si elles coupent elles-mêmes la principale expression de civilité qu’est un visage affable illuminé par un sourire?

Dans la Grèce antique, les femmes ne se voilaient pas. Et elles étaient aussi vertueuses que les femmes d’aujourd’hui

Liberté religieuse
Ceux qui défendent le port du voile intégral le font en apportant l’argument de la liberté religieuse. Mais le doute persiste. Car on remarque que là où le port du voile intégral est largement répandu, les femmes jouissent d’une liberté fort relative. Même religieuse, une ‘liberté imposée’ n’est qu’un terrible oxymoron.
Mais alors, l’interdiction du port du voile intégral brimerait la liberté religieuse des femmes qui voudraient le porter? Ça va de soi.
Mais il faut ajouter que la vie harmonieuse en société exige que toutes les libertés soient, d’une façon ou d’une autre, brimées. On sait très bien que le droit de l’un est limité par le droit de l’autre, et que le droit de chacun est limité par le droit de l’ensemble. La liberté absolue engendre le chaos parce que c’est la loi du plus fort qui prévaut.
Je vous donne quelques exemples de limitation de la liberté. Même si l’on jouit de la liberté de s’exprimer librement, on ne peut pas impunément calomnier les autres ou prêcher la haine. La liberté de la presse n’est pas absolue car elle se bute au respect de la vie privée et l’interdiction de la diffamation.
En somme, malgré les dires de certains porte-parole de l’Islam, interdire le voile intégral ne signifie pas que l’on porte atteinte à la liberté religieuse des Musulmans. D’abord, parce qu’il n’y a rien dans le Coran qui prescrit ou encourage une telle pratique, ensuite parce la majorité des Musulmanes pratiquent leur religion sans se cacher sous une burqa ou un niqab. Et elles ne déméritent ni d’Allah ni de son Prophète. Rappelons que le voile intégral est interdit par les autorités musulmanes elles-mêmes à La Mecque.
Sur cette question de la liberté religieuse invoquée par des femmes qui affirment porter le voile intégral librement, Henri Pena-Ruiz et Jean-Luc Mélanchon apportent l’exemple du lancer du nain. Ils expliquent que ce n’est pas parce que certaines femmes affirment porter le voile intégral librement que l’on doive autoriser cette pratique. De même, même si les nains impliqués dans ce genre de spectacle étaient d’accord pour se faire lancer, il n’en demeurait pas moins que le lancer du nain fut déclaré une pratique répugnante, et fut interdite. Interdite en vertu du respect que l’on doit aux personnes humaines. C’est parce que le port du voile est une pratique répugnante et dégradante que l’on doit l’interdire.

Laïcité
À mon sens, il faut prescrire l’obligation de circuler à visage découvert dans l’espace public pour les raisons que je viens d’esquisser, mais aussi en vertu de la laïcité.
Avant d’expliquer cette position, il importe d’apporter quelques mises au point.
D’abord, rappelons que la laïcité n’est pas qu’un attribut de l’État, n’est pas qu’un principe de gouvernance, est aussi une valeur sociétale. On ne peut avoir un État neutre en matière de croyances religieuses sans avoir une société respectueuse des principes qui fondent cette neutralité de l’État.
C’est au nom de la laïcité en tant qu’attribut de l’État et principe de gouvernance que l’on interdira le port de signes religieux (incluant bien sûr le voile intégral) par les Agents de l’État et dans les lieux civiques. Ici, en plus de la laïcité, plusieurs raisons pourront être invoquées : sécurité, identification, communication, harmonie des relations entre collègues, respect des usagers, dignité de la personne, égalité hommes-femmes, etc. Mais c’est au nom de la laïcité en tant que valeur sociétale que je propose de prescrire l’obligation de circuler à visage découvert dans l’espace public. Pour les trois raisons que je présenterai plus bas.
Ensuite, il faut définir les trois types d’espace qui logent les activités des citoyens : l’espace privé, civique public et l’espace public. L’espace privé comprend les lieux de résidence et ceux contenant des activités sous contrôle privé comme des bureaux privés ou des églises. L’espace civique comprend les lieux de l’État, où se passent les activités financées par l’État, comme l’édifice de l’Assemblée Nationale, les tribunaux, les bureaux du Gouvernement, les hôpitaux, les écoles, les bâtiments municipaux, etc. Enfin, l’espace public se définit comme tous les lieux où le public a accès, comme les rues, les squares, les parcs, les centres municipaux, les commerces, etc.
Si l’interdiction du voile intégral dans l’espace civique fait pratiquement l’unanimité, son interdiction dans l’espace public soulève encore des doutes. Et tous s’entendent pour dire que la laïcité ne concerne pas l’espace privé.
Pour s’opposer à la proposition d’obliger, au nom de la laïcité, tout le monde à circuler à visage découvert dans l’espace public, on apporte l’exemple de la France qui n’a pas invoqué la laïcité pour interdire le port du voile intégral mais d’autres arguments, dont ceux de la dignité des femmes, la sécurité et de la cohésion sociale
Peut-être. Mais sur cette question, il convient de rappeler deux importantes différences entre la France et le Québec.
D’abord, la France est un pays unitaire avec, en matière de droits fondamentaux, un pouvoir politique centralisé. Le Québec, lui, est une province dans un pays fédéral, avec en matière de droits fondamentaux des pouvoirs partagés.
Ensuite, la laïcité est inscrite dans la loi française, et ne l’est pas encore ni dans la loi québécoise, ni dans la loi canadienne.
Ces deux spécificités de chez nous font en sorte que l’enjeu de la laïcité est beaucoup plus compliqué ici qu’en France.
Comme nous le démontre le récent jugement de la Cour d’appel du Québec à propos de la prière au Conseil municipal de Saguenay, en l’absence du cadre législatif que procurerait la laïcité, une prescription touchant une pratique religieuse, même dégradante, risque fort d’être défaite devant les tribunaux. D’où la nécessité stratégique, à mon sens, de lier la prescription de circuler à visage découvert au projet de la laïcité.
Ceci étant dit, je reviens aux raisons qui appuient la position qui veut que la prescription de circuler à visage découvert puisse se fonder sur la laïcité.
Il y a trois principes qui fondent la laïcité, et le port du voile intégral bat en brèche chacun d’eux. C’est ce qui lie la prescription de circuler à visage découvert dans l’espace public à la laïcité. En d’autres termes, il m’apparait contradictoire d’affirmer la laïcité, d’un côté, et de l’autre, d’admettre une pratique qui sabote cette même laïcité.

Quels sont ces principes?

Le premier principe est la liberté de conscience : la laïcité protège la liberté de croire ou de ne pas croire; la liberté de pratiquer la religion de son choix, ou de n’en pratiquer aucune.
De toute évidence, l’immense majorité des femmes voilées intégralement sont forcées de se voiler. Étant sous influence, ne jouissent d’aucune liberté effective. Même au Québec, les femmes qui portent le niqab traînent dans leur sillage des hommes qui les surveillent. Si l’une d’elles s’avisait de retirer son voile en public, elle se ferait aussitôt réprimander, même violenter. Ne jouissant d’aucune liberté, elles ne jouissent pas de la plus fondamentale d’entre elles qui est la liberté de conscience, l’un des fondements de la laïcité.

Le deuxième principe est l’égalité des citoyens : tous les citoyens, femmes et hommes, et de quelque conviction spirituelle que ce soit, sont égaux en droit; la laïcité stipule qu’aucun privilège n’est accordé à qui que ce soit pour des motifs religieux ou communautaristes.
Comme le port du voile intégral est une obligation faite aux femmes seulement, il s’agit d’une pratique qui va à l’encontre de l’égalité de tous les citoyen(-ne)s, a fortiori contre l’égalité des sexes. Donc, il m’apparait raisonnable d’interdire cette pratique inégalitaire, au nom de la laïcité puisque la laïcité se fonde sur la l’égalité citoyenne.
Dit autrement, l’interdiction du port du voile intégral s’appuie sur la laïcité parce que celle-ci favorise le respect mutuel, l’absence de privilèges et l’égalité des citoyens, et que le port du voile intégral, au contraire, s’oppose à ces valeurs.

Le troisième principe est l’universalité de la sphère publique : la laïcité implique que tous les citoyens partagent un «bien commun», à savoir les mêmes lois, les mêmes droits et les mêmes institutions publiques.
En s’interdisant toute possibilité d’interaction dans la vie de la société, les femmes voilées intégralement ne peuvent partager le ‘bien commun’. Elles sont forcées à vivre dans un ghetto religieux ou communautariste. Cette imposition, cette pratique est en contradiction avec ce troisième principe de la laïcité.
Autrement dit : Qu’il soit ou non une pratique découlant de l’exercice d’une liberté religieuse, selon les dires de certains, le port du voile intégral doit être interdit parce qu’il est une pratique dégradante, une pratique qui répugne à une société laïque. L’une des responsabilités d’une société démocratique qui s’est dotée d’une charte des droits et libertés (en fait, de deux chartes, même de quatre si l’on compte la Déclaration Universelle et la CEDEF / Convention sur l’Élimination de toutes les formes de Discrimination à l’Égard des Femmes) est de veiller au respect de la dignité de ses citoyennes et de ses citoyens. Cette référence aux chartes n’est pas anodine. En effet, la stratégie des promoteurs de la laïcité est d’inscrire celle-ci dans le Charte québécoise des droits. Le but en est d’instituer des règles de vie en société qui soient raisonnables, rationnelles, identiques pour tous. La laïcité ne peut accepter la discrimination contre certaines citoyennes. Et clairement, le voile intégral est une forme de discrimination que la laïcité récuse.
La laïcité valorise la cohésion sociale; et le port du voile intégral, par l’exclusion qu’il entraîne, constitue un affront à cette cohésion. Une société laïque est une société qui accueille tout le monde, indépendamment du sexe, de l’origine ethnique, etc. En érigeant une barrière au nom de croyances particulières, le voile intégral valeur sabote l’accès universel aux affaires de la société, au bien commun.
Par exemple, une femme voilée intégralement ne peut pas pratiquer la médecine parce qu’elle ne peut établir un lien de confiance avec ses patients, surtout si ceux-ci sont des hommes. Une femme voilée intégralement ne peut pas devenir une avocate, une ballerine, une chanteuse d’opéra, une actrice, une joueuse de hockey, une flutiste, une plongeuse olympique, etc. Une femme voilée intégralement ne peut pas se faire élire. Une femme voilée intégralement est condamnée à l’oisiveté sociale, politique, artistique, scientifique. Une femme voilée intégralement est une recluse.
Comme on ne peut en même temps prôner la justice et autoriser le crime, on ne peut en même temps justifier la laïcité par l’égalité des sexes et prétendre que la laïcité se désintéresse du pire affront que l’on puisse faire à ce principe d’égalité : le symbole ambulant de l’aliénation des femmes.
La laïcité constitue une avancée de la civilisation. À l’inverse, le port du voile intégral est une sévère régression.

Il n’est pas nécessaire de se voiler pour incarner la dignité

Précédents
Quand les principaux promoteurs de la laïcité préconisent la prescription de circuler à visage découvert dans l’espace public du Québec et dans les lieux de l’État, est-ce qu’ils créent un précédent?
Par le passé, les promoteurs de la laïcité ont mené des batailles sur des enjeux de la laïcité qui ne concernaient pas exclusivement les institutions de l’État. Par exemple, l’opposition au cours ECR ne touchait pas uniquement les écoles publiques mais aussi les écoles privées. Par exemple encore, l’opposition à l’érouv touchait l’espace public (d’Outremont).

Modèle de société valorisant.
Pour moi, le voile intégral symbolise une société sclérosée qui sème le malheur, la corruption et la misère. On n’a qu’à observer les théocraties qui recouvrent leurs femmes sous un voile intégral pour constater que depuis plusieurs siècles déjà, ces sociétés sont stériles.
Aujourd’hui, la monde est au prise avec de très graves problèmes : la pauvreté, la famine endémique, les inégalités économiques, les changements climatiques, la pollution, la crise énergétique, etc. Que proposent les promoteurs du voile intégral pour résoudre ces problèmes? Rien. Leur contribution au progrès scientifique et technologique est nulle. Leur apport au développement de la médecine, de l’agriculture, de la musique, des arts en général est nul.

2 Responses à “Laïcité à visage découvert”

  1. BESNER Jean-Henley dit:

    10 Sep, 13 a 15 h 48 min

    Au nom de la justice, je dénonce le règlement qui exige que je doive enlever, chapeau, barette, petit peigne, élastique, col de fourrure, foulard et manteau pour prendre ma photo au bureau des licences à Gatineau, Québec. J’ai donc demandé pourquoi on n’exigeait pas que s’applique le même règlement à la dame toute noire vêtue, qui venait de passer juste avant moi, voile à la figure etc. On me dit qu’elle a le droit mais pas moi parce qu’elle, c’est une question de religion. J’ajoute que l’on ne m’a jamais demandé quelle religion je pratiquais ni à elle d’ailleur! C’est nettement de l’injustice. J’ai protestée mais sans faire d’histoire. L’incitant m’est arrirée deux fois. Je n’ai jamais été raciste. Cependant les droits des uns au détriment des droits des autres et ce depuis l’histoire du policier de la GRC ayant obtenu la permission de porter un costume différent à cause de sa religion me fait littéralement rager.

    jhb

    De plus, il y a de cela quelques années, des masques d’holloween oubliés dans ma voiture, sur la banquette arrière on causés toute une comotion dans le stationnement de ma caisse populaire Desjardins. Dans l’après-midi du 3 novembre, à la sortie de ma caisse, deux voitures de policiers m’attendaient. J’avais mes deux enfants avec moi ainsi qu’un petit voicin. On m’interrogea d’un ton autoritaire sur le pourquoi de ces masque….des tout petits masques d’enfants très jeunes de citrouilles et de chatons. J’ai dû expliquer que c’était un oublie de ma part et je m’en excusa. Dès lors, une grosse et grande dame enveloppée des pieds à la tête, on aurait dit une vampire et masquée au point qu’on ne pouvait pas y voir les yeux, sortait de la même caisse que moi. J’ai donc simplement regardé les policiers et la dame d’une manière et d’un sourire mesquin qui en disait long. Ils ont souri en haussant les épaules puis ils sont partis naturellement sans s’excuser. C’est cela de l’injustice et il y en a tellement trop.

    Dans un parc d’enfant à Ottawa, l’été dernier, une talibane se dirigea vers une balancelle et y enleva ma petite nièce de trois ans et installa la sienne à la place en disant : « She has been there long enough ». It’s our turn now. Ma cousine Carole qui n’a pas froid aux yeux s’est vivement levée et heureusement son conjoint à eu sitôt fait de la calmer mais la talibane à vite fait d’ajouter: « You are just a canadian, you are nothing, you are not even a real country! You are just a melting pot of all other countries….and on and on so my cousin and her family just left.

  2. André Loiselle dit:

    15 Sep, 13 a 20 h 20 min

    D’accord pour dire que le voile intégral pose problème à bien des égards: identification, sécurité, lien de confiance, communication avec des élèves… J’imagine par contre la femme voilée qui entre dans un bureau de Tourisme Québec et qui demande des informations et une brochure touristique sur la Saguenay-Lac-Saint-Jean où elle compte se rendre avec sa famille. Est-ce qu’on va exiger qu’elle se dévoile avant de lui répondre? Et que dire de celle qui arrive à l’urgence de l’hôpital en pleines douleurs d’accouchement? C’est pourtant ce qu’exigerait la nouvelle Charte des valeurs… Est-ce que nous ne risquons pas de paraître ridicules?