BOUQUET DE LUMIÈRES

Cours d’Éthique et de culture religieuse: endoctrinement?

Ces jours-ci, on parle beaucoup du cours d’Éthique et culture religieuse (ÉCR). Il s’agit d’un cours obligatoire de l’enseignement primaire et secondaire du Québec.  Depuis septembre 2008, il remplace les cours de morale et de religion (catholique principalement, protestante aussi). Selon le libellé du programme, le cours ÉCR poursuit deux finalités : la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun, à savoir acquérir une ‘meilleure compréhension de notre société’, apprendre à ‘s’ouvrir sur le monde’, développer une ‘capacité d’agir avec les autres’. Il veut ‘aider les élèves à mener une réflexion critique sur des questions éthiques et à comprendre le fait religieux en pratiquant, dans un esprit d’ouverture, un dialogue orienté vers la recherche du vivre ensemble’. À cet effet, il propose le développement de trois compétences : celle de réfléchir sur les questions éthiques, celle de manifester une compréhension du phénomène religieux et celle de pratiquer le dialogue. Le programme demande à l’enseignant de ‘faire preuve d’initiative’ mais en même ‘de ne pas donner son point de vue’ . . . en revanche, ‘lorsqu’une opinion émise porte atteinte à la dignité de la personne ou que les actions proposées compromettent le bien commun, il [l’enseignant] doit intervenir en se référant aux finalités du programme’.

Le débat
La sociologue Joëlle Quérin dénonce ce cours en arguant qu’il néglige la transmission des connaissances au profit d’un endoctrinement en faveur du multiculturalisme. Dans son blogue, Richard Martineau relaie et endosse la position de madame Quérin. Il dit que ce cours ‘n’est pas destiné à apprendre aux enfants l’histoire des autres religions, que c’est un outil de propagande destiné à vendre les vertus du multiculturalisme à la Bouchard-Taylor’. Il cite madame Quérin : ‘[dans ce cours], il s’agit de dire aux enfants qu’ils sont tous Québécois et qu’être Québécois signifie tout simplement de respecter la Charte québécoise des droits et libertés’. Parlant de ce cours, l’éditorialiste de La Presse, Mario Roy, affirme ‘qu’une propagande destinée aux enfants n’est pas une chose inconcevable’. Pour des raisons opposées, la Coalition pour la liberté en éducation (allégeance religieuse à majorité catholique) et le Mouvement laïque québécois dénonce le cours. Le PQ et l’ADQ exigent sa révision. La ministre de l’Éducation le défend. Les principaux concepteurs du cours, dont le philosophe Luc Bégin, le défendent aussi. Dans un article publié dans La Presse (16 décembre 2009), celui-ci écrit que ‘la lecture du programme ÉCR que propose madame Quérin est biaisée dès le départ par l’amalgame qu’elle propose entre pluralisme et multiculturalisme’. Pour monsieur Bégin, l’approche pluraliste du cours se justifie parce que le Québec est pluriel et n’a rien à voir avec le multiculturalisme, ‘cette philosophie politique qui postule qu’il n’existe pas d’identité nationale ni de culture majoritaire’.

Qu’en est-il vraiment?
Pour me faire une tête, j’ai lu le programme. À mon sens, tel que rédigé, le cours ÉCR souffre de lacunes graves qui vont bien au-delà de la question identitaire. D’ailleurs, sur cette question, affirmons tout de suite quelques évidences : le Québec possède une identité nationale et une culture majoritaire, le Québec est une province au sein du Canada qui lui aussi possède une culture et une identité, le Québec et le Canada sont pluriels, la religion aussi est plurielle, la laïcité est une (encore bien fragile) réalité au Québec et au Canada, le Québec et le Canada participent du monde, l’histoire du Québec s’imbrique dans celle du Canada et l’histoire de celui-ci s’imbrique dans celle du monde, les religions aussi possèdent leur histoire qui est liée à celle des civilisations.

Approche insidieuse
Les lacunes, disais-je, sont nombreuses, profondes et dominent le débat indépendantiste / fédéraliste / interculturaliste / multiculturaliste.

Malgré ce qu’en disent les concepteurs, le cours ÉCR favorise l’ignorance parce qu’il valorise les compétences au détriment des connaissances. On ‘forme’ des citoyens qui seront peut-être accommodants mais qui ne comprendront pourquoi ils doivent l’être, ni pourquoi ils doivent l’être beaucoup dans certaines circonstances et beaucoup moins dans d’autres.

Les concepteurs demandent aux enseignants de ne pas donner leur point de vue mais eux-mêmes ne se gênent pas imposer le leur.

Leur approche est insidieuse car elle propose de discourir sur des concepts superficiels. Elle propose une recette vide d’ingrédients, laissant aux enseignants la responsabilité d’apporter les éléments de contenu sans exprimer d’opinion. Tâche ardue. En effet, que se passerait-il si un élève demande à son professeur ce qu’il pense sur le port du voile islamique par les fonctionnaires de l’État?

L’approche incite à réfléchir, à comprendre et à dialoguer mais ne dit pas sur quoi il faudrait le faire. Elle élabore le ‘comment’ mais ignore le ‘quoi’ et le ‘pourquoi’. Les carences de contenu sont graves. Par exemple, le cours aborde la question des religions sans toucher celle de l’existence de Dieu. Il accommode les croyants mais exclue les athées ou les agnostiques. Il effleure la question de la foi mais passe sous silence celle de la raison.

Tabous?
Dans le cours ÉCR, y a-t-il des sujets tabous? Par exemple, l’enseignant peut-il dialoguer sur le déisme? Réfléchir sur la morale naturelle? Sur le fanatisme? Ou doit-il se cantonner dans une vision édulcorée des religions?

Bien-pensance
Parce qu’il n’aborde pas les points de vue contraires à la religion, le cours s’engouffre dans le tunnel de la bien-pensance bondieusarde que l’on ne doit pas confondre avec la spiritualité. Par conséquent, il ne favorise ni la remise en question, ni la critique, ni le discernement.

Peu de références à l’histoire
Le cours propose peu de références historiques. Il n’aborde pas vraiment l’histoire des religions. Il ne situe pas le phénomène religieux dans l’histoire du Québec, ni dans celle du Canada, encore moins dans celle du monde. Dans sa formule actuelle, par exemple, l’enseignant n’aura pas le loisir de parler de l’invention du monothéisme, des schismes, de l’expansion de l’Islam par la force des armes, des luttes sanglantes entre les sunnites et chiites, des croisades, de la Réforme, de l’exécution de Giordano Bruno, de l’Édit de Nantes, de sa révocation et des dragonnades qui en résultèrent, de l’Inquisition, de la Saint-Barthélemy, de la chasse aux sorcières, etc. Bien sûr, on ne va pas troubler nos jolies têtes blondes avec de telles histoires d’horreur. En revanche, il ne serait pas honnête de leur laisser croire que tout est gentil dans le monde merveilleux des religions.

Aucune référence à la philosophie
Le cours ne fait aucune référence à la philosophie, notamment à celle des Lumières. Dira-t-on à nos bambins et à nos ados que c’est à cause des philosophes des Lumières que nous avons aujourd’hui la démocratie, la séparation des églises et de l’État, la liberté de penser et les chartes des droits? Puisqu’ils doivent comprendre le phénomène religieux, nos enfants apprendront-ils que les religions ont toujours réprimé la pensée critique, se sont toujours opposées à l’émancipation de la femme. Le cours parle de Jésus, de Bramah, de Mahomet et du Bouddha mais ignore Diderot, Voltaire, Condorcet et Jules Ferry.

Amalgame?
Le cours ÉCR associe éthique et religion. Et laisse entendre que les religions possèdent le monopole de la morale. Cet amalgame soulève une grande confusion. En effet, nous savons que, trop souvent, les religions prônent, justifient ou excusent des comportements immoraux, voire criminels. Ce fait est indéniable. Pour s’en convaincre, il suffit de mentionner la pédophilie des prêtres irlandais et le silence leur hiérarchie, de rappeler les lapidations en Arabie, les crimes d’honneur, le vitriolage de femmes en Afghanistan, les mariages arrangés, les poseurs de bombes au nom d’Allah, etc. Selon moi, le cours doit affirmer haut et fort que l’éthique ou la morale s’appuie d’abord sur la loi naturelle et notre système de droit. La tolérance, par exemple, est une valeur qui découle de la philosophie des Lumières et non des religions. Et la pureté (ou l’impureté) est un concept religieux que rejette la morale naturelle.

Le cours stipule que toutes les opinions qui portent atteinte à la dignité de la personne seront sanctionnées. Fort bien. Mais que dire de la religion qui impose aux femmes de porter le hijab, le niqab, la burqa? Est-ce une atteinte à la dignité des femmes? Que dire aussi des doctrines chrétiennes, juives et islamiques qui proclament la masculinité de Dieu et la supériorité de l’homme sur la femme? Sont-ce des dogmes contraires à nos chartes de droits?

Le cours prétend aborder des thèmes universels comme l’amitié, la justice et le bonheur. Mais alors, si un gamin affirmait que le bonheur bien réel sur terre prime le bonheur après la mort dans un éventuel et vague paradis, serait-il sanctionné? Parce que, aspirant au bonheur sur terre, il contestera l’esprit de sacrifice de l’enseignement religieux. Et l’amitié? La religion dit : deux amis qui s’aiment, c’est bien; mais ajoute : deux amis qui s’aiment et couchent ensemble, c’est mal. Alors, pour les religions, l’amitié serait . . . disons . . . sélective. L’homosexualité est farouchement rejetée par les religions. Si l’une des finalités du cours est la reconnaissance de l’autre, alors, sur ce point comme sur d’autres, les religions se ferment à l’autre, vont donc à l’encontre de cette finalité.

À propos de thèmes universels, il y a de multiples questions que le cours ne pose pas. En voici deux. Pourquoi le Dieu infiniment bon permet-il le malheur? La religion est-elle un vecteur d’émancipation sociale ou au contraire une force réactionnaire?

Laïcité
Le cours ne parle pratiquement pas de la laïcité. Rappelons que la laïcité n’est pas une ‘religion’ parmi d’autres. Elle est un principe politique, celui de la séparation des églises et de l’État. Ici, un bref rappel historique serait utile. En Occident, entre l’an 317 qui est la date de l’Édit de Milan qui confirmait l’alliance stratégique entre l’église chrétienne et le pouvoir impérial romain, et l’an 1517 qui est l’année qui vit Martin Luther promulguer ses 95 thèses, l’Église catholique et romaine détenait le monopole de la doctrine religieuse. Mille deux cents ans de règne sans contestation. Au XVIe siècle, Luther affronta Rome, quelque vingt-cinq ans plus tard Henry VIII récidiva, puis dans la foulée du roi d’Angleterre Jean Calvin remit ça. Tout à coup, trois églises réformées s’épanouissaient à côté de l’Église catholique. Et en filigrane, il y avait toujours les religions périphériques à l’Europe chrétienne, à savoir les religions juive, orthodoxe et mahométane. Cette cohabitation ne se fit pas sans heurts. Les guerres religieuses redoublèrent de violence, les persécutions se multiplièrent et les chasses aux sorcières devinrent un véritable fléau. Ainsi donc, au seizième et au dix-septième siècle, face à l’épineux problème de la coexistence de plusieurs religions au sein d’un même état, plusieurs hommes sensés se mirent à réfléchir. L’un d’eux fut John Locke. En 1689, il publia sa Lettre sur la tolérance dans laquelle il affirmait ceci : “I esteem it above all things necessary to distinguish exactly the business of civil government from that of religion and to settle the just bounds that lie between the one and the other.” Locke venait d’apporter la réponse au problème de la liberté de conscience, venait d’énoncer le principe de tolérance et venait d’inventer le concept moderne de laïcité. Pour assurer la paix, disait-il, il fallait que le pouvoir politique s’émancipe des religions et se transforme en une espèce d’arbitre de la tolérance. Bien sûr, le premier corollaire de cet arrangement fut que chaque religion devait reconnaître l’autorité de l’État laïc sur toutes les affaires qui ne relevaient pas directement de la foi. Et comme second corollaire, chaque citoyen acquérait le droit d’adhérer à la religion de son choix, dans la mesure où cette même religion acceptait le modus vivendi et ne complotait pas contre l’État. Le cours ÉCR devrait rappeler que la laïcité de l’État est nécessaire pour assurer la paix sociale et garantir la liberté de religion.

Exercices pédagogiques
En plus du programme proprement dit, de nombreux exercices pédagogiques sont proposés aux enseignants. Certains sont bien faits, d’autres sont anodins, quelques-uns posent problème.

Par exemple, dans celui intitulé ‘Le monde de la prière’, on incite l’enfant ‘à découvrir les différentes pratiques de prière et de méditation vécues en communauté’. On y précise cependant que l’enseignant doit traiter obligatoirement du catholicisme et du protestantisme. Mais on ne lui dit pas ce qu’il doit dire aux gamins qui viennent de familles athées ou même de familles simplement indifférentes à ces pratiques. On conclut cet exercice par une question posée aux enfants (je cite) : ‘Et toi, que pratiques-tu ? La prière, la méditation ou la réflexion ?’ Et si le gamin ne pratiquait rien de tout ça ? Est-ce qu’on lui dirait qu’il a un comportement répréhensible ? En plus, le même exercice soumet les enfants à un questionnaire qui ressemble étonnamment à celui du confessionnal d’antan. Je cite encore : [parlant des pratiques de prière ou de méditation] ‘Où étais-tu ? Avec qui étais-tu ? Comment étais-tu installé ? Avec quoi te recueillais-tu ? Que faisais-tu, prier ou méditer ? Pourquoi avais-tu pris ce temps de réflexion ? Est-ce que cela t’arrive souvent ?

L’exercice sur le ‘Commencement’ [du monde] met sur le même pied la théorie scientifique du Big Bang et les légendes religieuses. Selon moi, ce raccourci constitue un sévère dérapage qui rappelle le débat sur le créationnisme. Dans cet exercice, on propose une lecture à l’eau de rose des premiers chapitres de la Genèse. Il convient, je pense, de lire attentivement ce texte qui fonde le créationnisme. La Genèse dit : Dieu créa l’univers en six jours, se reposa le septième. Après, il créa l’homme, puis la femme à partir de l’homme et les installa dans un jardin paradisiaque. Au centre du jardin, il planta ‘l’arbre de la connaissance’ mais interdit à l’homme et la femme d’en manger les fruits. Arrive le serpent qui tente la femme, et elle, ‘voyant l’arbre précieux pour ouvrir l’intelligence’, croque un fruit, en offre un autre à son compagnon qui lui aussi le mange. Dieu se met en colère, chasse l’homme et la femme du jardin et les condamne, pour toujours, à une vie de misère, elle qui ‘portera ses désirs vers son mari mais lui qui la dominera’, elle encore qui ‘enfantera dans la douleur’ et lui qui travaillera la terre ‘à la sueur de son visage’.

En expliquant ce texte, l’enseignant va-t-il souligner que non seulement la fable de la création du monde en six jours n’a pas de sens mais qu’en plus, elle édicte des règles de société qui sont à l’antipode de nos valeurs et de nos lois. Par exemple, Dieu décrète que l’homme est supérieur à la femme; nous, nous proclamons l’égalité des sexes. Dieu interdit à l’homme et à la femme d’accéder au monde des connaissances et au développement de l’intelligence; nous, nous favorisons l’éducation et la recherche. Contre une désobéissance et suite à une provocation, Dieu punit l’homme et la femme à une peine extrêmement sévère, sans aucune possibilité de rémission; nous, par nos lois et notre jurisprudence, nous tentons d’équilibrer le crime et la punition, et favorisons la réhabilitation des criminels. Dans sa colère, Dieu condamne tout le genre humain et toute la descendance d’Ève et d’Adam; nous, nous refusons le principe de culpabilité collective, refusons de condamner l’enfant pour un crime commis par le parent, et affirmons que la peine s’éteint avec le décès du condamné. Dieu s’autoproclame l’autorité suprême, celui qui juge et punit, à sa guise, de façon arbitraire; nous, nous disons que l’autorité suprême émane du peuple et qu’elle s’exerce à travers un système de lois.

Dans l’exercice sur la ‘Vérité et le mensonge’, on demande à l’enfant de se confesser, de raconter la fois où il aurait menti. Est-bien nécessaire?

Un autre exercice propose aux enfants de faire un graffiti collectif. Mais en même temps, on ne leur explique pas que le graffiti constitue une atteinte à l’intégrité du domaine public. Est-il moral de dégrader le bâtiment du voisin?

Évaluation?
Comment se fait l’évaluation des élèves dans un tel cours? Des critères d’évaluation sont proposés aux enseignants. À mon sens, tous sont hautement subjectifs. Mais peut-on faire autrement? À vrai dire, je pense qu’aucun gamin ne sera jamais recalé, même que tous auront à peu près la même note, à supposé que l’on donne encore des notes.

Trois autres remarques
D’abord, contrairement à ce que l’ADQ réclame, le cours ÉCR ne doit pas être mis à la poubelle; cependant, il requiert d’importantes modifications pour corriger les lacunes esquissées plus haut.

Aussi, je suis convaincu que l’immense majorité des enseignants sont des pédagogues intelligents, prudents et sensibles à la société québécoise; dans leur enseignement, ils sauront faire la part des choses et éviter les pièges inhérents à cette matière complexe et explosive.

En troisième lieu, rappelons que l’ancien cours de religion était un endoctrinement. L’actuel cours ÉCR en est-il un? Je pense qu’il revient à ses concepteurs de démontrer sur la place publique qu’il n’est est rien. Certains indépendantistes prétendent qu’il constitue une promotion intempestive du multiculturalisme. En introduisant des références historiques et philosophiques, on pourra corriger ce biais. En revanche, si le cours devenait un instrument de propagande indépendantiste, on aurait simplement tombé de Charybde en Scylla.

Nécessaire remaniement
En somme je propose de remanier de fond en comble le cours d’Éthique et culture religieuse, en l’orientant vers l’acquisition des connaissances. Je suggère d’y valoriser le développement de l’esprit critique beaucoup plus qu’il ne le fait actuellement. Il faudrait y inclure des références à l’histoire du Québec, du Canada, des religions et du monde, y inclure des références philosophiques, notamment la pensée des Lumières. Il faudrait mieux définir les valeurs de notre collectivité, les nommer, les expliquer et positionner les croyances religieuses par rapport à ces valeurs collectives.

2 Responses à “Cours d’Éthique et de culture religieuse: endoctrinement?”

  1. M dit:

    22 Jan, 10 a 16 h 11 min

    Cher Monsieur LINCOURT,
    Bravo pour ce texte, très complet et tout à fait pertinent !
    Mon point de vue va dans le même sens, même si mon approche est psycho-neuro-physio-génético-éducative.
    Le seul (et piètre) argument des partisans de l’endoctrinement religieux, actuellement en perte de vitesse, est d’accuser le cours d’ECR d’être un endoctrinement multiculturaliste et pluraliste !
    Un véritable pluralisme ne devrait pas défavoriser, voire occulter, les options laïques. Les Québécois croyants savent sans doute ce qu’implique la laïcité « politique », mais ignorent apparemment ce qu’est la laïcité « philosophique », concept plus belge que français, il est vrai. Ils ignorent apparemment que la laïcité « philosophique » souhaite idéalement un système éducatif permettant à chacun de choisir aussi librement et tardivement que possible de croire OU de ne pas croire, après une information minimale, objective et non prosélyte, à la fois sur le fait religieux ET sur le fait laïque.Apparemment,ils n’ont donc pas compris que l’athéisme, du moins s’il est bien compris, n’est pas antireligieux.

    Même en démocratie, l’Enseignement ne relève pas des citoyens, ni des religions, mais d’abord de l’Etat, qui a la responsabilité de l’émancipation de tous. Plutôt que de supprimer le cours d’ECR, ou de le rendre facultatif, je pense qu’il faudrait le repenser et donc l’améliorer.

    Certes, les Québécois ont le droit de privilégier leurs racines chrétiennes, mais la religion est une affaire privée et elle devrait être confinée au sein de la famille et dans les lieux de culte. Excepté au cours d’histoire ou de philosophie, elle n’a donc rien à faire à l’école, dont la vocation n’est pas d’évangéliser mais d’instruire et de préparer à une citoyenneté responsable.

    Faire découvrir d’autres religions à des adolescents, avec autant de détails, jette la confusion dans leur esprit et, par comparaison, cela ne peut que renforcer la religion traditionnelle et majoritaire.
    Les évêques l’ont bien compris ! C’est même, à mes yeux, le but hypocrite de ce cours : tenter de compenser le déclin du catholicisme, la déconfessionnalisation et la laïcisation croissantes de la société … Initialement, en effet, il devait être fait mention de l’existence de conceptions non religieuses. C’était un minimum, par simple honnêteté intellectuelle. Or actuellement, même la mention de l’athéisme a été expurgée !

    Les parents catholiques qui, au nom de leur liberté de conscience et de choix, demandent que ce cours soit optionnel, sont-ils bien conscients de leur responsabilité morale ?
    Comme s’ils étaient infaillibles, ils s’arrogent le droit d’imposer leur propre croyance à leurs enfants, comme si toute autre option, agnostique ou athée par exemple, était impensable, voire une abomination !
    Comme si, plus tard, le « libre choix » de leur enfants n’allait pas en être influencé !

    A notre époque de pluralité des cultures et des convictions, la liberté de croire OU de ne pas croire est légitime.. Mais elle reste souvent compromise, à des degrés divers, par l’imprégnation de l’éducation religieuse familiale, forcément affective puisque fondée sur l’exemple et la confiance envers les parents, et confortée par l’influence d’un milieu culturel unilatéral puisqu’il exclut toute alternative laïque non aliénante. L’éducation coranique en témoigne hélas à 99,99 % …

    Cela s’explique : dès 1966, le psychologue-chanoine Antoine VERGOTE, alors professeur à l’Université catholique de Louvain, a montré, sans doute à son grand dam, qu’en l’absence d’éducation religieuse, la foi n’apparaît PAS spontanément, et que la religiosité à l’âge adulte en dépend (et donc aussi, comme mécanisme de défense, la capacité du seul néocortex humain à imaginer un « Père » protecteur, substitutif et anthropomorphique).

    Par ailleurs, des neurophysiologistes ont constaté que chez le petit enfant, alors que les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures, les amygdales (centres de la peur, et donc pas celles de la gorge mais du cerveau émotionnel) sont déjà capables, dès l’âge de 2 ou 3 ans, de stocker des souvenirs inconscients (donc notamment ceux des prières, des cérémonies, des comportements religieux des parents, …, sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur.

    Ces « traces » neuronales sont indélébiles : l’ IRM fonctionnelle confirme que le cortex préfrontal et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s’en trouvent anesthésiés à des degrés divers, indépendamment de l’intelligence et de l’intellect, du moins dès qu’il est question de religion.
    Il va de soi que la prise de conscience des motivations psychologiques de la foi et de sa fréquente persistance neurophysiologique ne vise pas à prouver l’inexistence de « Dieu », mais elle tend, me semble-t-il, à relativiser la part
    de liberté individuelle.

    Dans un souci de réduire les inégalités socioculturelles, l’école, via le cours d’ECR, devrait donc compenser l’influence des parents, certes légitime et constitutionnelle mais unilatérale, par une DOUBLE information minimale, objective et non prosélyte : d’une part, au cours d’histoire, sur le « fait religieux » (certes « l’amour du prochain » du christianisme, mais aussi la soumission inhérente et commune à toutes les religions, la part de responsabilité des trois religions monothéistes dans l’origine de l’intolérance, de la violence et des guerres, …), ET d’autre part, sur le « fait laïque » (l’humanisme laïque, ses principes de libre examen, d’esprit critique, d’autonomie et de responsabilité individuelle, ses valeurs universalisables – puisque bénéfiques à tous, telles que le respect de la dignité humaine -, ses options, ses objectifs, la spiritualité laïque, …, actuellement occultés).

    Cela permettrait enfin à chacun de choisir ses convictions philosophiques OU religieuses en connaissance de cause, aussi librement que possible, d’accepter la différence enrichissante de l’autre et de tendre ainsi vers une réelle citoyenneté, fondée un meilleur « vivre ensemble ».

    Je lirai vos commentaires avec intérêt.

    Votre commentaire m’intéresserait vivement.
    Je vous en remercie déjà.
    Cordialement,

    Michel THYS à Waterloo en Belgique.
    http://michel.thys.over-blog.org

  2. Eric Folot dit:

    25 Juil, 10 a 14 h 56 min

    Éthique et culture religieuse – Un cours à conserver !

    Ma réplique se résumera à trois citations : celle de Gandhi, celle de Jean-Jacques Rousseau et celle d’Alexis de Tocqueville :

    Gandhi affirme : « Les religions représentent des routes différentes qui convergent au même point. Peu importe si nos chemins ne sont pas les mêmes, pourvu que nous atteignions le même but. À vrai dire, il y a autant de religions que d’individus. Si un homme parvient au cœur de sa propre religion, il se trouve, de ce fait, au cœur même des autres religions (…) Après une étude et une expérience approfondies sur cette question, j’en suis venu à la conclusion que 1) toutes les religions sont vraies; 2) aucune n’est tout à fait exempte d’erreurs; 3) toutes les autres me sont presque aussi chères que la mienne, dans la mesure où notre prochain devrait nous êtres aussi cher que nos proches parents. J’ai autant de vénération pour la foi des autres que pour la mienne… Dieu a créé différentes religions, tout comme il a créé leurs adeptes. Comment donc pourrais-je concevoir que la foi de mon voisin soit inférieure, et souhaiter qu’il se convertisse à ma religion ? Si je suis vraiment un ami loyal, je ne peux que prier pour lui souhaiter de vivre en parfait accord avec sa propre foi. Il y a plusieurs demeures dans le royaume de Dieu et elles sont toutes aussi saintes. QUE PERSONNE NE REDOUTE DE VOIR S’AFFAIBLIR SA PROPRE FOI EN SE LIVRANT À UNE ÉTUDE RESPECTUEUSE DES AUTRES RELIGIONS. La philosophie hindoue voit des fragments de vérité dans toutes les religions et nous enjoint d’avoir du respect pour chacune (…) La tolérance est aussi éloignée du fanatisme que le Pôle Nord du Pôle Sud. Une connaissance approfondie des religions permet d’abattre les barrières qui les séparent » (Gandhi, Tous les hommes sont frères : vie et pensées du Mahatma Gandhi d’après ses œuvres, Éditions Gallimard, Commission Française pour l’UNESCO, 1969).

    Et Jean-Jacques Rousseau d’ajouter : « Émile qu’il ne pût apprendre de lui-même par tout pays, dans quelle religion l’élèverons-nous ? À quelle secte agrégerons-nous l’homme de la nature ? La réponse est fort simple, ce me semble ; nous ne l’agrégerons ni à celle-ci ni à celle-là, MAIS NOUS LE METTRONS EN ÉTAT DE CHOISIR CELLE OÙ LE MEILLEUR USAGE DE SA RAISON DOIT LE CONDUIRE » (Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation, Garnier-Flammarion, Paris, 1966).

    Alexis de Tocqueville affirme : « La liberté voit dans la religion la compagne de ses luttes et de ses triomphes, le berceau de son enfance, la source divine de ses droits. Elle considère la religion comme la sauvegarde des mœurs ; les mœurs comme la garantie des lois et le gage de sa propre durée » « On ne peut donc pas dire qu’aux Etats-Unis la religion exerce une influence sur les lois ni sur le détail des opinions publiques, mais elle dirige les mœurs, et c’est en réglant la famille qu’elle travaille à régler l’État » « C’EST LE DESPOTISME QUI PEUT SE PASSER DE LA FOI, MAIS NON LA LIBERTÉ. La religion est beaucoup plus nécessaire dans la république qu’ils préconisent, que dans la monarchie qu’ils attaquent, et dans les républiques démocratiques que dans toutes les autres » (Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Tome I, Flammarion, Paris, 1981).

    Eric Folot