PRÉSENCE DE LUMIÈRES

Dérive du multiculturalisme

 

Benazir Bhutto: femme pakistanaise assassinée

Benazir Bhutto: femme pakistanaise assassinée

 

Lettre ouverte à madame Cécile Rousseau, psychiatre au CSSS de la Montagne, Montréal

Bonjour madame Rousseau,

Trois fois, non cinq fois, j’ai écouté l’entrevue que vous avez donnée à madame Joane Arcand, le 6 novembre dernier, lors de l’émission Dimanche Magazine de Radio-Canada.
Permettez-moi de donner la référence:
http://www.radio-canada.ca/audio-video/pop.shtml#urlMedia=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2011/CBF/DimancheMagazine201111061008_2.asx
L’entrevue suivait un reportage racontant l’horrible histoire d’une jeune fille d’origine pakistanaise terrorisée par ses parents parce qu’elle voulait vivre en conformité avec les valeurs canadiennes et non pas selon les préceptes obscurantistes de l’islam à la mode pakistanaise. Tout en faisant référence à ce cas particulier, vos réponses avaient une dimension normative, presque doctrinale; elles illustraient toute une approche d’intervention sociale auprès d’immigrants, la vôtre, en tant que psychiatre au CSSS de la Montagne.
En gros, vous mainteniez qu’il ne faut pas débusquer la violence au sein des ‘communautés’ d’immigrants musulmans afin de ne pas les traumatiser, que c’est par faiblesse que les hommes musulmans violentent leur épouse ou leurs filles et qu’il faut les comprendre, que les adolescentes musulmanes peuvent sans préjudice s’affranchir facilement de leur condition familiale et sociale et que, pour régler les conflits familiaux de ces ‘communautés’, il faut faire appel à la médiation assurée par des imams.
En tout respect, permettez-moi de vous dire que les positions que vous souteniez dans cette entrevue sont insoutenables. Voici pourquoi.

La violence à l’endroit des femmes
Madame, je vais énoncer un principe et je serais surpris que vous n’y adhériez pas. Le principe est le suivant : chez nous, il y a une égalité absolue entre les femmes et les hommes. L’égalité des sexes est inscrite dans notre loi; elle est aussi gravée dans notre conscience collective. Ce principe ne souffre d’aucun compromis, d’aucune dérogation, ni d’aucun accommodement. Bien qu’il soit universel, ce principe est malheureusement bafoué dans plusieurs pays et nié par les religions monothéistes.
De ce principe découle le postulat que la violence à l’endroit des femmes – d’ailleurs à l’endroit de tout être humain – est inacceptable. Il n’existe aucune justification, qu’elle soit sur le plan de la religion, de la psychologie, de la tradition ou de la culture, qui puisse excuser la violence.
Je prends pour acquis que vous n’ignorez pas la loi de notre pays. Chez nous, quiconque s’adonne à la violence commet un crime. Un père qui enferme sa fille dans un climat de terreur commet un crime. Un autre qui la bat avec sa ceinture est un criminel. L’imam qui justifie par des prêches incendiaires la lapidation des femmes fait une incitation publique à la haine et lui aussi commet un crime. Celui qui excuse la violence à l’endroit des femmes et refuse de la dénoncer se rend complice d’un crime et ça aussi, c’est sanctionné par la loi.
Vous savez tout ça, n’est-ce pas, mais votre discours, et l’action communautaire qu’il sous-tend, démontre le contraire. Faisant fi de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et de l’article 10 de la Charte québécoise, vous dites qu’il ne faut pas débusquer la violence [à l’endroit des femmes] parce que ce serait stigmatiser la famille ou la ‘communauté’. Vous ajoutez que si l’homme tourmente les femmes de sa famille, c’est parce qu’il est faible, qu’il a perdu ses repaires et qu’il faut le comprendre. Vous ajoutez encore qu’on ne doit pas le dénoncer afin de ne pas lui faire du mal. Rien dans ce que vous dites n’a de sens. Pour excuser la violence, vous utilisez un argumentaire spécieux comparant d’hypothétiques risques pour la ‘communauté’ avec des risques réels que courent les enfants tourmentés, et vous utilisez le concept creux de « faux positifs ». Madame, dans toutes ces histoires de violence à l’endroit des jeunes filles ou des femmes, ce sont celles-ci qui sont en danger et qui souffrent dans leur chair, et non leurs tortionnaires.
En plus, vous drapez votre position dans l’autorité morale de l’Association médicale canadienne. J’ai vérifié : l’AMC m’assure qu’elle n’a jamais avalisé une telle opinion.

Communautés ? ? ?
Plus d’une fois dans votre discours, vous mettez en opposition, d’une part, la ‘communauté’ de la jeune fille violentée et, d’autre part, une ‘communauté’ québécoise qui serait à la fois différente et extérieure à celle de la jeune fille. Et vous dites que la jeune fille n’est pas forcée de rester musulmane ou québécoise, c’est à dire qu’elle peut en tout temps quitter l’une ou l’autre de ces deux ‘communautés’.
Ce discours, madame, est absolument aberrant. Une adolescente musulmane n’a pas le choix de sa religion : elle est musulmane, point à la ligne. Si elle voulait renier sa religion, elle commettrait l’apostasie, le pire crime de l’Islam. La colère de sa famille et de sa ‘communauté’ serait sans borne. De nombreuses musulmanes sont assassinées pour moins que ça. De plus, aucune jeune musulmane ne veut quitter sa famille si celle-ci la traite avec amour et dignité. Mais on peut comprendre qu’elle veuille fuir un père qui la martyrise.
Aussi, dès qu’elle met les pieds au Québec, cette jeune fille appartient de facto à la société d’ici. Comme tous les immigrants, comme tous les citoyens, elle bénéficie des opportunités qu’offre le Canada, tire avantage des services gouvernementaux ou autres, mais en même temps doit respecter les obligations reliées à sa terre d’accueil. Il en est de même pour son père ou tous les membres de sa famille. Un immigrant peut bien se définir par rapport à sa religion ou son pays d’origine mais n’échappe pas au fait qu’il appartient à la ‘communauté’ canadienne, incluant la ‘communauté’ québécoise.
En somme, dans la vie de tous les jours, l’adolescente musulmane ne peut, comme ça, impunément, s’affranchir ni de sa religion, ni de sa famille, ni de son pays. Laisser entendre le contraire frise l’irresponsabilité. Dans un conflit entre le père et l’adolescente, il faut comprendre que c’est celle-ci qui tremble de peur, qui se sent piégée, qui ne voit aucune issue à sa condition. C’est cette enfant terrorisée qu’il faut protéger.
Il y a encore plus : En définissant l’insertion sociale ou l’intégration des immigrants par une différence fondamentale ou même par une opposition existentielle entre, d’une part, la ‘communauté’ restreinte de leur religion ou de leur pays d’origine et, d’autre part, la ‘communauté’ de la société d’accueil, vous enfermez des immigrants dans l’ergastule du communautarisme. C’est là le plus mauvais service à leur rendre.
À ce propos, permettez-moi une remarque en passant. N’est-il pas bizarre qu’un immigrant, pour améliorer son sort, choisisse le Canada comme terre d’accueil, puis, le lendemain de son arrivée, s’empresse de se définir en opposition à ce même pays? Car n’est-ce pas dans cette absurde incohérence que réside la principale cause de la violence faite aux adolescentes musulmanes? Celles-ci veulent vivre en petites Canadiennes alors que leur père, et souvent aussi leur mère et leurs frères, tiennent à ce qu’elles vivent comme au Pakistan ou en Afghanistan, c’est-à-dire voilées, cloîtrées et soumises aux diktats des mâles de la famille. Encore plus bizarre est l’attitude de gens bien intentionnés qui encouragent cette aberration.

Médiation ou arbitrage
Pour résoudre le problème de la violence faite aux jeunes musulmanes et, d’une façon générale celui des conflits au sein des familles d’immigrants, vous proposez la médiation. Et vous ajoutez que le médiateur devrait être un membre respecté de la ‘communauté’, c’est-à-dire, selon vous, un imam, parce qu’il serait un médiateur-né. Mais, dites-moi, comment définissez-vous la médiation en matière de droit familial par un imam? C’est la charia, n’est-ce pas.
Vous n’ignorez pas, madame, que la charia est un arbitrage en référence à la loi religieuse musulmane. Là où elle est appliquée, elle a préséance sur les lois civiles. Les décisions d’un tribunal de la charia sont exécutoires et sans appel.
Je vous rappelle les péripéties récentes de la charia au Canada et au Québec. Il y a quelques années, en Ontario, un organisme islamiste, l’Islamic Institute for Civil Justice a proposé d’instituer la charia pour arbitrer les conflits familiaux. Pris de court, le gouvernement ontarien a demandé à une ancienne procureure générale, Marion Boyd, d’étudier la question et de lui faire rapport. À la surprise générale, madame Boyd a recommandé d’instituer la charia. Cette recommandation a provoqué une formidable levée de boucliers partout au Canada, et même à l’étranger. Les principales voix d’opposition furent celles des femmes musulmanes, car celles-ci savaient très bien de quoi il retournait. Par expérience, elles savent que, presque toujours, le jugement des imams selon la charia leur est défavorable. Au Québec, l’idée d’instituer la charia fut rejetée par un vote unanime de l’Assemblée nationale, suite à une motion d’une autre femme musulmane, la députée Fatima Houda-Pépin. À cette occasion, madame Houda-Pépin a déclaré que « le fondement même de la charia est d’être anti-démocratique ».

Oh, me répondrez-vous, je ne parle ici que de médiation, et non pas d’arbitrage.

En réponse à votre objection, madame, il serait utile de vous citer la lettre du Ministre québécois de la justice de l’époque, datée du 15 janvier 2005. La voici :

« Je désire réaffirmer aujourd’hui la position du gouvernement du Québec selon laquelle l’instauration d’une instance d’arbitrage ou de médiation qui rendrait des décisions en matière familiale en vertu de la charia ou de tout autre code religieux n’est pas permise par la législation québécoise et ne le sera pas. Il n’est donc pas question de modifier le Code civil du Québec ou toute autre loi afin de permettre l’arbitrage religieux en droit de la famille, ce que j’ai d’ailleurs affirmé le 13 décembre dernier à l’Assemblée nationale et par voie de communiqué.
L’article 2639 du Code civil du Québec exclut l’arbitrage conventionnel pour les questions touchant l’état et la capacité des personnes, pour toutes les matières familiales et pour toute autre question qui intéresse l’ordre public. Ainsi, aucun arbitre religieux ou laïque ne peut, par exemple, prononcer un divorce ou décider d’une pension alimentaire, du droit de garde des enfants ou du partage des biens entre les conjoints.
La médiation familiale doit être effectuée par un médiateur accrédité, comme le prévoit la loi. Seuls les avocats, notaires, psychologues et travailleurs sociaux qui ont suivi une formation obligatoire sont reconnus par le gouvernement comme médiateurs accrédités. Ces professionnels sont également soumis à toutes les lois et tous les règlements encadrant la pratique de leur profession. Il n’est pas question de modifier les lois afin de reconnaître les membres de mouvements religieux, quels qu’ils soient, comme médiateurs familiaux accrédités.
Enfin, je tiens à réitérer que le principe d’égalité de tous devant la loi est fondamental dans les valeurs du Québec et qu’il n’est pas question de toucher à ce principe d’aucune façon. Le Code civil s’applique à tous les résidants du Québec, quelle que soit leur appartenance religieuse, et aucun système d’arbitrage ne sera toléré dans les matières qui concernent la famille et l’ordre public.
»
Et c’est signé par Jacques P. Dupuis, Ministre de la justice et Procureur général du Québec.

Madame, je doute fort que vos imams soient accrédités par le gouvernement du Québec et qu’ils inscrivent leurs recommandations dans l’esprit du Code civil québécois. Je doute fort aussi que la jeune fille impliquée dans le genre de médiation que vous préconisez soit accompagnée d’un avocat qui la défendra. Je doute fort encore qu’on explique à la jeune fille qu’elle n’est pas tenue de se soumettre à un tel exercice et que les conclusions la concernant ne sont pas exécutoires. Je doute fort enfin qu’au lendemain de la médiation, il y ait un observateur indépendant pour veiller à ce que l’enfant ne soit pas victime de représailles.

En somme, madame, vous émettez des opinions non fondées et prenez des initiatives pour le moins intempestives. Méprisant la loi, vous faites fi de la plus élémentaire prudence. Je ne vous connais pas mais je prends pour acquis que vos motifs sont nobles. Je prends pour acquis aussi que vous pratiquez la médecine dans le respect le plus pointilleux de votre code de déontologie. Pour l’avenir, puis-je vous demander de vous cantonner dans votre domaine d’expertise et cesser de bricoler la société en fonction de vos préjugés.

Cordialement vôtre,
Michel Lincourt PhD
Membre de la Coalition Laïcité Québec

PS.

3 Responses à “Dérive du multiculturalisme”

  1. le journal de personne dit:

    22 Nov, 11 a 6 h 41 min

    Théocratie Réelle Maintenant

    Les questions qui tuent
    Et pour lesquelles on s’entretue
    Sont peut-être les seules qui nous situent
    Porqué no? Why not ? Allech lè? Pourquoi pas?
    Pourquoi pas la charia ?
    Et pourquoi pas la charia ?
    Ça jette un froid, n’est-ce pas ?

    http://www.lejournaldepersonne.com/2011/11/theocratie-reelle-maintenant/

  2. Gilles Tanguay dit:

    22 Nov, 11 a 20 h 21 min

    Je salue votre courage de dénoncer haut et fort ces fumistes, ces apôtres du multiculturalisme (idéologie utopique qui s’est avéré à ce jour un échec monumental et catastrophique à l’échelle planétaire),et ces « idiots utiles » qui ne cessent de nous berner ou tenter de noyer le poisson dans une sauce infecte à saveur culpabilisante au détriment de notre avenir. BRAVO!

  3. Charia, laïcité et droit de réplique (Dimanche magazine) |  Ombudsman dit:

    31 Jan, 12 a 17 h 19 min

    […] M. Lincourt expose plus en profondeur ses arguments dans une lettre à la Dre Rousseau qu’il a publié sur son propre site Internet. […]