BOUQUET DE LUMIÈRES
Remarques sur les cartes de crédit et de débit
Courriel envoyé au Comité sénatorial des banques et du commerce et au Comité parlementaire des finances,
Parlement du Canada, 18 mai 2009
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Voici quelques remarques sur la législation encadrant l’industrie des cartes de crédit et des cartes de débit :
Agir de toute urgence. Compte-tenu de la crise financière, il est à la fois nécessaire et urgent de mettre en place une législation et un cadre réglementaire pour encadrer et contrôler l’industrie des cartes de crédit et de débit.
Énoncer un principe démocratique pour présider à l’élaboration de la nouvelle législation. Ce principe pourrait se lire comme suit : « La finance est au service de l’économie, et celle-ci au service des humains. » Ce principe signifie que la nouvelle législation doit viser le bien collectif et non les intérêts de certaines entreprises. Les décisions relatives au contenu de la nouvelle législation doivent s’inspirer de ce principe.
Mettre en place un contrôle de l’oligopole de l’industrie des cartes de crédit et de débit est un impératif démocratique. Qui sont les propriétaires de Visa, de Mastercard et d’Interac? Si on gratte un peu, on découvrira peu ou prou les mêmes banques. Bien sûr, Visa et Mastercard sont des sociétés plus américaines ou internationales que canadiennes, et Interac, plus canadienne qu’internationale; mais les grandes banques canadiennes se retrouvent derrière les trois sociétés. Visa, Mastercard et Interac (et quelques autres) forment un oligopole. Cette réalité doit être prise en compte. En conséquence, puisque nous avons affaire à un monopole de grandes institutions financières, une très sévère réglementation est nécessaire pour l’encadrer, corriger les actuels abus et éviter les futurs dérapages. Abus? Dérapages? Parlant des cartes de crédit, le président Obama parle de « rip off ». Est-ce si différent chez nous?

Cartes de crédit
Refuser le piège de l’autorégulation. La nécessaire réglementation doit être gouvernementale.
Limiter l’offre des cartes de crédit. Combien y en a-t-il en circulation? Soixante-quinze millions? Trois cartes par adultes, est-ce cela? Certains mordus transportent jusqu’à dix cartes dans leur porte-monnaie. Pourquoi? Et pourquoi une telle variété? Je défie qui que ce soit de s’y reconnaître entre toutes ces cartes. En quoi la multiplication des cartes de crédit et la confusion des gadgets sert-elles le bien collectif? Appliquer la réduction de l’offre des cartes de crédit à la fois au niveau des banques et à celui des individus. On pourrait arguer que, pour le commun des mortels, une carte de crédit et une carte de débit suffisent. Des exceptions existent sûrement mais celle-ci devraient être investiguées. On pourrait distinguer entre les cartes de crédit personnelles et celles des entreprises.
Mettre en place un mécanisme qui réduira progressivement l’endettement des canadiens à un niveau raisonnable. Bien sûr, un débat d’experts sera nécessaire pour définir ce mécanisme et déterminer le niveau d’endettement qui serait prudent. Mais tout le monde s’entend pour dire que l’endettement actuel est trop élevé et l’épargne trop bas. Donc, il est de la responsabilité des parlementaires d’intervenir.
Lier le crédit des cartes d’un même client. Pourquoi? Principalement pour réduire l’endettement. Par exemple, si le profil financier de monsieur Tartempion ne lui permet pas plus que 10 000.$ de marge et qu’il possède deux cartes de crédit, alors la limite de crédit ne doit pas dépasser 5 000.$ par carte (ou une combinaison différente mais arrivant au même résultat).
Encadrer la définition du profil financier des citoyens. La banque émettrice de la carte établira ce profil financier. En fait, la banque le fait déjà (parfois) mais trop souvent, poussée par sa gloutonnerie, fait preuve d’un déplorable laxisme. Afin de contrer les abus et la discrimination dont pourraient subir les citoyens lors de l’établissement de ce profil financier, encadrer ce processus de définition du profil financier, notamment pour les marges de crédit, incluant celle reliée à la carte. Instituer un mécanisme d’appel qui sera gouvernemental (voir ‘organisme de contrôle’, plus loin).
Interdire les cartes de crédit destinées aux enfants. Plus précisément, interdiction totale jusqu’à l’âge de quinze ans. Entre quinze et dix-huit ans, exiger un encadrement sévère. La marge de crédit sur la carte de l’adolescent doit s’inscrire à l’intérieur de la marge du parent qui en assume la responsabilité.
Réduire, plafonner les frais d’intérêt sur les comptes en souffrance des cartes de crédit. Pour le paiement du compte mensuel, la formule actuelle doit être maintenue, à savoir: ‘aucun intérêt n’est exigé si l’on paie avant l’échéance du premier mois’. Après cette échéance, le taux d’intérêt doit être le même que celui de l’impôt fédéral en souffrance (entre 5% et 10% par année). Il ne doit s’appliquer que sur la balance de la dette et sur le délai. Par exemple, si monsieur Tartempion reçoit un compte de 1 000.$ sur sa carte, qu’il ne le paie pas à l’échéance, mais qu’il le paie 500.$ quinze jours plus tard et la balance encore quinze jours après, alors le paiement de l’intérêt mensuel sera calculé sur le plein montant pour quinze jours et sur la moitié du montant pour quinze jours.
Mettre en place un mécanisme qui réduira la marge de crédit du mauvais payeur chronique.
La banque émettrice avertira le client lorsque celui-ci atteint la limite de son crédit. Établir la limite au-delà de laquelle la carte est bloquée.
Pour l’endetté incapable d’assumer, généraliser la politique actuelle de certaines banques, c’est à dire transformer la dette de la carte de crédit en un prêt bancaire. Et confisquer les cartes de crédit de cet individu aussi longtemps que la dette n’est pas effacée.
Pour les citoyens qui ont peu de moyens, introduire un mécanisme de microcrédit géré par les banques et garanti par l’État. Ainsi, on éliminera le recours à la carte de crédit pour payer les fins de mois. À moins de fraude prouvée, la banque aura l’obligation d’offrir ce microcrédit et d’accorder le prêt. Le taux d’intérêt de ces petits prêts à court terme sera de l’ordre de ‘prime plus un’. Aucun risque pour la banque à cause de la garantie gouvernementale.
Interdire tous les cadeaux, primes et autres gadgets offerts par les sociétés de cartes de crédit parce que, en bout de parcours, ces cadeaux de dupes sont payés par le commerçant ou par le détenteur de la carte. Ces faux cadeaux ne sont là que pour encourager l’endettement abusif. Par conséquent, réduire en proportion les frais aux commerçants.
Simplifier et rendre compréhensifs les termes du contrat entre le détenteur de la carte (i.e., vous et moi), la banque impliquée (i.e., RBC ou TD) et l’organisme émetteur (i.e., Visa ou Mastercard). Interdiction à qui que ce soit de changer unilatéralement les termes de ce contrat, y compris le taux d’intérêt sur un prêt en cours. Les modifications devront être autorisées par l’organisme de contrôle, suite à des audiences publiques.
De même, simplifier, rendre compréhensifs et plafonner les frais imposés aux commerçants. Interdiction de les modifier sans l’autorisation de l’organisme de contrôle.
La définition de ce frais devra faire l’objet d’une négociation entre l’industrie des cartes de crédit, les banques et les commerçants. En cas de divergence, l’organisme de contrôle tranchera.
Assurer que les petits commerçants paient des frais moindres que les grandes surfaces (actuellement, je pense que c’est le contraire : Wal-Mart paie moins que l’épicier du coin).
Faire en sorte que les frais de la carte de crédit apparaissent sur la facture du commerçant.
Le montant des frais de la carte de crédit doit être déduit de la facture si le client paie comptant ou par carte débit.
Ne pas modifier Interac. Il semble que ce système fonctionne bien. Alors, pourquoi le changer? En conséquence, il faut continuer d’interdire à Visa et à Mastercard (et aux autres cartes de crédit) de pénétrer le marché de la carte de débit. Et refuser à Interac de devenir une société à but lucratif. Pourquoi? Parce que ces changements réclamés par les seules sociétés de l’oligopole ne serviront que leurs intérêts et aucunement ceux des citoyens.
Interdire à Interac ou aux banques de changer unilatéralement les règles du jeu concernant la carte de débit. Après consultation publique, l’organisme de contrôle pourra approuver les changements demandés s’ils servent le bien collectif.
Mettre en place un organisme de contrôle de l’industrie des cartes de crédit et de débit. La mission de cet organisme? En gros : superviser la mise en œuvre de la nouvelle législation, servir d’ombudsman, enquêter et sanctionner en cas d’abus, tenir des audiences publiques pour la modification des contrats et des règles du jeu.
Dernière remarque en guise de conclusion. Les banques et autres institutions financières sont responsables de la présente crise financière qui ravage le monde. Visa, Mastercard et Interac sont créatures de ces mêmes banques, et des rouages de ce système qui a fait la preuve de son ineptie et de sa gloutonnerie. C’est pourquoi les parlementaires doivent intervenir rapidement et énergiquement pour corriger ce système.
M.