PRÉSENCE DE LUMIÈRES

Affaire Norbourg: scandale

Les élus à Québec et à Ottawa ne veulent rien savoir de l'affaire Norbourg

Les élus à Québec et à Ottawa ne veulent rien savoir de l’affaire Norbourg

Scandale absolu!

Au Québec, tout le monde connait l’affaire Norbourg. Et Vincent Lacroix est plus célèbre que les frères Dalton. Résumons les grandes lignes de cette sordide affaire.

En 1998, Vincent Lacroix crée une société de gestion de fonds de pension. C’est Norbourg. Deux ans plus tard, il obtient de Desjardins le contrat de gestion du fonds Opvest qui contient quelque 5 millions$; avec le temps, ce capital gonflera. En 2001, Norbourg se retrouve acculé à la faillite. Simultanément, la Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ) met le nez dans ses affaires. Le bilan financier de Norbourg pour les années 2000 et 2001 illustre les difficultés de Lacroix : pour 2000, il fait état de revenus de 31 000.$ et de dépenses de 1,0 millions$; pour 2001, il affiche des revenus de 56 000.$ et des dépenses de 1,8 millions$. Néanmoins, la CVMQ approuve la demande de Norbourg et l’autorise à offrir sur le marché six fonds d’investissements. En novembre de la même année, le gouvernement du Québec (ministère des Finances) octroie à Norbourg une subvention de plus de 900 000 $. Dans la foulée, le fonctionnaire qui pilote le dossier Norbourg, Jean Renaud, passe au service de Lacroix.

En 2002, malgré des soupçons de malversations chez Norbourg, la CVMQ ne lance aucune enquête. En janvier 2004, la Caisse de dépôt et placement du Québec vend à Norbourg les fonds Évolution et Capital Teraxis. Du coup, Lacroix met la main sur des liquidités de 132,0 millions$. Les petits investisseurs qui avaient placé leurs économies à la CDPQ, apprennent avec stupeur que leurs avoirs avaient été transférés chez Lacroix. La même année, la CVMQ devient l’Autorité des marchés financiers (AMF). Éric Asselin, l’un des inspecteurs de la CVMQ qui enquêtaient sur Norbourg devient le vice-président Finances de la société de Lacroix.

En août 2005, des inspecteurs de l’AMF et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) débarquent chez Norbourg. Cette perquisition et les huit autres qui suivent marquent la fin des activités de Norbourg. Sur un capital de 205,2 millions$, 130,1 millions$ ont été détournés. Escamotés. Où est l’argent? Mystère. Ce que l’on sait pour sûr, c’est que 9200 petits investisseurs ont été floués.

Pressée par l’opinion publique, l’AMF intente un procès à Vincent Lacroix. Cinquante-un chefs d’accusation de nature pénale sont déposés. En décembre 2007, Lacroix est reconnu coupable. Il interjette appel mais est débouté. Condamné à douze ans de prison, il voit le tribunal réduire sa sentence d’abord à huit ans, puis à cinq ans. Pour justifier cette double réduction de peine, les juges invoquent des raisons ‘techniques’.

Un nouveau procès, cette fois de nature criminelle, est intenté contre Lacroix et contre cinq de ses anciens collaborateurs, à savoir Serge Beugré, Félicien Souka, Jean Cholette, Rémi Deschambault et Jean Renaud. Contrairement à ses co-accusés, Lacroix plaide coupable et reçoit treize ans de prison, qui s’ajoutent aux cinq années de sa condamnation au pénal. Mais la règle du sixième s’applique. Ce qui signifie que Lacroix, pour peu qu’il se conduise bien, ne passera que trois ans derrière les barreaux, peu ou prou.

Le procès des cinq co-accusés se poursuit. Quelque 700 chefs d’accusation sont déposés contre eux. Après onze jours de délibération, le jury déclare que la preuve est trop complexe pour son entendement et qu’il est incapable de rendre une sentence. Le procès se termine en queue de poisson. Il faut tout reprendre à zéro. Le vice-président aux finances de Norbourg, Éric Asselin, qui a contribué à l’acte d’accusation et qui s’est vu offrir l’immunité, n’est pas inquiété. Son collègue, David Simoneau jouit de la même immunité.

Que retenir de ce triste bilan?

D’un côté, 9200 petits investisseurs qui ont tout perdu. De l’autre, des institutions, notamment les ministères des Finances et de la Justice, la Caisse de dépôt et placement, la CVMQ/AMF, qui démontrent un laxisme ahurissant ou une incompétence consternante.

D’un côté, des citoyens floués. De l’autre, la CDPQ et l’AMF qui se voilent la face et nient toutes responsabilité.

D’un côté, des citoyens déconcertés. De l’autres un système de justice qui ne rend pas justice.

De tous les côtés, le peuple qui ne comprend plus.