PRÉSENCE DE LUMIÈRES

Projet de loi 94 sur les ‘accommodements’: porte ouverte à l’arbitraire

Platon et Aristote: défenseurs de la raison

Platon et Aristote: défenseurs de la raison

Hier, la ministre de la justice Kathleen Weil a déposé à l’Assemblée nationale du Québec un projet de loi « établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements ».

Dans sa formulation actuelle, ce projet de loi est inacceptable.

Bien qu’il affirme le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes, et celui de la neutralité ‘religieuse’ (sic) de l’État selon lequel l’État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance quelconque », le projet de loi 94 ouvre la porte à une pléthore d’accommodements au bénéfices de religions, de doctrines, de croyances et de superstitions qui vont à l’encontre de ces deux principes.

Faut-il rappeler que la doctrine immuable des trois religions monothéistes (chrétiennes, musulmanes et juives, avec toutes leurs variantes) proclame la supétiorité de l’homme sur la femme? Faut-il rappeler que là où l’une de ces religions domine, la neutralité de l’État disparait?

Si l’on veut assurer la paix sociale et la liberté de pensée, si l’on veut favoriser le ‘mieux vivre ensemble’ (pour prendre une formule à la mode), on doit instituer une laïcité libre de tout qualificatif. C’est seulement de cette façon que les balises seront claires, évidentes, prévisibles et acceptées par tous.

À mon sens, l’une des failles de l’actuel projet de loi concerne l’introduction de l’arbitraire dans la gestion de la chose publique. L’une des plus remarquables différences entre la pratique démocratique et la pratique religieuse se situe sur le plan de la raison. La pratique religieuse s’appuie sur des dogmes de foi, c’est à dire sur des préceptes qui échappent à tout entendement fondé sur la raison. Au contraire, la démocratie se veut rationnelle. En démocratie, on discute librement des lois. Au sein des religions, on se soumet aux dogmes. En démocratie, c’est l’assemblée dûment constituée des élus de la nation qui vote et qui promulgue les lois; c’est le gouvernement en assure la bonne exécution; et ce sont les tribunaux sanctionnent les abus. Au sein des religions, le débat doctrinal libre de contraintes n’existe pas. Au sein des religions, le dogme vient d’En-haut. Au sein des religions, la décision de promulguer tel dogme plutôt que tel autre est parfaitement arbitraire. Par exemple, il n’y a aucune rationalité qui explique le dogmes de l’Immaculée Conception ou celui de l’Infaillibilité du pape. Il n’y a aucune rationalité qui explique le port du voile, ou celui de la kippa, ou le choix du vendredi pour les musulmans, du samedi pour les juifs et du dimanche pour les chrétiens. Pourquoi les adeptes de ces trois religions ne pourraient pas prier le même jour? Il n’existe aucune réponse rationnelle à cette question comme à toutes les autres concernant les dogmes religieux.

Ce que le projet de loi 94 fait, c’est d’introduire dans le domaine rationnel de l’État un ensemble de pratiques arbitraires qui seront toujours contestées justement parce qu’elles échapperont à toute explication rationelle.